Les violences faites aux femmes prennent diverses formes (verbales, physiques, psychologiques, économiques et autres). Parmi les causes de ces actes en Afrique, ONU Femmes et plusieurs organisations font référence à une société patriarcale, où l'homme a l'autorité et le contrôle du pouvoir sur la femme. Pour parvenir à une société plus équilibrée, l'option de promotion de la "masculinité positive" est proposée.
En 2015, à travers une étude menée en RDC autour des masculinités, l'Ambassade de Suède a démontré que le rôle traditionnel des hommes, notamment d'exercer le pouvoir sur la femme se fait souvent sous l'influence de la religion. Mais l'étude reconnaît aussi "l'existence des forces positives qui aspirent à une nouvelle masculinité qui n'est pas basée sur le contrôle et la domination".
En 2019, le Conseil Oecuménique des Églises à publié un guide sur les Féminités et les Masculinités congolaises, la position de la Bible par rapport aux violences faites aux femmes et particulièrement sexuelles, la soumission des femmes à leurs maris.
"La masculinité de manière générale est décrite en termes de force, de puissance, de domination et de jouissance. La culture de la violence y est intériorisée, cultivée, reproduite et perennisée par des processus socioculturels de validation de ce qui est bon ou mauvais, juste ou injuste, tolérable " peut-on lire dans ce guide.
Plus loin, le Conseil précise qu' à long terme, les fondements anthropologiques, mystiques, philosophiques ou theologiques qui ont présidé à l'option de telle ou telle autre pratique sociale, sont jetés aux oubliettes. Le sens symbolique de la dot, par exemple est aujourd'hui parfaitement ignoré dans les grandes villes de la RD Congo. Les aspects économiques et folkloriques prennent dessus sur l'esprit: l'échange des cadeaux pour sceller une alliance. Dès qu'il y a perte des repères, il s'ensuit une interprétation abusive des traditions, de laquelle naitront divers abus qui visent prioritairement la satisfaction instinctive immédiate.
Ainsi, "la masculinité hégémonique est dangereuse parce qu'elle impacte négativement la santé et le développement sociocommunautaire dans toutes leurs dimensions. Elle valorise les violences sous plusieurs formes et des comportements à risque face à l'infection au VIH. Elle est basée sur un préjugé qui estime que l'homme serait supérieur à la femme du fait que, selon les Ecritures Saintes, l'homme a été créé avant la femme. D'autres tentent de justifier cette supériorité naturelle de l'homme en se basant sur le fait que jusqu'à un passé récent, l'homme était encore le principal pourvoyeur des ressources financières à la femme. A ce titre, dans tous les domaines de la vie, la préséance devrait revenir à l'homme. Et, au nom de cette supposée primauté sociale, l'homme peut se permettre d'infliger des violences morales, physiques, psychologiques, verbales... aux femmes".
Des campagnes menées
Pour promouvoir les masculinités positives, au cours du mois de juin et août 2020, Habari RDC, Amour Afrique Congo, Afia Mama, Men Engage, Sofepadi et Si Jeunesse savait avait mené une campagne dénommée "Vrai Mobali".
Le but principal était de sensibiliser les hommes sur les dimensions toxiques de cette masculinité, pour eux et pour leur entourage, afin d'atteindre des changements individuels (en termes d'acceptation de soi), des changements relationnels (dans son cercle privé, avec sa famille notamment), de lancer des questionnement sur les normes socio-culturelles et d'atteindre des prises de décisions et réflexions au niveau structurel en RDC (notamment en terme d'engagement des politiques sur une autre vision de l'homme).
"« Vrai Mobali » en lingala, c'est comme ça qu'on désigne un homme considéré comme viril, qui bien souvent, est perçu comme fort, dominant... Avec notre campagne, nous avons voulu donner un nouveau sens à ce terme, en lui donnant ce sens de la masculinité positive. Un vrai mobali c'est un homme qui se considére égal aux autres, qui se respecte et respecte autres. Notamment la femme et qui exprime ses émotions," explique Lynn Mazianda, membre de Habari RDC.
Parmi les thèmes abordés lors de la campagne, on peut citer l'égalité de genre, en termes de droits et d'opportunité, professionnelles et personnelles, la lutte contre les VBG, la lutte contre les stéréotypes de genre, le questionnement des traditions et normes sociales liées aux genres, notamment dans la vie famille (dot, vie de couple...).
Les principaux messages partagés tout au long de la campagne comprennent, "un vrai homme n'utilise pas la force pour faire soumettre sa femme à lui ; Un vrai homme prend soin de sa femme et de ses enfants et les traite avec tendresse et amour ; Un vrai homme accepte les différences et ne considère pas la virilité comme seul trait de la masculinité". Les acteurs politiques tels que Patrick Muyaya (actuel ministre de la communication et des médias) et la député nationale Solange Nyenyezi avaient également pris part à cette campagne.
Au cours du mois en cours, le ministère du genre, en collaboration avec le panel qui accompagne le mandat de la RDC à la tête de l'Union Africaine(Bureau Genre), prépare la Conférence sur la masculinité positive. Cette rencontre va se tenir le 25 novembre, en marge de la journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes.
Pour Gisèle Ndaya Luseba, ministre du genre, famille et enfant, "l’objectif de cette conférence est de mobiliser l’engagement des responsables politiques et l’action des dirigeants, afin d'accélérer la prévention et éradiquer les Violences Sexuelles et celles basées sur le Genre (VSBG) à tous les niveaux en Afrique".
Solution contre les masculinités toxiques
En termes de solutions, outre les campagnes, le guide élaboré par le Conseil oecuménique souligne dans sa conclusion que le caractère cosmopolite des grandes villes, l'influence des médias et des confessions religieuses, les réseaux sociaux, l'enseignement à distance, les Nou velles Technologies de l'Information et de la Communication... font évoluer les mentalités. "Il y a de plus en plus de femmes qui occupent de grandes responsabilités dans l'administration publique, dans les entreprises privées, dans certaines confessions religieuses et dans d'autres dimensions de la vie. Le masculin continue cependant à occuper une place centrale. Un nouveau projet d'évangélisation du Congo et de la sous-région devrait intégrer et proposer le leadership de Jésus comme modèle de gouvernance de la chose publique et des relations intersexuelles, pour pouvoir contrer le VIH, les féminités et masculinités toxiques, dans tous les milieux congolais, ad intra et ad extra".
Prisca Lokale