RDC : le groupe d’experts relève l’ampleur des réseaux des ADF 

Voiture et maison incendiées lors d'une attaque des ADF au quartier Boikene à Beni

Le groupe d’experts de l'ONU met en garde contre l'expansion du groupe rebelle djihadiste ougandais Allied Democratic Forces (ADF) en République démocratique du Congo et révèlent dans son rapport final publié ce mardi 20 juin l'ampleur des liens financiers et organisationnels tissés entre les groupes djihadistes d'Afrique qui ont prêté allégeance à l'État islamique (EI) au cours des six dernières années.

Les ADF ont été accusés samedi dernier d'avoir mené une attaque contre la localité ougandaise de Mpondwe à la frontière avec le Congo, tuant plusieurs dizaines de personnes, dont de nombreux enfants. C’est l’un des groupes les plus meurtriers de l’Est du Congo depuis 2014. ADF a d’abord endeuillé le territoire de Beni, puis à la suite d’opérations militaires, s’est réfugié également en Ituri. 

"Les ADF ont poursuivi leur expansion au-delà des provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri et ont continué à mener des attaques meurtrières contre les civils", écrivent les experts de l'ONU, ajoutant que "les ADF ont cherché à recruter et à mener des attaques à Kinshasa et dans les provinces de la Tshopo, du Haut-Uélé et du Sud-Kivu", à des centaines de kilomètres de leur zone d'opérations habituelle. 

Selon son rapport, le groupe des Nations unies a également documenté "le soutien financier de Da'esh à l'ADF et les liens entre l'ADF et les cellules de Da'esh en Afrique du Sud". Les rebelles ADF ont établi des contacts avec l'État islamique, également connu sous le nom de Dae'sh, dès 2017, même si l’EI n'a commencé à revendiquer la responsabilité de ses attaques que deux ans plus tard. 

Le groupe d’experts a retracé grâce à des reçus bancaires, un système de paiement appelé Selpal et des témoignages, notamment celui d'une personne impliquée dans la transaction de 400 000 dollars de transferts entre 2019 et 2020 d'un des financiers de Da'esh en Somalie à "deux agents de Da'esh basés à Johannesburg", qui ont à leur tour versé 60 000 dollars à des "collaborateurs connus de l'ADF en Ouganda". D'autres montants ont été transférés au Mozambique et en Tanzanie. 

Les experts de l'ONU ont également "obtenu des preuves de liens organisationnels entre l'ADF et Ahl al-Sunna wal-Jama'à (ASWJ) au Mozambique", un groupe armé qui a déclaré son allégeance à l'État islamique en 2019. Ils ont pu établir, grâce à des témoignages d'anciens combattants ADF et de personnes enlevées, qu'il y avait eu un recrutement dans les deux pays depuis 2017 de combattants ayant combattu pour l'un ou l'autre des deux groupes djihadistes. Les experts ont également eu accès à des échanges de messages entre dirigeants datés de juillet 2018 qui montrent comment les ADF ont été chargés de superviser le groupe mozambicain, ce qui a créé des tensions entre les deux groupes. Les ordinateurs récupérés dans les camps de l'ASJW montrent qu'en 2021, le groupe mozambicain relevait directement de l’Etat islamique en Somalie.

Le groupe d'experts dit enfin avoir reçu des informations de la société civile, de chercheurs et de sources diplomatiques selon lesquelles au moins deux réunions entre les dirigeants ADF et de l'ASWJ ont eu lieu dans le Sud-Kivu depuis juin 2022.

Sonia Rolley