Le sort réservé à l'état de l'état de siège encore en vigueur dans les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu sera connu à l'issue des travaux de la table ronde qui se tiennent à Kinshasa depuis lundi et qui doivent se clôturer ce mercredi 16 août 2023. Des voix s'élèvent pour appeler à la levée de cette mesure d'exception qui a démontré ses limites depuis plus de deux ans. Julien Paluku en sa qualité de Politologue et Chercheur en management des conflits armés fait partie de ceux qui soutiennent la levée de l’état de siège.
"Au niveau militaro-politique: il faut simplement mettre fin à l'état de siège et permettre le retour des civils à tous les niveaux de l'administration territoriale surtout que, outre les autorités élues au niveau provincial, il y a de nouvelles autorités nommées à la tête des villes, des territoires et des communes et qui constituent des maillons importants dans l'accompagnement de l'action militaire. Un militaire et/ou un policier ne peut continuellement diriger une entité administrative surtout que la Constitution et les lois stipulent qu'ils sont soumis à l'autorité civile. Si eux-mêmes exécutent le pouvoir civil, à quelle autorité civile seront-ils alors soumis ?", s'est interrogé Julien Paluku qui a adressé mardi sa contribution technique aux participants à la table ronde sur l'état de siège.
Il estime tout de même que la menace sur l'intégrité territoriale reste réelle. D’où il y a lieu de se projeter dans une nouvelle tentative qui lie à la fois actions diplomatiques, politiques et militaires afin de restaurer la sécurité dans cette partie du pays.
"Nous proposons donc la création d'un état-major général avancé à Beni comme point central pour gérer les opérations en Ituri et au Nord-Kivu. En conséquence, rallonger l'aéroport de Beni jusqu'à 2 500 m, travaux possibles en 3 mois selon les études récentes. Cet état-major général avancé doté des pouvoirs exceptionnels qui dérogent à l'organisation générale des forces armées est à placer sous le commandement direct du Commandant Suprême. Cela éviterait la lourdeur administrative, le tripatouillage décrié dans la gestion des fonds destinés aux opérations militaires (chaîne de dépense) et les interférences des échelons militaires ordinairement connus (Zones de défense, Région militaire, secteur opérationnel ...)" a recommandé Julien Paluku Kahongya ancien gouverneur du Nord-Kivu pendant 12 ans.
Cet état-major général, d’après Julien Paluku, "s'appuierait sur les autorités locales en termes des renseignements par le partage des moyens mis à disposition". "A l'intérieur de cet état-major général avancé fonctionneraient deux centres de résistance, l'un à Goma et l'autre à Bunia. Parallèlement, une stratégie de mise en œuvre de la Réserve Armée de la Défense serait pilotée par l'état-major général avancé afin d'éviter la dilution des efforts consentis par la prolifération des groupes armés appelés Wazalendo".
Pour les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu, il propose que "les deux gouverneurs civils aient des Conseillers Militaires revêtus du grade de Colonel et ayant suivi la formation à l'école de commandement ou de guerre, afin d'assurer une bonne liaison avec l'état-major général avancé".
Mise en place des nouvelles unités
Dans son plan d'après état de siège, l'ancien gouverneur du Nord-Kivu a également plaidé pour la relocalisation des commandants des unités ayant servi longtemps dans cette partie de la République Démocratique du Congo.
"De même, une mesure de relocalisation des commandants ayant servi pendant plusieurs années sans interruption est à envisager pour renforcer les nouvelles dispositions, avec, à la clé, le déploiement de nouvelles unités combattantes issues des centres de formation. Pour cela, les nouvelles unités issues des centres d'instruction auraient leurs propres commandants choisis parmi les hauts officiers les ayant suivies pendant la période de formation plutôt que de se voir placer sous le commandement des personnes dont le comportement a toujours été décrié. Néanmoins, un conditionnement avec les anciennes unités combattantes est à envisager avant une relève complète", a-t-il suggéré.
Enquête et Recrutement
Pour ce Politologue et Chercheur, le travail exceptionnel réalisé par certains hommes en uniforme loyaux est dilué dans les pratiques vraisemblablement contraires à l'éthique et à la déontologie.
"Mais, faudra-t-il qu'une enquête approfondie et sérieuse soit réalisée pour étayer les éléments qui permettraient de bien théoriser sur cette question aussi sensible. Par ailleurs, il est important de lancer une vaste campagne de recrutement des policiers car une étude récente a démontré que dans certains espaces de l'Est du Pays, on trouve 1 policier sur plus de 150 km². Aussi, avec les nouvelles autorités territoriales nommées, il faut rapidement une formation d'immersion avant toute prise de fonction" a-t-il fait remarquer
Et d'espérer : "De cette façon, la République Démocratique du Congo pourrait expérimenter une nouvelle aventure, cette fois-ci planifiée dans le temps et dans l'espace. Ces mesures particulières devraient ainsi faire l'objet des réunions stratégiques à la fin de la Table Ronde pour une période de mise en œuvre ne dépassant pas 3 mois"
Durant 3 jours (soit du 12 au 16 août 2023), les participants aux travaux à savoir, des membres du gouvernement, des députés nationaux et sénateurs, les présidents des assemblées provinciales et leurs adjoints, les gouverneurs civils remplacés par les militaires, les dirigeants de la FEC, les dirigeants de la société civile, etc réfléchissent sur les forces, les faiblesses, et les autres contours de l'état de siège en vue d'éclairer et d'orienter la décision du président de la République sur son maintien, sa requalification ou sa levée pure et simple.
Clément MUAMBA