Au fil des débats et polémiques allumés dans la foulé du rapport de l’IGF sur le contrat chinois, il se révèle que des nombreux intervenants découvrent celui-ci aux travers les chiffres effrayants flanqués dans le rapport de l’IGF. Le chiffre le plus illustratif attribut à la SICOMINES la détention des actifs de 90.936.120.000,00, USD, représentant la valeur des gisements de la GECAMINES. L’opinion ne peut que s’en énerver et tirer à boulet rouge parfois sans le moindre discernement. Une ONG active sur les réseaux sociaux a même suggéré, sans donner des motifs rationnels, l’annulation pure et simple du contrat sino-congolais. Néanmoins, selon les informations recoupées de façon transversale et objective, il n’a été indiqué nulle part la cession desdits gisements à la SICOMINES. Une telle option reste en tout état de cause inopérante, la Joint-venture se contentant d’extraire des minerais qu’elle exporte conformément aux clauses du contrat. D’autres inexactitudes manifestes ont été relevées dans le rapport de l’IGF et méritent des corrections.
Le contrat sino-congolais date de 2007. Beaucoup ignore que ce type de contrat n’est pas unique en son genre en Afrique, malgré l’originalité de son montage. Des contrats similaires ont été signés auparavant entre la Chine et l’Angola pour réhabiliter les chemins de fer, de DILOLO à LOBITO sur la côte de l’Atlantique angolaise. De même, la Chine a conclu avec le Gabon pour la mise en valeur de la mine de Belinga. Le Congo-Brazzaville s’est également engagé avec la Chine, bien avant la RDC, de manière directe sous la forme de coopération bilatérale entre les deux Etats. Néanmoins, le contrat sino-congolais reste le plus costaud de tous les autres engagements de la Chine en Afrique.
L’un des défauts qui ruinent l’intellectuel congolais, ou le congolais tout court, c’est sa grande capacité à oublier vite. Le congolais a la mémoire courte. Très courte même au point de ne pas être en mesure de différencier des époques opposées l’une de l’autre. Ce défaut fera encore longtemps le lit de nos politiciens véreux. Tout semble avoir été dit ou presque, sur le contrat sino-congolais, sauf à circonscrire objectivement les bases juridiques et économiques ayant conduit à sa conclusion en période immédiatement post-conflit. Ce contrat tire sa justification d’un contexte de crise d’endettement colossal et d’obsolescence quasi complète de l’outil de production dans tous les domaines. Aucun congolais de bonne foi ne peut botter en touche cette donne.
A cette époque, la RDC était en programme de désendettement de son stock astronomique contracté pendant la deuxième république. Cette situation explique le bras de fer qui s’en est suivi avec le FMI et la Banque Mondiale. Ces institutions impérialistes ont prétendu dissuader la RDC de s’engager dans un nouveau cycle d’endettement à des conditions non concessionnelles, au risque de ne pas être en mesure d’honorer ses engagements de remboursement aux créanciers multilatéraux privilégiés, c’est à-dire le FMI et la Banque mondiale. A noter que nos autorités de l’époque n’ont pas cédé à ce vil chantage en période difficile où ces institutions avaient tenté d’imposer une certaine mainmise sur la souveraineté de notre Etat. D’aucun se rappelle le déplacement du Ministre Belge des affaires étrangères en Chine s’étant arroger le droit de demander à la Chine de faire marche en arrière. *C’est un aspect très important d’indépendance économique à capitaliser au titre d’acquis indéniable pour le pays.*
Au regard de ce qui précède, le contrat chinois n’avait aucune autre alternative. Comment engager des grands travaux, relancer l’économie alors que le pays traverse une crise financière sans précédent face à une capacité d’endettement réduite à néant ? Le caractère original et incontournable du montage juridique et économique du contrat sino-congolais au moment de son contexte en 2007, fruit d’un engagement politique de haute lutte patriotique et diplomatique face aux défis de l’époque, ne peut échapper au regard objectif de l’élite nationale.
Reste qu’il faille dire la vérité au congolais. *La première*, c’est que la SICOMINES, société crée en Joint-venture entre la GECAMINES (32 %) et les Entreprises chinoise (68%), est la résultante du contrat sino-congolais. La SICOMINES demeure bel et bien une société de droit congolais et répond de ses obligations de toute nature en se conformant aux lois et règlements en vigueur en RDC. Elle n’est donc pas une société chinoise et ne peut échapper au contrôle de l’Etat congolais.
*La deuxième, et de ce qui précède,* les exportations de la SICOMINES constituent son chiffre d’affaires. La confusion doit être évacuée de la compréhension des congolais en clarifiant nettement que le chiffre d’affaires réalisé par la SICOMINES n’est pas son bénéfice d’exercice comptable, d’une part et de l’autre, ce chiffre d’affaire reste inscrit au crédit de l’exploitation de la société et n’est nullement constitutif du gain engrangé par une partie à l’actionnariat, chinoise soit-elle. Les actionnaires, dont, la GECAMINES, se partagent le bénéfice en vertu du bilan de l’exercice et non le chiffre d’affaires. C’est élémentaire.
*La troisième vérité à ne pas cacher au congolais,* reste cette inversion de rôle incompréhensible de la part de certains hauts fonctionnaires de l’Etat qui ont commenté le rapport de l’IGF comme le ferait un militant de la rue. La question n’est pas de demander quels projets d’infrastructures la partie chinoise a réalisé, à moins que dans l’opérationnalisation des accords les entreprises chinoises trainent le pied à livrer service fait des projets soumis par la partie RDC. Mais justement, quels projets d’infrastructures éligibles au contrat chinois ont été soumis par l’Etat congolais et qui souffrent de manque de financement à ce jour ?
A la lecture du contrat chinois, et au regard de la pratique de gouvernance moderne, la partie chinoise n’a pas mission de faire comme le colonisateur l’a fait jusqu’en 1960. C’est à dire, organiser de manière unilatérale, le choix, la conception, le financement et la mise en œuvre des projets de développement des infrastructures. En plein 21ème siècle, cette responsabilité revient plutôt à l’Etat. C’est à lui de soumettre au financement tout projet éligible, choisi de manière souveraine par lui. Cette procédure coule de source pour la BAD, la Banque Mondiale et tous les autres bailleurs de fonds. Mais, c’est quoi un projet éligible ??? *Un projet éligible au financement est un projet justifié par l’opportunité de sa mise en route, assis sur les études de faisabilité technique, financière et environnementale, autrement dit, un projet bancable* Malheureusement, et c’est ce qu’on ne veut pas dire au congolais, la conception demeure le point faible de notre gouvernance depuis plusieurs années. Nous avons des défaillances graves à absorber des financements disponibles faute de capacités à élaborer des projets bancables. Si tel est le cas pour le contrat chinois, il serait injuste de blâmer le partenaire chinois en lieu et place de souligner la léthargie de notre propre administration, et donc du gouvernement congolais.
*Quatrième vérité*, il reste incontestable que la partie chinoise a délié le cordon avant même la sortie du premier kilo de matière première en 2008 déjà, sans attendre immédiatement le retour sur investissement. Position de partenariat qu’aucun pays occidental ne peut se permettre. Cet effort aurait dû être capitalisé davantage dès le moment où la production de la SICOMINES était entrée dans sa phase de croisière à partir de 2019, pour une production démarrée en 2016. *Question ? Qui étaient la partie diligente dans ce contrat à demander l’effort de la contrepartie attendue du partenaire chinois pour satisfaire les besoins de financement ?* Ce n’est pas la partie chinoise qui devait faire le travail du gouvernement congolais. Malheureusement, on le fait croire faussement à l’opinion.
*Cinquième vérité,* les fruits à impact visible issus de ce contrat existent, contrairement à ce qui se raconte. J’en veux pour exemple, la deuxième phase opérationnelle de la centrale hydroélectrique de ZONGO II, lignes et réseaux associés, le barrage de BUSANGA au Lualaba, déjà achevé et attend sa mise en service, d’une capacité de 250 MW destinée à absorber les besoins en énergie électrique des miniers du Katanga, la nouvelle raffinerie du cuivre déjà opérationnelle, l’une des plus importantes d’Afrique. Par ailleurs, Il est indéniable de souligner que la mise en œuvre du contrat chinois a permis la résurrection de la GECAMINES, sauvant ainsi des nombreux emplois, contrairement aux prévisions de la Banque Mondiale qui y voyait plutôt l’option de privatisation totale. Ce qui n’est pas aussi faux, c’est que ce contrat a créé plusieurs emplois directs et indirects. Ainsi, la valeur ajoutée qu’il apporte ne peut expliquer l’idée absurde de l’annuler en lieu et place de l’améliorer par les amendements venant de deux partenaires. Par contre, il est tout à fait pressant de regarder de très près tous les paramètres de gouvernance de cet accord en veillant de manière scrupuleuse aux intérêts publics dans toutes ses dimensions et à toutes les étapes, en commençant par la manière dont le gouvernement lui-même gère les intérêts du pays aux travers de la mise en application de toutes les clauses. En substance, il se trouve des exigences à respecter en matière des ouvrages d’intérêts publics, lesquelles facilitent le contrôle de la transparence de leur exécution physique et financière. Je voudrais croire que le maitre d’ouvrage, qu’est le gouvernement de la république prend régulièrement les précautions d’usage en faisant valider les dossiers techniques de ses projets par les structures spécialisées. (VERITAS, SGS, SOCOTEC pour ne citer que ces exemples). Le faire, permet au gouvernement d’avoir une évaluation presque sûre des projets qu’il met en route en évitant tout justement les cas récurent et déplorables de surfacturation criminelle. Enfin, le gouvernement doit être en mesure de sélectionner suivant les critères de qualification du cahier de charges des missions de contrôle totalement éprouvées et n’ayant aucun conflits d’intérêts dans le cadre du dossier.
En conclusion, l’élite congolaise est invitée à se départir de ce que je crois être une attitude dangereuse de démission face à ses responsabilités à assurer les bases qui fondent la continuité et le développement de l’Etat. Je fustige cette manie qui réduit le congolais à penser que les hommes passent, les acquis de l’Etat avec, et qu’il faille chaque fois réinventer la roue pour faire plaisir aux hommes politiques au lieu de rehausser et de construire les valeurs de la nation sur base de ses précieux acquis, en termes de ressources humaines, mais aussi en termes de réalisations passées. L’élite congolaise doit répondre à sa mission de bâtir les bases de la superstructure de la gouvernance publique visant le développement du pays sans tomber dans les travers des polémiques stériles.
Daniel MAKILA K.
Sénior Manager de Sociétés de Droit OHADA,
Manager des Grands Travaux,
Nationaliste de Gauche,
Fils de Lumumbiste