Travaux préparatoires de la table ronde sur l’état de siège: la société civile du Nord-Kivu exhorte le gouvernement à lever cette mesure considérée par la population comme une punition

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Le Gouverneur militaire Constant Ndima/Ph.CellCom

Le Premier ministre Sama Lukonde a lancé ce lundi 19 juin, les travaux préparatoires de la table ronde sur l'évaluation de l'état de siège dans les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu. Le gouvernement a invité les dirigeants de la société civile, de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), les gouverneurs en congé, les présidents des assemblées provinciales et leurs adjoints de deux provinces à prendre part à ces travaux. Certains invités ont déjà leurs positions vis-à-vis de l’état de siège. La société civile du Nord-Kivu, elle, appelle le gouvernement à passer à l’action en levant cette mesure que la population considère comme une punition. 

"Nous n’avons jamais cessé de dire que l'état de siège a déjà montré ses limites pour restaurer la paix et la sécurité. Quand ils ont décrété l'état de siège ils n'avaient fait appel à personne, et aujourd'hui quand il faut lever, on ne sait pas ce qu'ils veulent de nous comme population. Le premier ministre est déjà passé dans notre province au moins trois fois pour faire l'évaluation de l'état de siège et il a toujours eu la même réponse, les mêmes préoccupations et la population a toujours demandé au gouvernement de prendre ses responsabilités", a dit à ACTUALITE.CD John Bayenye, président de la société civile du Nord-Kivu ce lundi peu avant le début des travaux. 

Pour cet acteur, le gouvernement qui a plusieurs fois évalué l’état de siège traine les pas alors qu’il a toutes les recommandations de la population. 

"Ils ont déjà fait l'évaluation plus d'une fois et ils ont les recommandations et préoccupations de la population, je crois qu’ils doivent seulement penser à exécuter les recommandations de la population qui est le souverain primaire, aller à l'encontre de la volonté de la population je crois qu'ils seront conséquents de ça parce que la population du Nord-Kivu a toujours considéré l'état de siège comme une punition de la part de nos gouvernants", a ajouté le président de la société civile du Nord-Kivu. 

Quel sera l'alternative pour rétablir la sécurité au Nord-Kivu si l’état de liège est levé? 

"L'alternative c'est de laisser l'armée faire son travail et la doter des moyens conséquents et je crois que si on donne des moyens conséquents à l'armée, elle va faire correctement son travail. Il ne faut pas surcharger l'armée, lui laisser la gestion de toutes les deux provinces, faire la politique, là on est en train de surcharger les militaires, qu'on leur laisse leurs missions régaliennes de maintenir l'intégrité territoriale", a-t-il recommandé.

Dans un rapport de la commission défense et sécurité de l'assemblée nationale, il a été révélé que plus de 70% des fonds destinés aux opérations n'arrivent pas sur place. Pour lui, le manque d'évaluation des opérations militaires donne lieu à certains officiers de s’enrichir dans l’Est du pays.

"Ça fait longtemps que nous on a toujours décrié la non évaluation des opérations militaires au Nord-Kivu. Ça fait longtemps qu'on a commencé les opérations militaires au Nord-Kivu il y a Sokola I, Sokola 2, il y a eu beaucoup d'opérations et nous on avons toujours réclamé qu'il y ait une évaluation objective de ces opérations mais ça n'a pas été fait, raison pour laquelle nous disons certaines autorités qui sont là quand il y a la guerre, c'est pour s'enrichir et c'est pour ça qu'ils ne veulent pas que la guerre puisse se terminer parce qu'ils sont en train de s'enrichir", a fait savoir le président de la société civile du Nord-Kivu. 

A la suite d’une enquête de l’inspecteur général des FARDC, plusieurs officiers ont été arrêtés et déférés devant la justice pour détournement des fonds. 

Les travaux préparatoires devraient déboucher sur l'organisation d’une table ronde proprement dite pour déterminer l’avenir de l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri où l’administration civile a été mise à côté au profit des militaires. 

L'état de siège est en vigueur dans les provinces de l'Ituri et du Nord-Kivu depuis mai 2021. Sur terrain, des voies se sont élevées à plusieurs reprises pour exiger la levée de cette mesure qui n’a fait qu’aggraver la crise sécuritaire. Cette mesure d'exception a coïncidé avec la résurgence de la rébellion du M23 qui occupe des agglomérations dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo et Masisi au Nord-Kivu. Toutes les initiatives militaires pour défaire cette rébellion n’ont pas abouti. Actuellement les options diplomatiques sur la table peinent à produire d’effets. 

Clément Muamba