RDC-Ebola : « ces actes démontrent que la plupart des politiques de lutte contre l’EAS ne sont ni suivies ni appliquées », Anny Modi

Photo/ Droits tiers
Photo/ Droits tiers

75 victimes, 83 auteurs présumés, défaillances structurelles évidentes et une certaine impréparation à la gestion des risques d’incidents d’exploitation et abus sexuels (EAS), … le rapport d’enquêtes menées par la commission indépendante instituée par l’OMS au sujet des allégations portées contre des humanitaires lors de la riposte contre Ebola en RDC est accablant. Anny Modi, directrice de l'association Afia Mama réagit à ce sujet.

« Ces révélations constituent pour nous un soulagement. L’enquête vient confirmer nos doutes sur le comportement de certains acteurs de la riposte. Ces actes démontrent en fait que la plupart des politiques de lutte contre l’exploitation et abus sexuels (EAS) que possèdent les organismes ne sont ni suivies ni appliquées à la lettre. » déplore la directrice exécutive de Afia Mama.     

Le rapport mentionne que du point de vue social, la majorité des victimes présumées se trouvaient dans une situation économique et sociale très précaire pendant la riposte. Pour Anny Modi, la majorité de la population congolaise vit déjà sous le seuil de pauvreté. 

Cependant, « il très capital d’une part, lors les interventions humanitaires, de prendre en compte le contexte socio-politique. Il faudrait aussi favoriser une meilleure représentation féminine dans les effectifs des humanitaires déployés sur terrain. Cela permet d’équilibrer les actions de terrain (du fait que les femmes membres des équipes pourront s’assurer de la prise en compte de la sensibilité genre et les besoins sexospécifiques dans les interventions, la stratégie, les opérations), mais aussi de réduire la vulnérabilité et les risques que les filles soient exposées à des abus et exploitation sexuels. D’autres part, des organisations à base communautaire doivent accompagner de manière très significative et opérationnelle les actions sur leurs territoires de sorte qu’il y ait une certaine redevabilité entre les parties ». 

Obtenir justice et réparation pour les victimes

Parmi les auteurs présumés, il y a notamment des médecins, consultants et cadres supérieurs de l’OMS, certains nationaux et d’autres internationaux, des membres du personnel médical déployés par le ministère de la santé, des membres du personnel du service de vaccination et de communication des risques. En termes des mécanismes de sanctions, Anny Modi estime qu'au-delà des mesures disciplinaires internes telles que la suspension ou la perte d’emplois, il faudra que la justice s’en saisisse.

« De la part du gouvernement congolais, nous attendons qu’il se saisisse du dossier, il s’agit des citoyennes et citoyens congolais. Que les bourreaux soient congolais ou pas, ils doivent répondre de leurs actes devant la loi. Nous comptons sur le gouvernement pour qu’il fasse le suivi de manière à ce que si certains bourreaux ont déjà été évacués du pays, qu’ils soient extradés vers la RDC afin de répondre de leurs actes», conseille-t-elle.  

Une mobilisation des organisations pro-droits des femmes en vue

« Au niveau de Afia Mama, nous avons déjà commencé à faire des formations, des ateliers de sensibilisation sur les politiques de prévention des abus et exploitations sexuels. En ce moment, nous avons des équipes déployées au niveau de la province du Sud-Ubangi. Nous allons aussi effectuer le suivi pour que justice soit faite concernant ces cas, nous aurons certainement à nous associer à d’autres actions féminines pour mener des actions de plaidoyers, de revendication jusqu’à ce que justice soit faite pour les victimes », a-t-elle ajouté. 

Lancés en octobre 2020, les travaux de la Commission Indépendante d’enquêtes se sont clôturés au cours de ce mois de septembre 2021. Le rapport a été publié le 28 après une conférence de présentation officielle des résultats à Genève.

Prisca Lokale