Tribune de Bruno AUBERT, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République Française en République démocratique du Congo depuis le 12 octobre 2021.
Le système financier international est désormais inadapté à l’état du monde
L’architecture financière internationale héritée de l’après-guerre n’est plus adaptée au creusement des inégalités, au défi climatique, à la destruction de la biodiversité et aux défis de santé publique qui marquent le 21ème siècle. La pandémie de covid 19 en est un exemple. Les réponses apportées par la communauté internationale sont aujourd’hui fragmentées, partielles et insuffisantes. D’une part, les ressources concessionnelles déployées par les institutions de développement ne délivrent pas tout leur potentiel, notamment en termes d’impact, de co-financement et d’adéquation aux besoins. Les conditionnalités de ces ressources en sont sans conteste la cause (revenu par habitant, cote de solvabilité,….). D’autre part, le renchérissement des conditions de financement et l’accroissement de l’endettement freinent les investissements dans les pays en développement et ne leur donnent pas les moyens d’affronter les défis auxquels ils font face pourtant de plus en plus nombreux (éducation, santé et l’accès aux vaccins, infrastructure, alimentaire, ….).
Le système financier international hérité de Bretton Woods touche à ses limites, alors que deux risques majeurs pèsent sur l’avenir de notre planète : d’abord un soutien insuffisant au développement et à la protection des biens publics mondiaux comme la qualité de l’air ou la biodiversité, faute de ressources mobilisées, et surtout, un risque de fragmentation géopolitique qui entraverait la nécessaire coopération pour lutter contre une nouvelle pandémie ou le réchauffement climatique voire empêcher une catastrophe générale qui apparaitrait, alors que nous avons plus que jamais besoin d’un multilatéralisme efficace et d’une coopération renforcée.
La solidarité internationale devient un impératif vital
Nombre de pays du G7 et du G20, d’organisations et d’associations, partagent avec la France ce constat et souhaitent porter cette même conviction : nous devons agir vite et ensemble pour corriger les déséquilibres et injustices qu’engendrent ces fractures. A titre d’exemple, les économies en développement manquent de financement pour lutter contre le réchauffement et s’adapter à ses conséquences et réduire la fracture numérique.
La solidarité internationale est plus que jamais indispensable dans un contexte de multiplication de crises, qui fragilisent encore davantage les pays les plus pauvres et les plus vulnérables. Pour permettre aux pays les plus exposés de sortir de la crise COVID, de faire face aux conséquences de l’agression russe en Ukraine sur leur sécurité alimentaire et énergétique, et de financer le coût souvent très élevé de la transition climatique et des conséquences des événements climatiques extrêmes, un changement d’échelle s’impose.
Le monde a besoin de financements plus réactifs
Nous appelons donc, aujourd’hui, à une révision de notre logiciel et à un choc de financement. Nous devons faire évoluer, ensemble, notre système financier international pour qu’il soit plus réactif, plus juste, et plus solidaire, pour lutter contre les inégalités, financer la transition climatique et la protection de la biodiversité, pour laquelle la RDC est présentée comme une solution au réchauffement climatique, et nous rapprocher de l’atteinte des objectifs du développement durable des Nations Unies. Ces 17 objectifs de développement durable du Programme de développement durable à l’horizon 2030 nous donnent la marche à suivre pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous. Ils répondent aux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés, notamment ceux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat, à la dégradation de l’environnement, à la prospérité, à la paix et à la justice.
C’est l’objectif du Sommet pour le Nouveau Pacte financier mondial, qui se tiendra à Paris, les 22 et 23 juin prochains. Ce sommet se veut inclusif – chaque pays, chaque sensibilité, chaque proposition devra pouvoir s’exprimer.
Une dynamique positive est en cours, il faut la renforcer
Ce sommet s’inscrit dans une dynamique positive : le lancement de la réforme de la Banque mondiale, la présidence indienne du G20 et celle du Brésil à venir, la revue à mi-parcours des objectifs du développement durable, les engagements pris lors des COP, notamment de la COP27 qui s’est tenue à Charm-el-Cheikh du 6 au 18 novembre 2022 et des travaux de cette pré-cop sur le thème « Unir le monde pour lutter contre le changement climatique » qui se sont déroulés à Kinshasa du 3 au 5 octobre 2022, sont autant de motifs d’espoir pour poursuivre cet élan. Et des solutions tangibles ont déjà été amorcées : le Club de Paris et le G20 ont lancé une initiative de traitement de la dette le 13 novembre 2020, et la France joue un rôle pivot dans la mise en œuvre de solutions coordonnées au sein de ce « Cadre commun ». Nous avons proposé et obtenu la mobilisation de 100 Md$ de droits de tirage spéciaux du FMI au profit des pays les plus vulnérables. Tous les pays qui le peuvent doivent désormais prendre leur part à cet effort. Plusieurs banques multilatérales de développement ont commencé à répondre aux demandes du G20, en mettant en œuvre de premières mesures d’optimisation du capital pour augmenter leur capacité de prêt.
Mais il faut aujourd’hui aller plus loin, en nous inspirant, par exemple, de l’Initiative de Bridgetown, un ensemble de solutions innovantes porté par la Barbade, pour faire face à la vulnérabilité climatique qui touche de nombreux pays en développement et à revenu intermédiaire.
Réformer les institutions financières internationales
Nous allons porter un agenda de réformes des banques de développement et du FMI pour mieux financer les pays qui en ont le plus besoin ainsi que les défis globaux. C'est un agenda d'amélioration des instruments et du capital existants et de promotion d’approches et d’instruments innovants pour accompagner les pays les plus pauvres et les plus vulnérables. C'est aussi la volonté de mobiliser davantage de financements privés à travers des mécanismes de garantie et de partage des risques afin de réorienter les flux financiers vers ces pays, comme la RDC, afin notamment de soutenir le secteur privé local et les infrastructures durables. Cela suppose une mobilisation plus forte de nos instruments, des financements nouveaux et innovants, publics et privés.
Pour être plus efficaces, nos institutions financières internationales doivent pouvoir s’engager encore davantage qu’elles ne le font actuellement pour travailler mieux ensemble, tout en mobilisant mieux l’épargne privée. Pour être plus inclusifs, nous devons, surtout, donner une voix plus importante aux pays les plus vulnérables dans les enceintes internationales.
Un Sommet au profit des plus vulnérables et pour faire face aux défis globaux
Le Sommet pour un nouveau pacte financier mettra au premier plan les enjeux financiers internationaux, la présence de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement donnera l’impulsion nécessaire pour obtenir les transformations qui s’imposent.
Nous n'avons pas à choisir entre la lutte contre la pauvreté, la lutte contre le réchauffement climatique et ses conséquences, et la protection de la biodiversité. La transition juste est la seule réponse.