RDC : l'Actualité de la semaine avec Annie Bambe

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La semaine qui s'achève a été très riche en événements. Tournée du Chef de l'État à l'Est, vote contre la levée de l'immunité de Matata Ponyo, réduction de la peine de prison pour Vital Kamerhe, lancement de la campagne Tolérance zéro immédiate,... ce 20 juin, Annie Bambe, coordonnatrice de la coalition Beijing +25 et du Forum pour les droits des enfant est l'invitée du week-end du DeskFemme.

Bonjour Madame Annie Bambe et merci d’avoir accepté de nous accorder de votre temps. La semaine qui s’achève a été marquée par la tournée du Chef de l’Etat dans la Region Est de la RDC, notamment à Goma, Beni, Butembo, Bunia et l'Ituri qui font face à un contexte d’insécurité constant. Après avoir recueillis les attentes de la population, que devrait-il faire concrètement ? 

Annie Bambe : Bonjour Desk Femme. Le Chef de l'État a certainement fait une tournée dans cette partie du pays, en proie aux conflits armés depuis plus de deux décennies. Après l'éruption volcanique, il était aussi important pour le Chef de l'État de s'y rendre pour consoler les familles de Nyiragongo et des environs. Je présume aussi que le Chef de l'État a prêté une oreille attentive aux doléances, aux préoccupations cachées des populations et des représentants de ces territoires. Il n'aura plus droit à l'erreur. Dorénavant, les stratégies qui vont être montées, les réponses seront à la hauteur des attentes de Béni, Butembo, Bunia, Goma et de l'Ituri. l'État de siège a été décrété et les autorités militaires et policières doivent s'activer pour apporter des solutions réelles aux populations.

Des élèves à Beni ont fait savoir au Chef de l'État leurs inquiétudes au sujet de la sécurité dans leurs territoires. Notamment ceux qui ont été victimes des fortes répressions lors des marches et sit-in devant la mairie. Que faire pour garantir aux élèves une éducation de qualité dans ces territoires en proie aux conflits armés ? 

Annie Bambe : les élèves de Beni ont exprimé toute leur amertume au Chef de l'État jusqu'à toucher sa sensibilité. Nous l'avions dénoncé en avril dernier. Il est regrettable que les forces de l'ordre s'en soient pris aux élèves, usant de violence et de tortures jusqu'à les incarcérer. Ce sont des pratiques qui ne devrait pas être citées dans un État dit "de droit". Il est temps que la police soit formée au respect des droits de l'Homme. C'est anormal pour un pays qui a souscrit aux instruments juridiques contre la torture de s'adonner à de telles pratiques. Il est temps que cela s'arrête et surtout quand c'est dirigé vers les enfants. Les élèves ont donné leurs attentes, il sera aussi important de leur assurer un milieu favorable à une éducation de qualité. Il s'agit notamment de payer les enseignants, améliorer les infrastructures scolaires. Aussi, l'État de siège est l'une des décisions vers le rétablissement total de la paix dans cette région, un élément de base pour assurer une éducation de qualité. 

Au cours de la semaine, 49 Sénateurs contre 46 ont voté contre la levée des immunités de Matata Ponyo dans le dossier Bukanga Lonzo. Comment avez-vous accueilli cette décision de la chambre haute du parlement ? 

Annie Bambe : la population a eu écho de plus de 300.000.000 de dollars qui ont été détournés dans ce projet. Il est donc important pour nous de savoir où sont allés ces fonds. Monsieur Matata Ponyo était à ce moment là le premier ministre, il est la personne la mieux indiquée pour apporter des renseignements sur la destination réelles de ces fonds. Il se pourrait que certains sénateurs n'aient pas encore compris cela. Nous espérons que dans les jours à venir, ils auront cette compréhension et reviendront sur leur décision. Si le procureur général ne trouve pas des faits incriminant l'ancien premier ministre, il va donc abandonner les poursuites à son égard. Je recommande en même temps au sénateur Matata Ponyo, pour sa crédibilité, de se mettre à la disposition de la justice pour que lumière soit faite sur ce dossier. Quand on est innocent, il n' y a pas de raison d'avoir peur de la justice. J'espère vivement que le Sénat va faciliter la tâche à la justice. 

Pendant ce temps-là, Matata Ponyo continue à clamer son innocence. Faudrait-il encore croire à un procès digne ?

Annie Bambe : l'innocence se clame devant la justice, devant les Cours et Tribunaux. Il appartient aux juges d'établir l'innocence de Matata Ponyo. Nous pouvons croire à un procès digne s'il accepte de se mettre à la disposition de la justice.

En justice également, la peine de prison de Vital Kamerhe a été réduite à 13 ans sur les 20 ans du premier jugement. Les militants de l'UNC sont également mobilisés pour des actions de grandes envergures. Faudrait-il espérer sa libération avant les élections de 2023 ? 

Annie Bambe : c'est une bonne chose pour le juge d'appel, d'avoir vu les choses avec humanisme. Il est passé de 20 à 13 ans de prison. Toutes les voies de recours ne sont pas épuisées, Monsieur Vital Kamerhe peut toujours les saisir. C'est à la justice de décider s'il faudra réduire à nouveau sa peine ou le relâcher. Les militants de l'UNC sont dans leurs droits de se mobiliser pour des actions. C'est aussi cela la démocratie. Mais, je m'interroge aussi " Vital Kamerhe a été condamné à la prison en tant que Président de l'UNC ou entant que Directeur de cabinet du Chef de l'État ?" Ce serait pourtant une bonne chose de le voir être libéré avant les élections de 2023. Mais il appartient aux juges de cassation de décider à ce sujet.

Au sujet des élections, lors de sa visite à Kinshasa, la secrétaire d'État adjointe par intérim des États-Unis, chargée du Bureau de la démocratie, des droits humains et du travail, Lisa Peterson, a souhaité, au cours d’une conférence de presse jeudi 17 juin, que les échéances prévues en 2023 en RDC soient réellement “crédibles” et “équitables”. À presque une année et quelques mois, le recensement de la population, les réformes électorales n'ont pas encore été entamées. Dès élections crédibles dans ces conditions peuvent-elles être possibles selon vous ?

Annie Bambe : nous pouvons bien-sûr avoir des élections crédibles en 2023. Les réformes électorales devraient aller un peu plus vite pour permettre à ce que le renouvellement de la CENI soit effectif, que la loi électorale soit prête avec toutes les lois connexes à l'organisation des élections. Il faudra aussi que la RDC ait une administration électorale permanente (pour se passer des recrutements à chaque cycle électoral), une structure d'appui à la démocratie chargée de mener le suivi et monitoring des élections 

Le 15 juin, le monde a célébré la Journée Mondiale  de lutte contre la faim. En RDC, l'insécurité alimentaire a atteint le plus haut niveau jamais enregistré. La récente enquête de l'IPC a montré que 27,3 millions de personnes sont confrontées à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë - contre 19,6 millions à la fin de l'année dernière. Il s'agit du chiffre le plus élevé jamais enregistré par l'IPC dans le monde. Quels sont selon vous, les canaux qui aideront la RDC à sortir de cette réalité ?  

Annie Bambe : il est vraiment important pour la RDC de se doter d'une politique de sécurité alimentaire appropriée et que cette politique soit mise en œuvre. Il anormal qu'un nombre aussi important de personnes soit exposé à l'insécurité alimentaire et il nous faut une politique agricole pour mobiliser les moyens contre ce fléau. Le ministère de l'agriculture devrait être élevé au rang de ministère de souveraineté nationale, de  sorte que toutes les actions soient menées en priorité vers ce secteur. Il faudra également songer à mettre en place des banques agricoles pour financer l'œuvre des agriculteurs. La RDC pourra ainsi produire et commercialiser ses propres produits.

En sport, les Léopards dames de la République Démocratique du Congo (RDC) ont été battues (20-29) le même mardi 15 juin par leurs homologues angolaises, championnes en titre. C’était pour le compte des quarts de finale de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) à Yaoundé au Cameroun. Entre temps, il se pose un problème d’encadrement et de financement des équipes féminines opérant dans le secteur des sports. Pour ce nouveau gouvernement, quels pourrait être vos recommandations ? 

Annie Bambe : nos léopards dames de handball ont fourni tous les efforts possibles mais elles ont été battues par l'Angola. Le sport féminin n'est pas très considéré en RDC. Le gouvernement congolais, les sponsors, les mécènes devraient se retourner vers nos équipes féminines de tous les disciplines sportives. 

Après plus de 10 ans d’attente, la campagne Tolérance Zéro contre les crimes des violences sexuelles et celles basées sur le genre va officiellement être lancée ce 19 juin par le Chef de l’Etat. Quelles sont vos attentes par rapport à cette campagne et quels sont les préalables pour une campagne efficace selon vous ?

Annie Bambe : cela coïncide avec la journée internationale de l'élimination des violences sexuelles en temps de conflits. La campagne Tolérance zéro immédiate de lutte contre les VSBG et de lutte contre l'impunité est une recommandation de Kampala. Il faudra qu'au cours de cette campagne et pour toujours, pendant les périodes de conflits ou non, que tous les auteurs des violences sexuelles et basées sur le genre répondent de leurs actes devant la justice. Au delà des procès équitables, il faut que les victimes obtiennent réparation. L' État congolais devra alimenter pour cela le Fonds de réparation. Mobiliser des ressources au niveau de la justice pour qu'elle arrive à indemniser les personnes. Que tous les ministères impliqués notamment le ministère de l' intérieur (à travers les agents de l'ordre) soient outillés et dotés des ressources pour permettre à la RDC d'atteindre les résultats escomptés sur la campagne Tolérance zéro immédiate. 

Au niveau de la Coalition Beijing +25 et FODJEC, comment comptez-vous participer à cette campagne ?

Annie Bambe : nous contribuons déjà à la mise en œuvre de la campagne Tolérance zéro immédiate parce que nous avions mené des plaidoyers pour qu'elle soit effectivement lancée. Nous n'allons pas baisser les bras. Nous allons suivre la mise en oeuvre des engagements pris par l'Etat congolais à travers le plan d'actions de la campagne. Cela coïncide en même temps avec la Campagne Je m'engage, dans le cadre du Forum Génération Égalité qui va être organisé à Paris du 30 juin au 02 juillet 2021. La société civile des États d'Afrique Francophone, notamment la RDC avec le Fonds francophone XOESE et le Fonds pour la Femme congolaise (FFC), se mobilise pour porter la voix au Forum Génération Égalité qui est un rassemblement mondial initié par ONU Femmes et co-présidé par la France et le Mexique. Il y aura une nouvelle feuille de route qui sera lancée pour les 5 prochaines années (2021-2026). 

Un dernier mot ?

Annie Bambe : Je vous remercie et j'invite les organisations de la Société civile congolaise, les membres du gouvernement, autorités locales, les entreprises et toutes les autres couches sociales à s'enregistrer au prochain Forum Génération Égalité sur le site du Forum à travers la rubrique (Register).

Propos recueillis par Prisca Lokale