De l’inventaire des deux années du mandat du gouvernement Sama Lukonde au départ du commandant de la force régionale, en passant par la nouvelle campagne de distribution des tracts visant les ADF, des violents affrontements au Soudan ou la mort d’une jeune footballeur congolais aux Etats-Unis, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité. Ce 30 avril, Carine Kanku passe en revue tous ces faits marquants.
Bonjour Madame Carine Kanku et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ?
Carine Kanku : Je suis Coordonnatrice nationale de la Dynamique des femmes candidates de la RDC (DYNAFEC). Après l'identification des potentielles candidates dans 7 provinces pilotes, nous avons pu atteindre 700 candidates. Nous allons bientôt lancer la formation des formateurs pour booster la représentativité des femmes à des postes de prise de décision. Ensuite viendra la formation des candidats dans toutes les 26 provinces. Nous sommes engagées dans la promotion des droits des femmes. Nous encourageons les partis politiques à mettre tous les moyens pour que les candidates soient formées, se présentent aux prochaines élections et qu'elles remportent des sièges. Je suis engagée maintenant sur les questions de paix à travers l'initiative de Madame Julienne Lusenge dans le cadre du Réseau des femmes leaders africaines (AWLN_RDC) présidée au niveau du pays par Madame Marie-Louise Mwange car nous voulons avoir la paix afin d'atteindre le développement durable.
Le gouvernement vient d’achever un séminaire dont l’objectif était de créer une dynamique pour une gestion publique axée sur les résultats. Dans quels secteurs attendez-vous particulièrement des impacts ?
Carine Kanku : Nous encourageons le gouvernement à travailler pour le bien-être du peuple congolais. Nous avons entendu beaucoup de discours et il faut que cela se traduise par des actions concrètes pour que les conditions de vie soient améliorées pour chaque Congolais, peu importe où il se trouve sur le territoire national. Nous pensons particulièrement au Congo profond. Dans nos provinces, les populations souffrent, les conditions de vie sont misérables. Je salue le programme de développement des 145 territoires car sa mise en œuvre aura des impacts sur tout le pays. Il est vraiment temps que tous les discours se traduisent en actions. La vie est trop précieuse. Les populations souffrent. Et pourtant, nous avons des personnes compétentes qui peuvent renverser la situation.
Cette semaine a marqué également la deuxième année du gouvernement Sama Lukonde. Quel bilan faites-vous des actions déjà réalisées ?
Carine Kanku : après deux ans, la RDC se trouve dans une situation d'urgence sur tous les plans. Emploi des jeunes, autonomisation économique des femmes, etc. Ce que je voudrais voir, c'est la volonté, l'impulsion. Pour l'instant, on pose les bases mais nous voulons aussi que la procédure soit accélérée. Pour la sécurité, il faut que toutes les énergies soient associées pour que la paix revienne dans l'est du pays, à Kwamouth et dans toutes les zones en proie aux conflits armés et interethniques, afin que l'on puisse se concentrer sur le social du peuple congolais. En tant que défenseure des droits des femmes, il y a de la volonté, nous en sommes conscientes. Mais nous demandons qu'en plus de cela suive l'application des textes de lois. Les membres du gouvernement devraient faire preuve de rigueur envers eux-mêmes. Quant au premier ministre, j'apprécie son leadership et lui demande encore plus de rigueur dans son équipe.
Le commandant de la Force régionale a été remplacé par un autre. Kinshasa lui reprochait de ne pas être ferme sur sa position vis-à-vis du M23 et sur le mandat de la force régionale. Selon vous, la force sera-t-elle offensive sous le mandat du nouveau commandant ?
Carine Kanku : la force régionale est venue nous aider avec la solution. Le fait qu'un nouveau commandant a été désigné pour diriger la Force démontre l'engagement de la sous région à s'impliquer pour mettre fin au chaos qui se vit dans l'est de la RDC où nos frères et sœurs souffrent au quotidien.
Dans sa lettre de démission, le commandant mentionne que sa sécurité personnelle n’était plus garantie, accuse le gouvernement congolais de ne pas assurer les coûts administratifs du QG, des logements et même les salaires. Quelle réponse devrait donner le gouvernement face à ces accusations ?
Carine Kanku : La solution que nous recherchons concerne la pacification des zones impactées par les conflits armés. Je crois que le commandant est libre de démissionner. Et je ne voudrais pas porter un jugement sur ses déclarations. Nous voulons la continuité de cet engagement régional et la présence d'un nouveau commandant nous rassure. Tant qu'il n'y aura pas de paix dans l'est de la RDC, nous ne serons pas apaisés.
En ce qui concerne les élections, le président de la CENI a annoncé la clôture définitive de l'enrôlement des électeurs, et s’en remet au gouvernement pour les zones sous occupation du M23. Comment faudra-t-il procéder pour organiser ces opérations selon vous ?
Carine Kanku : nous voulons des élections inclusives. La CENI accomplit sa mission et je félicite toute l'équipe pour le travail qui s'exécute. Nous étions à Bunia pour porter le message des femmes candidates et nous avons reçu le plaidoyer de la population pour des élections inclusives. Nous devons tous aller aux élections pour choisir des élus qui devront diriger ce pays. Nous pensons que le gouvernement va répondre à cette attente de la CENI.
En finances, près de 800 millions de dollars échappent au trésor public par an. Tels sont les chiffres d'un audit du fichier de la paie des agents de l’État réalisé par l'IGF. Comment faudra-t-il procéder pour retourner cette somme au trésor public selon vous ?
Carine Kanku : ces conclusions de l'audit ne nous surprennent pas. Depuis de nombreuses années, l'administration congolaise est confrontée à de multiples difficultés. Le traitement du fonctionnaire, la bancarisation, (...). Nous félicitons l'IGF pour ce travail d'audit. Ce sont des actions qui nous aident à avoir des réponses à nos questions sur les finances publiques. Que la justice s'active aussi dans cette affaire, pour que tous les fonds retournent au trésor public. Il faut également des sanctions pour que ces actes soient bannis de l'administration publique.
En marge de la célébration de la journée mondiale de lutte contre le paludisme, le Programme national de lutte contre cette maladie (PNLP) a annoncé que 176 décès ont été enregistrés au premier trimestre de l'année 2023 causés par la malaria. Comment y remédier selon vous ?
Carine Kanku : des études ont certainement été menées pour lutter contre le paludisme, des mécanismes et des protocoles ont été proposés. Je crois qu'en ce moment, le gouvernement doit doter des moyens le PNLP pour que ces stratégies soient mises en œuvre. L'autre cause du paludisme est l'environnement malpropre.
Au niveau continental, des violents combats ont éclaté au Soudan, entre l'armée et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) faisant des centaines de morts. Et ce, malgré la prolongation pour 72 heures supplémentaires du cessez-le-feu. Quels mécanismes de paix suggérez-vous ?
Carine Kanku : Nous encourageons toujours le dialogue. Mettre autour d'une table la population, les parties en conflits et des médiateurs pour que des solutions de paix soient trouvées. Que peut-on revendiquer au point de sacrifier des vies humaines ? Quel plaisir on en tire ? Que le Soudan accorde un privilège au dialogue, en mettant un accent sur des instruments nationaux, régionaux et internationaux qui abordent la question de paix et de résolution des conflits. Notamment, la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies ou la 2250.
Dan Likiko, un jeune footballeur congolais a été abattu aux Etats-Unis par un homme de 38 ans à la suite d’une altercation. La police a annoncé que le présumé meurtrier est arrêté. Que devrait faire la section « congolais de l’étranger » du ministère des affaires étrangères ?
Carine Kanku : que tous les moyens soient activés pour retracer les causes de cette perte. Que les sanctions suivent également les personnes impliquées dans la mort de ce jeune congolais. Nous souhaitons également que le ministère des affaires étrangères mette en place toutes les stratégies qu'il faut pour protéger et sécuriser les congolais qui se trouvent en dehors du territoire national.
Un dernier mot ?
Carine Kanku : je voudrais demander au gouvernement de notre pays de travailler à l'amélioration du social du peuple congolais. Nous n'avons pas eu tort d'avoir de l'espoir. Je souhaite aussi que la paix revienne dans tous les territoires de la RDC en proie aux conflits. Nous appelons les Congolais à privilégier la paix et la cohésion nationale. Que rien ne nous divise. Renforçons nos liens, luttons pour rester unis et indivisibles. Je fais le plaidoyer pour que les modifications apportées à l'article 13 de la Loi électorale soient mises en application lors des prochaines élections non pas par contrainte mais parce que les politiques congolais prennent conscience de la place de la femme et de ses compétences dans la société congolaise. Je rêve d'un Congo où les droits des femmes seront respectés, où chaque citoyen.ne pourra mieux vivre quel que soit le métier dans lequel il évolue, un Congo où nous produisons localement, travailleront dans la transformation au niveau local également pour que nos populations mangent à leur faim, où l'économie connaîtra son essor.
Propos recueillis par Prisca Lokale