Contre la faim, des "moyens aux agriculteurs" plutôt que de l'aide, plaide la FAO

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Pour lutter contre une insécurité alimentaire galopante, il faut "donner aux agriculteurs les moyens" pour cultiver par eux-mêmes, et débloquer des fonds plus rapidement en cas de crise, a déclaré à l'AFP Rein Paulsen, directeur du Bureau des urgences et de la résilience de la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

QUESTION: 258 millions de personnes ont eu besoin d'une aide alimentaire d'urgence pour vivre en 2022, contre 193 millions l'année précédente. Comment expliquer cette aggravation?

REPONSE: Depuis 2016, le nombre de personnes en situation d'insécurité alimentaire aiguë a progressivement augmenté dans le monde.

La violence - qu'il s'agisse d'une guerre ou d'un conflit localisé pour l'accès à l'eau ou à des ressources - en est le principal moteur. Il y a aussi eu la pandémie de Covid-19, les crises économiques... et la crise climatique, qui devient désormais l'un des principaux facteurs.  

Tous ces facteurs peuvent s'additionner: c'est le cas dans la Corne de l'Afrique (Somalie, Ethiopie, Kenya, NDLR) qui a connu des conflits, de la sécheresse et des pluies limitées pendant cinq saisons consécutives.

Nous sommes préoccupés par la situation en Afghanistan, au Yémen, en Haïti ou dans le Sahel. Il y a aussi la RDC, le Soudan... la liste est longue, et le nombre de personnes souffrant d'insécurité alimentaire est inacceptable, car nous connaissons les solutions pour y remédier.

Q: Les bailleurs de fonds doivent-ils mettre plus d'argent sur la table?

R: Oui, car nous sommes constamment sous-financés. Mais nous devons aussi réfléchir à comment dépenser ces fonds de la bonne manière. 

Près de 70% des personnes qui souffrent d'insécurité alimentaire aiguë vivent en zones rurales. Ils dépendent de l'agriculture pour leur survie, et un des moyens les plus efficaces de les aider n'est pas de fournir de l'aide alimentaire: c'est de leur donner les moyens de produire.

Avec des légumes à cycle court, les familles peuvent commencer à récolter en quelques semaines. Vacciner ou soigner une vache permet d'avoir du lait, ce qui indispensable pour prévenir la malnutrition. Ca ne coûte que sept à dix dollars, mais c'est extrêmement efficace. 

En Afghanistan, un lot d'engrais et de semences de blé résistantes à la sécheresse coûte 220 dollars à la FAO, et répond aux besoins nutritionnels d'une famille de sept personnes pour un an. Si cette famille devait acheter de la farine, elle lui reviendrait quatre fois plus cher, et une aide alimentaire aurait un coût 8 à 10 fois plus élevé.

Il faut s'interroger sur ce qui a du sens. Or si on regarde les flux de financements lors d'une crise alimentaire, on voit que la majorité d'entre eux servent à fournir de l'aide alimentaire, et seulement 4% soutiennent l'agriculture.

Q: Y a-t-il des défaillances dans l'anticipation des crises?

R: Quand nous avons prévenu que la Corne de l'Afrique allait souffrir du manque de pluie et que cela affecterait les communautés les plus vulnérables, nous n'avons pas réussi à mobiliser les fonds pour anticiper la situation. 

Si nous savons qu'une catastrophe va se produire, nous pouvons fournir de l'eau, ou du fourrage d'urgence pour le bétail. Mais on ne peut pas le faire sans ressources, et les financements doivent parfois attendre la déclaration officielle de famine pour être débloqués.

Nous l'avons appris lors de la crise en 2011 en Somalie: la plupart des personnes étaient déjà mortes lorsque la famine a été déclarée.

Nous attendons désormais, pour la fin 2023, l'arrivée du phénomène climatique "El Nino". On sait qu'il impacte de nombreuses régions du monde, avec des épisodes de sécheresse, des inondations... Il ne faut pas attendre qu'il soit trop tard.

 

AFP avec ACTUALITE.CD