Pendant 24 heures, Uhuru Kenyatta s’est entretenu avec différentes couches sociales et politiques à Kinshasa. Parmi les représentants de la région Est du pays, Néné Bintu, vice-présidente du bureau de la société civile et Point Focal du processus de Nairobi au Sud-Kivu.
La rencontre a débuté par un briefing du facilitateur Kenyatta, par rapport à sa mission. Il a aussi parlé de la première phase du processus de Nairobi tenue en avril, où les Chefs d’Etats et des gouvernements ont fait un état des lieux de la situation sécuritaire en RDC. Ensuite, la deuxième phase a consisté à rencontrer les groupes armés actifs pour faire passer le message du Président Tshisekedi, à savoir : cesser les hostilités, déposer les armes et rejoindre le programme de mobilisation et réinsertion (PDDRS-C).
« Au cours de la deuxième phase, 56 groupes armés sur plus d'une centaine actifs ont été consultés. Ils ont accepté de suivre les recommandations de la RDC. (…) En tant que membres de la société civile, nous avons fustigé le fait d’avoir été écartés du processus alors que nous connaissons les réalités à la base, le fait qu'à chaque fois, on tend la main aux groupes armés, oubliant les questions de réparation pour les victimes des atrocités. M. Uhuru Kenyatta a accepté d'intégrer cette approche communautaire lors de la phase 3 du processus de Nairobi prévu le 21 novembre. Il a fait un sondage au sujet des attentes des communautés du Nord-Kivu, Sud-Kivu et de l'Ituri », précise Me Néné Bintu Iragi.
Dialogue avec les groupes armés, un cycle infernal
« Avant d'envisager le dialogue comme une solution magique, on doit tirer des leçons du passé car, à chaque fois que l'armée congolaise avance sur le front, il y a toujours cette tendance à lui imposer un dialogue ou un cessez-le-feu. Après le dialogue, les belligérants exigent d'intégrer l'Armée. Ensuite, ils continuent à commettre des bévues, ils quittent l'armée, font la rébellion, c'est un cycle infernal. Nous avons montré que nous ne sommes pas d'accord à priori sur cette question surtout en ce qui concerne le M23 », explique-t-elle.
Et de renchérir, « la tendance d'envisager un dialogue pour la RDC devrait être aussi imposée en amont à l'égard de ceux qui financent ou entretiennent les groupes armés en RDC. Nous avons nommément cité le Rwanda car, il n'y a jamais eu de dialogue entre le Rwanda et les FDLR qui ne sont pas congolais, les rebelles du CNDR aussi. Du côté du Burundi, il y aussi le le FML, et autres. Les ADF aussi du côté de l'Ouganda. Et donc, si un dialogue est organisé à leur niveau, la RDC n'aura plus à s'en faire parce que les Congolais n'ont pas de problèmes entre eux. Ce sont plutôt des groupes étrangers qui les créent ».
La question de la force régionale n’a pas été épargnée lors de ces rencontres. Les organisations ont pu également exprimer leurs points de vue.
« Pour le Sud-Kivu, nous avons le contingent Burundais qui opère dans le Sud. On se rend compte qu'au lieu de traquer les groupes rebelles étrangers, ils vont dans les forêts où se trouvent certaines populations congolaises, les minerais, le cuivre. (…) ce n'est pas une bonne méthode. Nous avons émis le vœu de voir une force d'imposition capable de traquer tous ces groupes négatifs étrangers ou locaux ».
Une communauté internationale complice
Les membres de la société civile se sont également exprimés au sujet de la mesure de notification préalable concernant l’acquisition des armes pour la RDC. Ils estiment que le pays est face à un embargo qui ne dit pas son nom.
« Nous avons aussi fustigé la complicité de la communauté internationale par rapport à l'embargo même si l'ONU insiste que ce n'est pas un embargo. On ne peut pas soutenir que la RDC soit obligée de se défendre et lorsqu'elle veut acquérir les armes, on la soumet à un processus de notification préalable que l'on ne soumet pas à d'autres. Le secrétaire général des Nations Unies a dit au cours d'une interview, confirmée par Mme Bintou Keita, que le M23 possède des armes beaucoup plus sophistiquées que la MONUSCO. On peut présumer qu'ils connaissent l'origine de ces armes », dénonce Me Nene Bintu.
Et d’ajouter, « Nous avons vu la même communauté lors du génocide de Rwanda (100.000 morts), déployer une force pour stopper les massacres. Il y a eu des sanctions et un tribunal international pour le Rwanda. Mais lorsque le peuple congolais dénombre plus de 12.000.000 de morts, la même communauté fait la sourde d'oreilles face aux recommandations ».
Par ailleurs, la société civile du Sud-Kivu a plaidé en faveur des conditions de travail des Forces Armées pour leur permettre de mieux accomplir leurs. En même temps, elle a recommandé l’implication des femmes et des jeunes dans la résolution des conflits telles que recommandées dans les résolutions 1325 et 2250 signées et ratifiées par la RDC.
Prisca Lokale