Le Prix Nobel de la paix, Denis Mukwege a réclamé ce samedi 6 août, des sanctions “politique, économique et diplomatique” contre le Rwanda de la part notamment des Nations Unies, pour son rôle avéré dans la déstabilisation de la RDC après la confirmation par les experts de l’ONU de l’intervention de l’armée rwandaise aux côtés des rebelles du M23 entre novembre 2021 et juillet 2022 dans le territoire de Rutshuru (Nord-Kivu).
“Le gouvernement congolais, les Nations unies, l’Union africaine et les partenaires bilatéraux et régionaux de la RDC doivent tirer les conséquences de ces preuves démontrant la énième guerre d’agression du Rwanda: des sanctions doivent être prises sans plus tarder, tant sur le plan politique, diplomatique, économique que militaire conformément aux résolutions 1807 et 2293 du Conseil de sécurité des Nations unies qui sanctionnent notamment, les personnes et entités qui se livrent à des actes qui compromettent la paix, la stabilité ou la sécurité de la République démocratique du Congo”, a déclaré Dr Denis Mukwege.
L’agression de la RDC par le Rwanda n’est pas un fait nouveau. “Cette implication de l’armée rwandaise aux côtés du mouvement terroriste M23 est connue depuis des mois par l'armée congolaise qui a déjà récupéré des équipements militaires et arrêté des soldats rwandais sur le territoire congolais”, précise Dr Mukwege.
Le rapport des experts de l’ONU rendu public jeudi dernier et transmis au Conseil de sécurité indique que le Rwanda a "fourni des renforts de troupes au M23 pour des opérations spécifiques, en particulier lorsque celles-ci visaient à s'emparer de villes et de zones stratégiques".
L’armée rwandaise a aussi "lancé des interventions militaires contre des groupes armés congolais et des positions des Forces armées congolaises", dit le rapport.
“Après plus d’un quart de siècle de conflit ayant entraîné des millions de morts, des femmes violées, des déplacés, la communauté des Etats ne peut plus accepter passivement que la population congolaise subisse des agressions à répétition des pays voisins commettant directement ou par procuration des atrocités de masse visant à déstabiliser l’est de la RDC pour piller les ressources minières et naturelles dans un climat d’impunité généralisé”, déplore Dr Denis Mukwege.
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Pour le Prix Nobel de la paix, “cette grande criminalité transnationale dont le Rwanda est l’un des principaux acteurs depuis 25 ans avec la complicité des certains compatriotes corrompus doit cesser maintenant”. Il invite pour ce faire, le gouvernement congolais à réformer le secteur de sécurité en dotant l’armée des moyens pour pacifier le pays.
“Nous ne pouvons compter éternellement sur les Nations Unies ni poursuivre une politique d'externalisation de notre sécurité nationale par ces Etats tiers”, martèle Mukwege.
L’est de la RDC est confronté à une insécurité inqualifiable suite à la multiplicité des groupes armés locaux et étrangers estimés à plus d'une centaine. La porosité des frontières nationales facilite l’entrée des troupes étrangères sur le territoire congolais dans l’est du pays. Depuis des semaines, Kinshasa accuse Kigali de soutenir les rebelles du M23 qui ont lancé depuis fin 2021, une offensive dans le territoire de Rutshuru, frontalier avec l’Ouganda et le Rwanda. Le M23 occupe ces jours des villages et localités dans le groupement de Jomba y compris la cité de Bunagana. Le président congolais Félix Tshisekedi a opté pour la solution diplomatique afin d'obtenir le retrait "définitif" du M23 des zones conquises. Mais malgré plusieurs rounds des négociations entamées avec le Rwanda sous la médiation du président angolais, les rebelles consolident leurs positions. Ils ont, au contraire, mis en place une administration et attendent d'expandre leur rayon d’influence dans la région de Rutshuru.
Patrick MAKI