Un an après le lancement de la Facilité Elargie de Crédit du FMI, des progrès significatifs et des défis

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FMI-RDC. Ph. Droits tiers.

Mercedes Vera-Martin et Gabriel Léost, respectivement Cheffe de mission du FMI pour la RDC et Représentant Résident en RDC pour le FMI, ont signé une op-ed sur ACTUALITE.CD. Ils reviennent sur les avancées et les défis un an après le lancement de la Facilité Élargie de Crédit.

Le Conseil d’Administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé, mercredi 29 juin 2022, la 2ème revue du programme soutenu par la Facilité Elargie de Crédit (FEC), permettant un nouveau décaissement d’un peu plus de 203 millions de dollars destiné à soutenir les réserves internationales de la Banque Centrale du Congo (BCC). L’avancement du programme est en effet jugé satisfaisant, avec la plupart des conditionnalités respectées, et des progrès dans le programme de réformes. Cette deuxième revue était accompagnée de la consultation au titre de l’Article IV, l’occasion d’analyser des thèmesimportants tels que l’impact du changement climatique et les opportunités offertes à la RDC dans le contexte de la transition énergétique mondiale, l’inclusion financière, la dollarisation de l’économie, ou encore la soutenabilité de la dette.

Cette deuxième revue intervient près d’un an après l’approbation le 15 juillet 2021 de ce programme soutenu par la FEC sur trois ans avec un financement prévisionnel total de 1,5 milliard de dollars, qui viseà maintenir la stabilité macroéconomique et à promouvoir une croissance économique durable au bénéfice de tous en s’appuyant sur trois domaines clés: (i) l'intensification de la mobilisation des recettes intérieures afin d'accroître les marges de manœuvre budgétaires pour les infrastructures et les dépenses sociales; (ii) le renforcement de la gouvernance, y compris dans la gestion des ressources naturelles; et (iii) le renforcement du cadre de la politique monétaire et de l'indépendance de la banque centrale. 

Un an après le lancement du programme du gouvernement soutenu par le FMI, un premier bilan encourageant peut être fait :

• Malgré un environnement difficile et incertain, que ce soit sur le plan domestique (sécurité à l’est) ou international (conséquences de la guerre en Ukraine), l’économie de la RDC fait preuve d’une grande résilience. Après avoir atteint 6,2% en 2021, la croissance réelle du PIB pourrait encore avoisiner 6% en 2022, même si les risques à la baisse ont fortement augmenté dans le contexte international actuel.

• L’arrêt du financement du budget via des avances de la BCC, effectif depuis avril 2020, et une gestion macroéconomique prudente et coordonnée entre le ministère du budget, le ministère des finances et la BCC, ont largement participé à cette résilience et évité le risque d’un dérapage inflationniste. Certes, l’indice des prix à la consommation, après être descendu à environ 5% en 2021, augmente et pourrait temporairement dépasser 10% en 2022, mais il s’agit d’une inflation largement importée à cause de l’augmentation des prix internationaux de l’énergie et des denrées alimentaires. Avec raison, le gouvernement reste toutefois vigilant, car l’impact peut être important sur les ménages les moins favorisés et renforcer le risque d’insécurité alimentaire déjà prégnant dans le pays. 

• Malgré le renchérissement des importations d’énergie et de denrées alimentaires, la situation externe s’est améliorée grâce aux exportations du secteur minier, et les réserves internationales ont fortement augmenté, passant de 800 millions de dollars début 2021 à près de 3,8 milliards de dollars à fin juin 2022, soit environ 2 mois d’importations. Cette tendance doit se poursuivre, pour atteindre une couverture suffisante (mesurée en mois d’importations) permettant d’avoir des marges de manœuvre pour résister en cas de choc externe. 

• Sur le plan budgétaire, des progrès significatifs ont été faits dans la mobilisation des recettes, qui ont fortement augmenté en 2021 et dans la première partie de l’année 2022 sous l’effet conjugué des performances du secteur minier et de l’amélioration de la collecte par les régies financières. Aussi, malgré des pressions sur les dépenses courantes et le coût pour l’Etat de la subvention des prix de l’essence, le déficit public a été contenu. Des efforts sont aussi faits pour favoriser les dépenses d’investissement, y compris via la mise en œuvre du programme de développement des 145 territoires en partie financé par l’allocation générale de Droits de Tirages Spéciaux du FMI (1,45 milliard de dollars reçus par la RDC en août 2021).

• Sur le plan monétaire et financier, d’importantes réformes ont été lancées par la BCC pour renforcer la gouvernance et l’indépendance institutionnelle de la BCC, ainsi que le fonctionnement du secteur financier. Cela inclut l’approbation des règles régissant le comité de direction, la mise en place du comité de gouvernance en mars 2022, un protocole d’accord signé pour la régularisation des crédits passés de la BCC en faveur de l’Etat, la fermeture progressive des comptes en devises de la BCC dans les banques commerciales, ou encore la mise en place du comité de stabilité financière. 

• Des progrès ont aussi été enregistrés pour l’amélioration de la gouvernance et la lutte contre la corruption. Le FMI soutient ainsi le renforcement des agences de lutte contre la corruption et de contrôle, comme l’IGF, la Cour des Compte ou la CENAREF, ainsi que les efforts pour la transparence du secteur minier. 

En s’appuyant sur ces premiers résultats, il s’agit maintenant de relever un certain nombre de défis :

• La mobilisation des recettes reste indispensable. Tout en continuant à améliorer le fonctionnement des régies financières et en renforçant l’informatisation de la chaine des recettes, on attend la finalisation et la mise en œuvre de plans de rationalisation des taxes fiscales et non fiscales. Afin de conjuguer l’amélioration des recettes avec celle du climat des affaires, la simplification de certains impôts et taxes doit inciter les entreprises à rejoindre le secteur formel imposable et rendre l'environnement plus prévisible pour les investisseurs.

• Côté dépenses, les efforts doivent continuer pour les orienter vers les plus utiles à la population, telles que les dépenses de santé, d’éducation et d’investissements dans les infrastructures indispensables. Le système de subvention aux prix des carburants doit être réformé, afin d’en limiter le coût et de le remplacer par des aides ciblées au profit des ménages les plus nécessiteux. Les efforts de maitrise et de rationalisation de la masse salariale doivent être poursuivis. Plus globalement, la chaine de la dépense doit être améliorée, notamment pour les investissements publics, et l’ambitieux plan de réforme de la gestion des finances publiques, qui est soutenu par de nombreux partenaires de la RDC, doit être mis en œuvre, sur la base d’un plan d’actions que le Gouvernement a prévu d’adopter prochainement. 

• Le plan de réformes lancé à la BCC doit se poursuivre. Dans le secteur financier, une fois votée par le Parlement, la mise en œuvre de la nouvelle loi sur les banques commerciales sera au cœur de ces réformes pour renforcer le cadre réglementaire et la supervision. Sur la base des résultats de l’analyse du secteur financier récemment finalisée par une équipe du FMI, la BCC pourra définir et mettre en œuvre une stratégie de réformes visant à améliorer le fonctionnement du système financer au bénéfice de la croissance économique.

• La lutte contre la corruption doit rester au cœur du programme du gouvernement. Au niveau des comptes publics, les efforts doivent être poursuivis pour renforcer la transparence du budget, de sa planification à son exécution, et à sa redevabilité. Il faut aussi continuer les efforts de transparence dans le secteur minier : les résultats de la validation du processus de transparence au titre de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) vont donner une première idée des progrès effectués dans ce domaine, et les bonnes pratiques comme la publication de l’ensemble des contrats miniers doivent se poursuivre. Enfin, en s’appuyant sur la nouvelle loi contre le blanchiment et le financement du terrorisme qui a été envoyée pour discussion au Parlement, la RDC doit tout mettre en œuvre pour se mettre en conformité avec les standards internationaux en ce domaine.

Si les défis restent donc nombreux dans un pays confronté à de nombreuses fragilités et où les besoins sont immenses, on peut toutefois être optimiste pour la RDC. Avec l’assurance d’un programme économique visant à préserver la soutenabilité à moyen terme, les partenaires au développement de la RDC ont fortement augmenté leur engagement dans le pays, que ce soit avec des financements ou de l’assistance technique. Au-delà des financements de ces partenaires, l'intensification des réformes structurelles, la réduction des lacunes en termes d'infrastructures et d'éducation, et les mesures visant à améliorer le climat des affaires doivent attirer plus d’investissements dans les secteurs non miniers, soutenir la croissance tirée par le secteur privé et promouvoir la diversification. Surtout, la RDC est bien placée pour bénéficier de la transition énergétique mondiale, facilitant la voie vers une croissance plus élevée et plus inclusive ; ses minéraux, sa forêt tropicale et ses tourbières devraient aider à mobiliser des financements pour leurpréservation.

Mercedes Vera-Martin, Cheffe de mission du FMI pour la RDC

Gabriel Léost, Représentant Résident en RDC pour le FMI

 

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