RDC : l’actualité de la semaine vue par Yasmine Katako

Photo/ Droits tiers
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De la prise de fonction des membres du gouvernement Sama II à la tournée africaine de Kamala Harris, en passant par le refus du PPRD de participer au processus électoral en cours ou les débats sur la proposition de loi sur la congolité, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité. Yasmine Katako revient sur chacun de ces faits marquants. 

Bonjour Madame Yasmine Katako et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ? 

Yasmine Katako : Je suis épouse et mère, médecin au programme national de la lutte contre le MonkeyPox et les fièvres hémorragiques virales. Je suis également médecin responsable au centre médical Boboto et entrepreneure sociale. Sur le plan politique, j’ai commencé ma carrière en 2006 au sein de l’Union des patriotes républicains de Madame Odette Babandoa. Trois ans après, j’ai intégré l’Union pour la nation congolaise (UNC) de M.Vital Kamerhe. J’ai été militante avant d’être désignée comme coordonnatrice en charge de la santé pour la ville de Kinshasa jusqu’en janvier 2018. Au mois d’avril de la même année, nous avons créé le Front congolais pour la démocratie (FCD), parti de M. Pierre Kangudia. J’y assume actuellement les fonctions de porte-parole. Ma devise est « la santé et l’éducation pour tous ». Dans ce cadre, nous avons mis en place un projet dénommé « la rentrée scolaire en bonne santé ». J’ai participé à de nombreuses formations et je suis détentrice d’un diplôme en anglais d’une institution universitaire de l’Afrique du Sud.  

En tant que femme et candidate aux prochaines élections, j’aimerais également faire le point sur ce que nous avons réalisé tout au long de ce mois de mars, dédié à la lutte pour les droits de la femme. Tenant compte du fait que 2023 est une année électorale, le grand travail réalisé sur terrain était de faire la sensibilisation au niveau des écoles, églises et bien sûr dans nos bases pour rappeler à la population congolaise en général, et en particulier aux femmes, l’importance de ce grand rendez-vous. Nous avons également conscientisé les femmes sur le rôle qu’elles doivent jouer pour le développement de notre pays.

Au cours de cette semaine, des membres du gouvernement Sama Lukonde II ont pris les commandes des ministères qui leur ont été confiés. Quelles sont vos attentes en matière de sécurité et d’économie ? 

Yasmine Katako : Compte tenu des conflits persistants à l’Est, le défi immédiat de la RDC est de renforcer la sécurité ainsi que de maintenir la stabilité politique et macro-économique. Tout cela se fera en intensifiant les réformes déjà lancées dans ces secteurs afin d’assurer une croissance durable.

En ce qui concerne les élections, le PPRD a réitéré son refus de participer au processus électoral qu'il considère comme totalement « vicié », décision qui peut entamer l’inclusivité électorale. Quelle serait votre proposition à la CENI ?

Yasmine Katako : il y a des  contraintes que beaucoup d’acteurs politiques ont soulevées par rapport à ce processus électoral. Ici, il ne s’agit pas seulement du PPRD. Face à cette situation, nous suggérons à la CENI de prendre toutes ces réclamations en considération afin de rassurer tous les acteurs politiques de l’inclusivité de ce processus électoral.

L’alignement de la loi sur la congolité au niveau de l’Assemblée Nationale a également alimenté les débats au cours de cette semaine. Soutenez-vous cette proposition de Noel Tshiani ? 

Yasmine Katako : En ce moment, toutes nos pensées sont occupées par ce qui se passe dans les zones de la République qui sont secouées par les rebellions. Notre pays est déchiré par la guerre à l’Est, l’insécurité refait surface à Kwamouth, au niveau de la capitale le phénomène kuluna fait des victimes. Focalisons-nous d’abord sur le retour de la paix car ce pays a besoin d’unité. Ensuite, nous allons revoir cette loi sur la congolité. 

En sécurité, les troupes ougandaises sont arrivées à Bunagana. Elles vont se déployer également à Kiwanja et à Mabenga (territoire de Rutshuru) dans le cadre de la force régionale. Sachant que leur mandat n’est pas offensif, que recommandez-vous ? 

Yasmine Katako : nous gardons encore des souvenirs sur leurs incursions dans les années 1990 et début des années 2000, ils ont été accusés de violation des droits de l’homme à l’encontre de la population congolaise. Comme il s’agit cette fois des opérations militaires conjointes, surtout que celles-ci sont soutenues par le parlement congolais, nous exigeons d’eux, un bon résultat et nous faisons foi au Chef de l’Etat pour le retour de la paix à l’Est de notre pays. 

Face au regain des violences à Kwamouth, l'assemblée provinciale du Kwilu recommande des opérations conjointes PNC-FARDC. Quelle autre piste peut permettre de consolider la paix dans cette région selon vous ?  

Yasmine Katako : les autorités provinciales doivent travailler également en synergie avec la population locale. Elles doivent créer un climat de confiance avec la population pour permettre à cette dernière de dénoncer tout acte suspect dans la province.

En santé, le VPM en charge de la fonction publique a annoncé au cours du troisième atelier avec l'intersyndicale, que le gouvernement va répondre progressivement aux engagements. Que faut-il pour que les grèves ne soient plus citées dans les établissements hospitaliers publics du pays ? 

Yasmine Katako : pour rappel, les mouvements de grève des médecins correspondent à un droit fondamental auquel tout travailleur peut recourir face au comportement jugé abusif de son employeur. Si celui-ci n’assume pas ses responsabilités à l’égard de ses agents, il est légitime pour ces derniers de revendiquer le respect de leurs droits et de faire grève s’ils n’obtiennent pas satisfaction. Les médecins travaillent comme fonctionnaires au sein des divers services du ministère de la santé. Et l’Etat a des devoirs et obligations à leur égard.

Portées par de nombreuses grèves, certaines revendications ont fini par être partiellement satisfaites et le gouvernement a pris l’habitude de négocier et faire des promesses d’amélioration des conditions de vie des médecins parfois irréalisables, juste pour calmer la grogne social et remettre les gens au travail. Nous comptons sur la bonne volonté du gouvernement sur les promesses faites cette fois-ci à l’endroit de ceux qui sauvent des vies parfois dans des conditions de travail très pénibles.

Nyiragongo, Masisi, Karisimbi et une partie de Goma sont touchés par une nouvelle épidémie de choléra. Ce sont des régions où les déplacés vivent dans une situation précaire. Quelle solution proposez-vous ? 

Yasmine Katako : les cas de choléra se multiplient à cause de la promiscuité et des conditions de vie dégradées dans les sites informels de déplacés. L’épidémie est récurrente faute notamment d’accès à l’eau potable pour près de 3/4 de la population. C’est un indicateur de plus de la détérioration de la situation et du manque d’assistance humanitaire. Il faut partir de ces évidences pour y remédier. 

Au niveau du continent, Ousmane Sonko, potentiel candidat à la présidence du Sénégal en 2024 a été condamné à deux mois de prison avec sursis. Décision qui préserve son éligibilité pour le scrutin présidentiel selon ses avocats. Quelle lecture faites-vous de cette décision de justice ? 

Yasmine Katako : selon ce verdict, dès l’instant qu’il ne perd pas ses droits civiques, l’opposant Ousmane Sonko peut encore se présenter comme potentiel candidat aux élections de 2024. C’est également ce que prévoit le code électoral sénégalais. 

Au Kenya, un homme a été tué par balle lors des affrontements entre forces de l'ordre et partisans de l'opposant Raila Odinga. Comment prévenir une telle situation à l’avenir ? 

Yasmine Katako : il existe des moyens de défense pouvant être utilisés pour disperser la foule. Des lanceurs de balles de défense, des balles en caoutchouc, lacrymogène ou assourdissantes, matraques, canaux à eau et tant d’autres. Les balles réelles causent très souvent des pertes en vies humaines et devraient être évitées. 

La Vice-présidente des USA est en tournée en Afrique. Elle s’est rendue au Ghana où elle a  annoncé une nouvelle enveloppe d'aide bilatérale et 100 millions de dollars pour renforcer la sécurité des côtes d'Afrique de l'Ouest. Cette visite arrive au moment où la Chine et la Russie veulent créer des nouvelles relations également avec l’Afrique. Comment les pays africains devraient accueillir ces partenariats selon vous ? 

Yasmine Katako : l’Afrique doit diversifier ses partenariats pour s’assurer d’être dans du gagnant-gagnant. Les dirigeants africains doivent être en mesure de poser les diagnostics, de produire les cahiers de charges  pour désigner des partenaires appropriés. Il est important de diversifier nos partenariats au regard des secteurs et de l’efficacité de réponse des différents partenaires.

Un dernier mot ? 

Yasmine Katako : je voudrais tout simplement encourager tous les activistes à poursuivre la lutte pour atteindre la parité effective à tous les niveaux possibles de prise des décisions. 

Propos recueillis par Prisca Lokale