RDC-Butembo : le succès du mécanisme de surveillance à base communautaire qui a permis aux communautés de remonter les cas de maladies et des décès communautaires

Atelier de leçons apprises sur la surveillance à base communautaire

Depuis avril 2021, l’organisation International Medical Corps (IMC) a mis en place un mécanisme de surveillance à base communautaire (SBC) qui aidait les communautés de Butembo (Nord-Kivu) à remonter des alertes liées aux maladies et des décès communautaires pour des interventions urgentes dans une zone à peine sortie de la douzième épidémie d’Ebola et qui vit sous la troisième vague de coronavirus. Ce mécanisme a fonctionné dans trois aires de santé de la zone de santé de Butembo, à savoir Matanda, Maman Musayi et Vutsundo. Au cours de l’atelier de leçons apprises tenu mardi 13 juillet dernier à Butembo, IMC a salué l’implication des communautés dans la surveillance des maladies et les a encouragées à s’approprier ce mécanisme pour épargner la région des surprises désastreuses connues pendant Ebola et Covid-19.

L’approche de surveillance à base communautaire n’est pas nouvelle. Mais son expérimentation dans les aires de santé de Matanda, Mama Musayi et Vutsundo a marqué l’assistance à l’atelier de leçons apprises. Durant les trois mois du projet, soit d’avril à juin 2021, les relais communautaires membres des Cellules d’animations communautaires (CAC) de Matanda, Mama Musayi et Vutsundo ont détecté, remonté et investigué des alertes des maladies, des décès communautaires et des rumeurs qui peuvent compromettre la riposte de  Covid-19 ou d’Ebola.

«C’est un projet qui consistait à organiser la surveillance dans les trois aires de santé. Il fallait accompagner les 54 cellules d’animation communautaire afin que les relais communautaires de ces cellules soient à mesure d’assurer la surveillance, c'est-à-dire la détection des alertes, la remontée des alertes ainsi que les investigations, pour qu’il y ait des décisions qui seront prises au niveau de la coordination de la riposte (contre Covid-19 et Ebola)», a expliqué à l’assistance, le docteur Emmanuel Mushagalusa, chef de projet  à IMC.

Pour y arriver, le délégué des CAC de l’aire de santé Matanda, les 204 relais communautaires des 17 CAC opérationnelles dans l’entité sanitaire ont effectué des visites régulières dans plus de 2 300 ménages.

«Chaque relais a un rayon à surveiller. Ce qui a permis la couverture de tous ces ménages», affirme-t-il.

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D’après le docteur Emmanuel Mushagalusa, dans ces ménages, il n’y avait pas que des alertes relatives au Covid-19 ou à Ebola qui étaient traitées. Les relais communautaires devaient également rapporter d’autres maladies rencontrées dans la communauté.

«Les relais communautaires alertent sur des malades rencontrés au sein des ménages, les décès communautaires et les rumeurs, et à partir de ça on organise des investigations, des alertes sont validées, et on voit s’il faut référer les malades au centre de santé pour une meilleure prise en charge ou d’autres investigations plus approfondies», explique docteur Emmanuel Mushagalusa.

«Ce mécanisme a été activé après la fin de la douzième épidémie d’Ebola. Il faudrait qu’il y ait une surveillance, pour qu’on se rassure qu’il n’y a plus d’autres cas dans la communauté de Butembo», ajoute-t-il.

Une implication communautaire

Parmi les succès de l’approche, IMC et les infirmiers titulaires présents à l’atelier ont noté l’implication des communautés. 

Kamathe Makofi, Infirmier titulaire de l’aire de santé Vutsundo témoigne avoir vu pendant les trois mois du projet, le nombre d’alertes augmenter.

«Ce qui est vrai, il y a eu augmentation du nombre d’alertes. En dépit d’une mauvaise notification ou de quelques problèmes  de méthodologie, l’augmentation des cas d’alertes peut aussi traduire une surveillance accrue des malades qui jadis se cachaient dans la communauté pendant Ebola», fait-il remarquer.

Une satisfaction partagée également par IMC

«Le grand succès à retenir, c’est d’abord cette implication communautaire et l’appropriation de cette activité (de surveillance) par la communauté. Nous n’avons pas eu beaucoup de cas de résistance communautaire. C’est un succès très soulageant. Nous sommes en train de travailler sur les leçons apprises, pour que ça nous oriente pour des futures actions», se félicite le docteur Emmanuel Mushagalusa.

La motivation des relais, le prochain challenge

Malgré ce résultat, la motivation des relais communautaires demeure le challenge pour la réussite de ce mécanisme de surveillance à base communautaire.  Nombreux qui ont travaillé dans ce projet sont ceux qui ont servi dans la même tâche lors de la riposte contre la dixième épidémie d’Ebola qui a été bien financée par les bailleurs. Ils recevaient jusqu’à 10 dollars comme prime journalière.

Avec le projet de IMC qui insistait sur la nécessité pour les communautés de s’approprier le mécanisme de surveillance, certains relais communautaires ne se sont pas bien engagés dans cette surveillance basée aussi sur le bénévolat.

«Dans mon aire de santé de Vutsundo, on a mobilisé environ 400 relais, mais seuls environ 150 étaient dynamiques. Nombreux disaient être occupés par la recherche de survie. Ce qui handicapait la surveillance à certains endroits. On a compris que certains n’étaient pas dynamiques parce qu’ils n’étaient pas primés comme pendant Ebola», regrette Kamathe Makofi.

Certaines CAC ont pu motiver leurs relais communautaires grâce aux dividendes issus des activités génératrices des revenus (AGR) qu’elles ont initiées avec l’appui des partenaires. Ce qui n’était pas suffisant, surtout que pour nombreuses CAC, des AGRs n’ont pas tenu suite à la mauvaise gestion par des animateurs des certains, le mauvais choix des AGRs par des CAC ou l’absence de l’étude préalable du marché.

Le médecin chef de zone de santé de Butembo qui a pris part à l’atelier a conseillé les infirmiers titulaires à réactiver les réseaux des relais communautaires traditionnels, ces animateurs communautaires qui ont aidé depuis longtemps dans la mobilisation des communautés lors des campagnes de vaccination dans plusieurs quartiers de la ville. «Ces relais traditionnels savent que c’est ça leur travail. Ils sont toujours dynamiques et prêts à servir, pendant pendant Covid-19 ou Ebola. Nous devons réactiver ces noyaux des relais communautaires traditionnels», a demandé le docteur Paluku Pablo, médecin chef de zone de santé de Butembo.

Claude Sengenya