RDC : l'actualité de la semaine vue par Christina Mukongoma

Photo/ Droits tiers
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Des affrontements entre les Forces armées congolaises et les rebelles du M23 à la  suspension des vols RwandAir, en passant par le meurtre dans une école au Texas, ainsi que la composition paritaire du gouvernement Elisabeth Borne, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l'actualité. Ce 29 mai, Christina Malkia Mukongoma passe au crible chacun de ces faits marquants. 

 

Bonjour Madame Christina Malkia Mukongoma et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? 

Christina Mukongoma : Je suis titulaire d'une licence en journalisme et multimédia obtenue à l'Université Chrétienne Bilingue du Congo, à Beni, au Nord-Kivu. J'évolue dans le monde de l'information et de la communication depuis mon plus jeune âge. J'ai travaillé dans plusieurs stations de radio où j'ai été tour à tour reporter, régisseuse d'antenne et rédactrice en chef. J'ai également occupé le poste de chargé de communication dans deux organisations non gouvernementales mais aussi dans une brasserie de renommée nationale. En outre, je suis membre d'Habari RDC et fondatrice de CONGORASSURE.CD. Je suis mariée et mère de deux enfants. 

La semaine a été marquée par les affrontements entre l’armée congolaise et le M23 au Nord-Kivu. Le général Sylvain Ekenge a affirmé que des effets militaires non utilisés, ni par l'armée, ni par les M23 ont été récupérés sur le champ de bataille. Que pensez-vous de cette attaque ? 

Christina Mukongoma :  je pense que c'est une attaque de trop et pour tous les natifs du Kivu comme moi, il était prévisible que tôt ou tard cela arrive. Tant que la RDC ne consacre pas assez de budget à son armée et à tous ses services de sécurité spécialisés, il y aura toujours des petits malins quelque part qui voudront exprimer leurs caprices par les armes. Pour moi, ces nouvelles attaques constituent un tremplin pour que nos autorités réfléchissent une fois de plus au renforcement de nos forces de sécurité afin qu'elles soient en mesure de tuer dans l'œuf toute petite rébellion en gestation ainsi que de protéger l’intégrité territoriale de la RDC.

Ces évènements se déroulent dans un contexte marqué par la non-participation du M23 Aile Bisimwa/Makenga aux discussions autour du processus de Nairobi. Quelle est votre analyse ? 

Christina Mukongoma : le fait déjà qu’il y ait au moins deux ailes, prouve qu’ils n’arrivent pas à s’entendre…Ces négociations à Nairobi ne sont pas les premières du genre. Je pense qu'ils n'ont jamais été vraiment disposés à discuter une nouvelle fois. Cependant, comme ils ont choisi la voie militaire, l'armée  a prévenu qu’elle est parée à toute éventualité. Avec l'esprit de patriotisme qui plane sur le pays ces dernières heures, il est évident que les FARDC qui reçoivent énormément de soutien sont prêts à se battre. D'une manière ou d'une autre, les autorités sont obligées de régler cette affaire une fois pour toute. Et les Congolais ont toujours été exceptionnels, quand ils veulent quelque chose à l'unisson comme aujourd'hui, ils finissent par l'obtenir. Et maintenant, ce qu'ils veulent, c'est clairement le retour de la paix. Les autorités ont dit qu'elles sont prêtes à discuter avec ceux qui veulent discuter, à accueillir ceux qui décident de déposer les armes sans condition et à répondre de manière appropriée à ceux qui veulent attaquer. Et ceux qui n'ont pas voulu ou ne veulent pas participer aux négociations doivent comprendre que ce pays est confronté à d'énormes défis et ce n'est pas en un jour que toutes leurs demandes, les plus raisonnables bien sûr, seront satisfaites. Ils ne doivent pas penser seulement à eux-mêmes, ils doivent penser à tous les Congolais et au Congo. J'espère sincèrement qu'ils déposeront les armes et trouveront un autre moyen, beaucoup plus pacifique, de se faire entendre  sans qu’il n’y ait des victimes. 

Entre-temps, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) rapporte que plus de 72 000 personnes ont été déplacées suites aux intenses combats qui secouent les territoires de Rutshuru et  Nyiragongo. Quelles recommandations feriez- vous à l'état congolais à ce sujet ? 

Christina Mukongoma : Kinshasa doit déjà débourser une certaine somme d'argent de la ligne budgétaire prévue pour ce genre de situation et travailler avec les équipes sur le terrain, notamment la protection civile du Nord-Kivu afin d’identifier les besoins urgents. Et si le gouvernement se trouve confronté à un problème, il peut  lancer un SOS à ses partenaires nationaux et étrangers. Mais jusqu'à présent, sincèrement, je ne sais pas ce qui a déjà été fait ni même ce que le ministère en charge prévoit. Cela m’inquiète un peu. Le ministre Patrick Muyaya a communiqué il y a un peu plus de 48 heures après la réunion organisée par le Premier ministre,  disant que cet aspect avait été également pris en compte. Nous serons heureux de lire une mise à jour du porte-parole du gouvernement nous disant ce qui a déjà été réalisé durant les dernières heures. Et j'encourage nos compatriotes qui aident les déplacés. Et ceux qui ne l'ont pas encore fait et qui le peuvent, je les encourage à poser un geste. 

Par ailleurs, les épreuves hors-session de l'examen d'Etat ont commencé lundi dernier. Quelles sont vos attentes auprès du ministère de l'EPSP en faveur des finalistes dans les zones des déplacés ? 

Christina Mukongoma : L'éducation est le socle du développement de toute société. Comme à l’impossible nul n’est tenu, le cas de ces élèves qui ont été contraints de prendre la route de l’exode en raison des affrontements, devra être traité avec toute l'humanité et la patience nécessaires. Ces élèves n'ont pas choisi de naître dans une zone de guerre. Leur seul péché restera celui d'être né du côté de la République où les guerres et les agressions sont cycliques depuis des décennies. J'espère sincèrement que le ministre Tony Mwaba organisera une session spéciale pour ces élèves et qu’il ouvrira pour eux des centres de passation d'examens dans les sites ou les agglomérations où ils se sont installés avec leurs familles. 

Mardi, la DGRK a suspendu le recouvrement forcé de la taxe spéciale de circulation routière (vignette) pour l’exercice 2020. L’opération qui avait davantage aggravé les embouteillages dans la capitale, va reprendre dans deux semaines. Que pensez-vous de cette décision ? 

Christina Mukongoma : dans une quinzaine de jours, l’ambiance  restera identique. L'embouteillage sera le même et le recouvrement aggravera encore la situation comme cela a été le cas. Ce n’est pas parce que demain on utilisera la même formule qu’on a utilisé hier et qui n’a pas marché que le résultat sera miraculeusement différent. Il est temps que nos autorités pensent à une autre façon de faire payer cette taxe spéciale de circulation routière. Pourquoi  ne pas la faire payer en banque ? Et il est temps que nous nous disions la vérité, de nombreuses personnes ne paient pas cette taxe parce qu’elles doutent de sa destination et ne savent même pas à quoi elle sert. La faire payer à la banque créera beaucoup plus de confiance et qu’ils communiquent clairement sur la destination et l’utilisation des fonds qu’ils récoltent. 

En santé, le coordonnateur de la riposte contre Covid-19, le docteur Jean-Jacques Muyembe note que la RDC vit la cinquième vague de la pandémie, recommande la vigilance et le respect des gestes barrières. Que pensez-vous de cette communication ? 

Christina Mukongoma : le docteur Muyembe a bien fait de communiquer. Mais sur le terrain on observe  malheureusement un relâchement terrible. Il devrait accentuer la communication comme cela était le cas durant les précédentes vagues. Sinon nous courons tout droit vers la catastrophe surtout avec le début de la saison sèche. Nous devrions tous observer scrupuleusement les gestes barrières. 

En matière des droits des femmes, des réseaux ont tenu 10 jours de sit-in devant le palais du peuple pour exiger la prise en compte de la parité dans les réformes concernant la loi électorale. Quelles sont vos attentes auprès de l'Assemblée nationale après cette action ? 

Christina Mukongoma : je ne veux surtout pas être pessimiste. Mais nous savons tous quelles sont les réelles préoccupations de nos députés nationaux et surtout leurs vraies priorités. J’espère un miracle mais surtout qu’un député va prendre ce dossier à bras-le-corps devant ses pairs surtout que la plupart des femmes députées sont aphones sur le sujet. Curieux n’est-ce pas ?

Dans l'actualité internationale, Idrissa Gueye un footballeur du PSG n'a pas voulu, selon les informations des médias français, jouer avec un maillot au flocage arc-en-ciel pour la journée de lutte contre l'homophobie et en soutien à la communauté LGBTQ+. Cette décision lui a valu de nombreuses réactions tant dans les médias que sur les réseaux sociaux. Quel est votre point de vue à ce sujet ? 

Christina Mukongoma: j'aurais aimé qu'on laisse Idrissa Gueye tranquille. Il n'a jamais prétendu être homophobe ou tenu des propos insultants à l'égard de la communauté LGBTQ+. Cet homme dont les gestes charitables sont légion a juste refusé de jouer parce que c'est contre sa foi et ses principes. Je pense qu'il a aussi le droit de dire non et que les autres sont aussi appelés à respecter son choix ! Ici, il ne s'agit pas de sa relation avec les personnes LGBTQ+ mais de sa relation avec lui-même, avec sa foi et avec son Dieu. C'est surprenant de voir à quel point ceux qui prêchent la tolérance peuvent être intolérants à ce point. Mais que voulez-vous ? C’est la France! Et la France s’est comportée comme elle l’a toujours fait avec ses enfants d’une certaine origine. 

En France toujours, Elisabeth Borne, la nouvelle Première ministre a dévoilé son gouvernement paritaire 14 hommes et 14 femmes. Que pensez-vous de ces nominations ? 

Christina Mukongoma : le nouveau gouvernement a suscité des critiques de toutes parts, encore une fois, rien d’étonnant, c’est la France. Au-delà du fait qu’il y ait autant d’hommes que de femmes, j’ai été contente à l’annonce du nom de Pap Ndiaye comme ministre de l’éducation. Il a une exceptionnelle capacité à pacifier et dénouer les polémiques, des qualités exceptionnelles quand on connaît les défis du système d’enseignement français. Ce secteur avait besoin de quelqu’un d’ouvert et prêt à faire consensus. Je suis impatiente de le voir à l’œuvre. 

Aux USA, Salvador Ramos un jeune de 18 ans a ouvert le feu dans une école tuant 19 élèves et 2 enseignantes avant d'être abattu par un policier. Les informations le décrivent comme un jeune renfermé sur lui-même. Quel est votre avis à ce sujet ? 

Christina Mukongoma : je n'ai qu'une seule réponse : Interdire la vente d'armes aux civils pendant 20 ans et ils pourront juger eux-mêmes du résultat. Et s'ils ne sont pas satisfaits, ils pourront recommencer après s'ils le souhaitent. Entre-temps, ils peuvent aussi rappeler les armes qui traînent ça et là dans des maisons. Je ne sais pas s'ils attendent d'atteindre un quota précis de morts pour le faire, mais c’est hallucinant de voir qu’ils ont une partie de la solution mais refusent de la mettre en pratique au nom d’une étrange liberté qui bouffe ses propres enfants. En tout cas, je souhaite la paix aux âmes des disparus. 

Propos recueillis par Prisca Lokale