Le président de la république Félix Tshisekedi entame dès ce vendredi 24 décembre 2021 sa première tournée en tant que chef de l'État dans l'espace Kasaï. Cette visite commence par la ville de Mbuji-Mayi au Kasaï-Oriental, ville qui avait déjà élu Félix Tshisekedi député national en 2011. Quelle est la situation dans cet espace géographique dont Tshisekedi lui-même est originaire et qu'attend la population de cette tournée ?
Sur le plan politique, Félix Tshisekedi arrive dans l'espace Kasaï au moment où quatre de cinq provinces du Grand Kasaï n'ont pas de gouverneurs depuis un an pour certaines. A Mbuji-Mayi, le président de l'Assemblée provinciale a été défenestré de la manière dont le militant pro démocratie Nicolas Mbiya avait qualifiée de "scandaleuse" car, rappelé en consultations à Kinshasa, Yves Mwamba a été empêché de rentrer à Mbuji-Mayi jusqu'au moment où un vote au forcing a été organisé pour son remplacement en son absence. A Lomami, le gouverneur et le bureau de l'Assemblée provinciale ont été destitués dans une procédure qui avait toute l'air d'un règlement des comptes. Au Sankuru, après plusieurs mois de crise politique due à l'incapacité du gouverneur Stéphane Mukumadi à assumer un leadership responsable à la tête de la province, ce dernier a fini par être destitué. Au Kasaï-Central, Martin Kabuya a fait les frais de son attitude à vouloir s'émanciper de l'influence de certains lobbies politiques. En plus, sa détermination à voir clair dans les fonds alloués aux travaux du projet d'urgence de 100 jours lui a attiré le courroux de certains bonzes qui ont mis à contribution les députés provinciaux pour le chasser. A Mbuji-Mayi, Maweja Muteba, le seul gouverneur UDPS a été déchu pour incompétence. Dieudonné Pieme du Kasaï a réussi à reprendre la main grâce à son recours devant la Cour constitutionnelle après avoir été déchu par l'Assemblée provinciale.
Sur un autre plan, le président Tshisekedi sera face aux députés provinciaux de ces cinq provinces qui broient du noir à cause du paiement irrégulier de leurs émoluments. A Kananga par exemple, une frange de la population apprécie le ton du discours adopté depuis quelques jours par le député national Delly Sesanga qui a sonné la rupture avec le camp du président Tshisekedi. Face à cet état des choses, la tournée du président sera scrutée quand on sait que beaucoup accusent son entourage d'entretenir l'instabilité dans des provinces. En tant qu'UDPS, le président Tshisekedi va trouver un parti en lambeaux tant à Mbuji-Mayi qu'à Kananga où les pro et anti Kabund livrent des spectacles désolants en se battant devant une police réduite à sa simple expression, "c'est le parti présidentiel".
Sur le plan des infrastructures, le Grand Kasaï est l'un des espaces géographiques du pays si pas le seul, à n'avoir ni routes, ni électricité moins encore l'eau potable. L'avènement de Félix Tshisekedi avait suscité beaucoup d'espoirs dans la population qui croyait finalement que l'ère de développement avait enfin sonné.
"Nous avons été sacrifiés sous les régimes de Mobutu et des Kabila à cause de notre attachement à l'UDPS et à la lutte politique du père de l'actuel président. Nous avions pensé qu'avec l'accession de Félix Tshisekedi au pouvoir, l'espace Kasaï sortirait enfin de ses ténèbres légendaires et aurait des routes. Trois ans après, le constat est amer", explique, visiblement déçu, un enseignant à Kananga.
Acteur de la société civile à Tshikapa (Kasaï), Alain Nkashama Mwana dit attendre de la tournée du chef de l'État des actions concrètes.
"Il était prévu dans le cadre du projet de 100 jours, la construction de 150 km de la route qui va de Tshikapa à Kandjaji à la frontière avec l'Angola. Rien n'a été fait", regrette Nkashama qui se souvient du pont Loange et de la route Batshiamba-Tshikapa laissés par Joseph Kabila.
A Mbuji Mayi, l'abbé Blaise Kanda, célèbre par ses prêches qui enflamment les foules a salué sur son compte Facebook, la pluie qui s'est abattue mercredi dernier dans la ville.
"Merci, chère pluie. Nous avons de l'eau et la terre rouge sur l'avenue de la Cathédrale qui va dire la vérité au Chef", a-t-il écrit.
Ce message dit tout sur le manque d'eau potable à Mbuji-Mayi et l'état de la voirie urbaine que les autorités tentent d'arranger avec la latérite.
A Kabinda et à Lusambo, la situation est pire. A voir les bâtiments qui abritent les bureaux des gouverneurs, on est en droit de se demander s'il faut appeler ça gouvernorat.
A Lodja par exemple, la pluie de mercredi dernier avait arrosé la piste d'atterrissage à tel enseigne que les passagers en provenance de Kinshasa ont été transportés dans des chariots.
Les attentes des populations de l'espace Kasaï
Au-delà des foules nombreuses qui vont accueillir le "fils du coin", les principales attentes se résument en quelques mots: eau, électricité et routes.
"Si le président Tshisekedi peut dans les deux ans qui lui restent construire la centrale hydroélectrique de Katende, relier nos cinq provinces par des bonnes routes, nous allons transformer le Kasaï"; affirme, optimiste un opérateur économique basé à Kananga.
"Ne vous leurrez pas, il n'y aura rien"; tempère Elie Mputu, cadre du parti politique ECIDE de Martin Fayulu.
Sosthène Kambidi, à Kananga