RDC-Rutshuru : le village martyr de Kishishe une fois de plus contrôlé par rebelles du M23 

Localisation de la cité de Kishishe sur carte du Nord-Kivu
Localisation de la cité de Kishishe sur carte du Nord-Kivu

Les affrontements entre les rebelles du M23/RDF et les jeunes patriotes, appelés communément «Wazalendo », ont repris le mardi 14 novembre  dans le groupement de Bambo, chefferie de Bwito, dans le territoire de Rutshuru. Nos sources dans la zone confirment que le M23 a réussi à reprendre le contrôle d'une grande partie de Kishishe et viserait Kibirizi. Le chef coutumier de la chefferie de Bwito, le Mwami Raphaël Nyamulagha Bukavu Kikandi 3, indique que les détonations d’armes lourdes et légères provoquent de nouveaux déplacements des habitants vers des zones jugées sécurisées. 

«  C’est depuis 4h que les affrontements ont repris, entre les Wazalendo et les terroristes du M23. Ces ennemis de la République ont repris le contrôle de Kishishe, zone qu'ils avaient abandonnée depuis plus de 10 mois maintenant. Ils ne progressent pas mais ils sont en train de déborder les positions de nos forces. La situation est tendue dans la zone. De nouveaux déplacements des populations sont signalés. Il y a même certains habitants de Kibirizi qui commencent à vider le lieu. Ils se dirigent vers Kanyabayonga, Kikuku et ailleurs », témoigne le chef de la chefferie de Bwito, le Mwami Raphaël Nyamulagha Bukavu Kikandi 3. 

Les bombardements de lundi ont fait au moins deux morts et cinq blessés parmi les civils dans l'agglomération de Bambo. Le fonctionnaire  délégué adjoint du gouverneur dans la chefferie de Bwito, Isaac Kibira, qui avance ce bilan provisoire appelle le gouvernement congolais à penser à toutes ces populations victimes de cette guerre d’agression. 

«  C'est depuis longtemps que nous demandons la fin de la guerre. La population souffre énormément. S’ils continuent à bombarder, ce sont les gens qui ont fui vers la brousse, qui vont, une fois de plus, être victimes. Le M23 a pris Bambo, maintenant Kishishe. Ils veulent aller jusqu’où ?  Qu'est-ce qu'ils cherchent à Bambo ?  Il n'y a même pas de carré minier là bas. Nous exigeons la fin de la guerre afin de permettre aux populations de retourner dans leurs milieux d’origine et vaquer librement à leurs occupations », a dit Isaac Kibira, fonctionnaire délégué adjoint du gouverneur dans la chefferie de Bwito. 

Sur d'autres lignes des combats, à Kibumba, dans le territoire de Nyiragongo ainsi qu’à Kilolirwe dans le territoire de Masisi, une relative accalmie y est observée. Les rebelles du M23 consolident cependant leurs positions dans des zones, récemment passées sous leur contrôle. La société civile ainsi que nombreux acteurs politiques, notamment, demandent au gouvernement de déclencher l'option militaire, en vue de libérer toutes les zones occupées par les terroristes du M23. 

Contexte : 

Le rapport d'une enquête préliminaire du BCNUDH et de la MONUSCO diffusé le 7 décembre 2022 avait  confirmé que les combattants du M23 ont tué au moins 131 civils (102 hommes, 17 femmes et 12 enfants) au cours d’actes de représailles contre les populations civiles perpétrés les 29 et 30 novembre, à Kishishe et Bambo, deux villages de la chefferie de Bwito, dans le nord-ouest du territoire de Rutshuru. Selon le même rapport, les victimes ont été exécutées arbitrairement par balles ou à l'aide d'armes blanches. Huit personnes ont par ailleurs été blessées par balles et 60 autres enlevées. Au moins 22 femmes et cinq filles ont été violées.

Dans un autre rapport publié mardi, BCNUDH a revu ces chiffres à la hausse et parle désormais de l’exécution sommaire d’au moins 171 personnes entre le 21 et le 30 novembre 2022.  Le redéploiement des forces de sécurité vers le front du M23 dans le territoire de Rutshuru a par ailleurs entraîné un vide sécuritaire dans d’autres territoires, que d’autres groupes armés, notamment les factions Nyatura et divers groupes Maï-Maï ont mis à profit pour étendre leur domination.

Dans un autre rapport sur les mêmes faits, Human Rights Watch dit avoir pu confirmer à partir des sources directes l’identité de 22 civils tués. L’ONG explique que le Bwito abrite un quartier général sectoriel, connu sous le nom de Kazahoro, du groupe armé FDLR composé pour l’essentiel de Hutus rwandais, dont certains de ses leaders ont pris part au génocide de 1994 au Rwanda, ainsi que leurs familles.

Jonathan Kombi, à Goma