De la résolution de l'Assemblée Nationale interdisant le brassage et mixage au sein de l'armée, à la 36 ème prolongation de l'état de siège, en passant par l'engouement suscité par l'appel du Chef de l'Etat à l'égard des jeunes ou les inondations à Kinshasa, la semaine qui s'achève à été riche au niveau de l'actualité. Retour sur chacun de ces faits marquants avec Dorcas Bwalelo.
Bonjour Madame Dorcas Bwalelo et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ?
Dorcas Bwalelo : Je suis activiste des droits humains, j'œuvre dans la défense des droits des femmes depuis 6 ans. Je travaille en tant qu'experte en genre dans une organisation non gouvernementale qui propose notamment des services aux survivant.es des violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG) à Kinshasa. Je suis en même temps directrice exécutive de Kazi service qui est une agence de placement du personnel à domicile (nous proposons de multiples services destinés aux ménages). Au niveau continental, je suis membre du AWLN, chapitre RDC. Il s'agit d'un réseau des femmes africaines qui militent pour l’implication des femmes dans les instances décisionnelles et la promotion du dialogue intergénérationnel.
La semaine a été marquée par la résolution de l’Assemblée nationale, portant interdiction d'intégrer, de mixer et de brasser des éléments des groupes armés terroristes et autres au sein des forces armées, de la police nationale et des services de sécurité de la RDC. Comment jugez-vous la pertinence de cette recommandation?
Dorcas Bwalelo : je trouve que cette recommandation est très importante et arrive au moment opportun. Cela va faire plus de trois décennies que notre pays vit une insécurité causée par les groupes armés et autres mouvements terroristes. Une résolution interdisant le mixage et le brassage va permettre de renforcer le mécanisme des sanctions envers ces mouvements rebelles et empêcher l’intégration des inciviques dans nos principaux organes de défense et de protection. Je salue cette initiative.
Il y a aussi l'engouement suscité par l'appel du Chef de l'Etat auprès des jeunes en faveur des FARDC. Quel est votre avis à ce sujet ?
Dorcas Bwalelo : cet appel s’apparente à un discours assez populiste. Notre armée n'est pas confrontée au niveau actuel, à un problème de sous effectif pour pouvoir faire face et éliminer tous ces petits groupes armés. Le plan de réforme de l'armée congolaise, bien qu'il date de 2008, estimait déjà à environ 130.000 militaires actifs. Il se pose plutôt un problème de formation, d’équipement et de prise en charge. Je pense qu’il est plus logique d’améliorer les problèmes qui sont connus plutôt que de miser sur des solutions moins efficaces.
A Rutshuru, l’armée a annoncé avoir repoussé le M23 sur deux fronts, Mabenga au Nord et Rugari au Sud. Elle a aussi annoncé avoir repris possession de Kiwanja. Comment avez-vous accueilli ces annonces ?
Dorcas Bwalelo : ce sont des nouvelles très encourageantes. Elles démontrent les efforts consentis par nos hommes en uniforme et leur détermination à restaurer la paix dans les zones en proie aux conflits. Une fois de plus, il faut les former, les doter d'équipements adéquats et leur assurer une prise en charge qui réponde à leurs besoins au front et au niveau des familles.
Les députés nationaux ont également autorisé la 36e prorogation de l'état de siège au Nord-Kivu et en Ituri. Quelles sont vos recommandations pour cette nouvelle prorogation ?
Dorcas Bwalelo : je n'ai aucune recommandation pour cette mesure que j’estime inefficace. 36 prolongations de l'état de siège oui, mais pour quels résultats ? Il faut tout simplement lever cette option qui met en péril les droits et libertés individuels et réfléchir sur de nouvelles solutions efficaces.
Par ailleurs, le gouverneur de la ville de Kinshasa a interdit la marche de l'ECIDE contre l'agression Rwandaise prévue ce dimanche. Que pensez-vous d'une telle décision ?
Dorcas Bwalelo : la liberté de manifestation est un droit garanti par l’article 26 de la constitution de la RDC. Refuser aux citoyens cette liberté, constitue une violation flagrante de la constitution et une entorse aux droits humains dans un Etat censé être "un Etat de droit".
Joao Lourenço (Médiateur désigné par la SADC) est arrivé à Kinshasa. Uhuru Kenyatta (facilitateur désigné par l'UA dans le processus de Nairobi) est également attendu pour tabler sur la même question sécuritaire. Quelles sont vos attentes ?
Dorcas Bwalelo : la médiation est une étape très importante dans la résolution pacifique des conflits. Mais nous sommes arrivés à un point où elle a montré ses limites face à des parties prenantes qui jouent à l’hypocrisie envers l’État Congolais. Je pense qu'il faut à ce niveau miser plus sur la répression plutôt qu'une négociation perdue d’avance.
Au sujet des inondations à Kinshasa, une commission a été mise sur pied pour identifier les sites à risques et envisager des actions pour trouver des solutions idoines. Quelles sont vos propositions pour résoudre cette question dans la capitale ?
Dorcas Bwalelo : je proposerai à cette commission de traiter avec beaucoup de responsabilité ces tâches qui leur ont été confiées. Cela manque souvent à plusieurs institutions publiques congolaises.
À l'UNIKIN, le comité de gestion a appelé cette semaine à la reprise des cours alors que la grève reste maintenue, selon l'association des professeurs. Que faut-il pour éviter cette réalité de plus en plus récurrente dans cet établissement universitaire ?
Dorcas Bwalelo : il faut améliorer notre système éducatif et allouer un budget conséquent au secteur éducatif. Cela va permettre notamment de remédier à de nombreux conflits dans les établissements d'enseignement supérieurs.
Au niveau continental, le parlement kényan a approuvé le déploiement de 903 soldats dans le cadre de la force régionale. Quel est votre point de vue ?
Dorcas Bwalelo : un appui opérationnel dans un contexte de conflit est très important. Même si j’aurais souhaité que cet appui vienne des pays non frontaliers et à des milliers de kilomètres de notre pays.
Au niveau international, " face au réchauffement climatique et à ses impacts qui s'accélèrent, l'humanité doit coopérer ou périr", a mis en garde lundi le secrétaire général de l'ONU à la COP 27. Comment appréhendez-vous cet appel ?
Dorcas Bwalelo : je partage le point de vue de M. Antonio Guterres. L'humanité doit s'adapter à la transition écologique et coopérer davantage sur les solutions déjà en place. Je pense que cet appel va renforcer les actions en faveur de notre humanité.
La ville de Kherson a été reprise vendredi par les troupes de l'Ukraine après le retrait des forces russes. Que représente cette reprise pour vous ?
Dorcas Bwalelo : tant que cette mesure est un pas de plus pour aider un pays à préserver son intégrité territoriale, je ne peux que l'encourager. Tous les Etats du monde devraient se battre pour chaque centimètre de leur territoire menacé par des tiers, comme l'Ukraine n'a cessé de le faire.
Propos recueillis par Prisca Lokale