Kasaï-Oriental : lutte contre les VSBG, l'engagement des chefs coutumiers salué par les victimes

Photo/ Droits tiers
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Séparée de son mari depuis quelques années suite à des violences sexuelles subies de la part des éléments Kamuina Nsapu, une femme retrouve son foyer grâce à l’engagement des chefs coutumiers.

Pour palper du doigt cette réalité, nous avons rencontré Euphrasie NTANGA (nom d’emprunt), une femme mariée et mère de 4 enfants. Euphrasie est cultivatrice, alors qu'elle revenait des champs, elle a été surprise à Tshikula par les miliciens Kamuina Nsapu qui l'ont violée à tour de rôle.

Pendant six ans, elle a été stigmatisée au sein de sa famille et de sa communauté. Son mari a fini par demander le divorce.

« Personne ne voulait m’écouter, comme si j'avais demandé aux miliciens de me violer et qu'ensuite on me qualifie de femme adultère »confie-t-elle.

Aujourd’hui, grâce à l’engagement pris par les chefs coutumiers de l’espace Kasaï sous la facilitation du haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), elle a pu retrouver de l'espoir.

« Ma belle-famille dit que je suis une femme adultère parce que j’ai été violée. Il est important que les chefs coutumiers puissent sensibiliser les hommes ainsi plusieurs femmes pourraient regagner le toit conjugal »propose Euphrasie NTANGA.

Dans un acte d’engagement, les chefs coutumiers insiste sur la différence entre le viol et un acte d’adultère.

« Nous, représentants des autorités coutumières et leaders communautaires du Kasaï-Oriental, considérant les résultats des consultations et plaidoyers menés le 21 octobre 2022 dans le cadre de la réunification des familles séparées suite aux viols des femmes mariées, ayant été fortement interpelés par les souffrances et les atrocités infligées aux femmes victimes des violences sexuelles lors des conflits armés dans l'espace grand Kasaï ainsi que celles victimes des viols lors des irruptions  des bandits dans les ménages, soucieux de contribuer à la promotion des droits des femmes, nous prenons solennellement l’engagement de réduire l’impact négatif des violences sexuelles attribuées à certaines pratiques coutumières sur les survivantes des viols. Et à daté de ce jour, nous considérons que le viol commis sur les femmes mariées ne constitue pas l'adultère selon le code pénal livre 2 faute de consentement de la victime . A cet effet  nous prenons l'engagement de persuader  les maris des survivantes des viols  d'être solidaires et d’accepter un geste de réconciliation», peut-on lire dans leur acte d’engagement.

Un acte salué par Euphrasie NTANGA. Grâce à cet acte, son mari est venu la chercher après avoir été sensibilisé par les chefs coutumiers. Elle invite les autres hommes à emprunter la même voie que son mari.

De son côté, Nathalie KAMBALA, la directrice pays de l’ONG femme main dans la main pour le développement intégral (FMMDI), exprime sa gratitude aux chefs coutumiers.

« Aujourd’hui plus que jamais, c’est l’histoire qui s’écrit dans la province du Kasaï oriental. Cette manifestation est le couronnement des efforts que nous avons consentis avec toutes les parties prenantes pour redorer les blasons de la vie de la femme et la fille du Kasaï oriental. L’engagement solennel des chefs coutumiers aujourd’hui prouve au monde entier qu’ils sont déterminés à lutter farouchement contre les violences sexuelles et celles basées sur les genres ». 

Nous avons également interrogé une avocate pour savoir ce que dit la loi congolaise en matière de viols.

Heidi KABUYA avocate aux barreaux de Mbuji-Mayi explique que «le code pénal congolais du 30 janvier 1940 tel que révisé par la loi 06/018 du 20 juillet 2006 dite sur les violences prévoit de punir le viol en ses articles 170 et 171 »

Pour elle, cette loi ne parle pas seulement de la femme mariée mais de toute personne, c’est-à-dire que même la femme mariée peut-être violée tout comme un homme peut aussi être violé contrairement à l’ancienne loi qui ne prévoyait que le viol n’est commis que sur une personne de sexe féminin.

Elle poursuit en disant que concernant l’adultère, la loi numéro 16/008 du 15 juillet 2016, modifiant le complétant la loi 87-010 du 1er août 1987 portant code de la famille prévoit et punit l’adultère de l’article 467 à 472. L’article 467 dispose : « est puni, du chef d’adultère, d’une servitude pénale de six mois à un an et d’une amende de 60000 à 250000 FC.

 Donat Kadima, salue l’engagement des chefs coutumiers et il leur demande de mettre de l’eau dans leur vin car cela va permettre aux femmes victimes des violences pendant la guerre de kamuina nsapu de regagner leur foyer.

« Je demande aux leaders traditionnels de mettre en pratique leur engagement, car c’est un réel soulagement pour nos femmes, sœurs, mamans de vouloir intégrer leur foyer sans payer aucune amende », explique-t-il.

Une décision qui ne plait pas à Justin Kalonji pense toujours que la femme violée et celle qui a commis l’adultère appartiennent toutes à la même catégorie, pour lui, la loi devra être appliquée pour toute les deux.

« Selon moi, c'est de la discrimination car les deux personnes ont commis l’adultère. Nous ne devons pas copier les habitudes des blancs, nous sommes kasaiens et nous devons faire comme nos ancêtres »  assène M.Kalonji.

De son côté, Angèle Dikongue représentante du haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés en RDC, présente à la cérémonie de signature de cet acte d’engagement, explique que ce geste vient laver la terre du Kasaï oriental. « Cet acte représente un acte salvateur pour la province, une nation ou les femmes sont bafouées, c’est une nation qui se maudit elle-même.  Aujourd’hui les chefs coutumiers ont lavé la terre du Kasaï oriental ».

Mme Dikongue promet de faire un suivi avec toute son équipe pour la pérennisation de cet engagement.

Marie Jeanne Molly MUPELA à Mbuji-Mayi