Ce qu'il faut savoir sur l'état de siège proclamé dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri

Monument des Martyrs à Bunia/Ph ACTUALITE.CD

Le Président de la République, Félix Tshisekedi a confirmé ce lundi 3 mai la mesure d’état de siège dans deux provinces du Nord Kivu et de l’Ituri frappées par la violence des groupes armés et des massacres de civils. Plus de 122 groupes armés y sévissent, selon certains experts. Cette mesure a été adoptée vendredi dernier lors de la 1ère Réunion du Conseil des Ministres sous le Gouvernement Sama. Les Adf, à l’origine des rebelles musulmans ougandais, sont de loin les plus meurtriers : ils sont accusés du massacre de plus de 1000 civils depuis novembre 2020 dans le territoire de Beni. La mort de Sheikh Ali Amini ce 1er mai 2020 en pleine ville de Beni et en pleine Mosquée Al Jammiya de Mupanda, au Quartier Kasabinyole dans la commune de Ruwenzori, est une illustration de cette insécurité qui règne dans cette partie du pays.

Que dit la Constitution congolaise sur la forme de la déclaration de cet état de siège (1) ? Quid des droits et libertés des citoyens dans ces contrées sous état de siège (2) ?

1. S’agissant de la forme de la déclaration de l’état de siège

Certes, il ressort de l’article 119, point 2 de la Constitution que le Congrès examine l’autorisation de la proclamation d’état d’urgence ou de l’état de siège conformément aux articles 85 et 86 de la présente constitution. Cependant, l’article 85 donne au président de la République le pouvoir de proclamer l’état d’urgence ou l’état de siège après concertation avec le Premier ministre et les Présidents de deux chambres conformément aux articles 144 et 145 de la Constitution lorsque les circonstances graves menacent d’une manière immédiate l’indépendance et l’intégrité du territoire national et qu’elles provoquent l’interruption du fonctionnement régulier des institutions.

Le Constituant n’a pas déterminé la forme de ces circonstances lesquelles relèvent de la souveraine appréciation du Président de la République qui peut opter pour la proclamation de l’état d’urgence ou de l’état de siège après concertation avec le Premier ministre et les Présidents de deux chambres du Parlement ou soit il peut, le cas échéant et selon les circonstances, saisir le Congrès en application de l’article 119, point 2 de la Constitution.

2. Effets sur le quotidien de la population et les autres droits et libertés reconnus

Si l’état d’urgence que nous avons connu il y a peu est une mesure d’exception prévoyant un renforcement des pouvoirs des forces de l’ordre et conférant aux autorités civiles (et non militaires) des pouvoirs exceptionnels, l’état de siège lui est un régime de légalité spécial à des circonstances de crise et destiné à permettre, par la diminution des libertés publiques et l’extension des pouvoirs de police, de surmonter les difficultés inhérentes à une guerre étrangère ou à une insurrection armée.

L’état de siège, même lorsqu’il a pour origine un péril imminent résultant d’une guerre étrangère, ne doit pas être confondu avec l’état de guerre. Un Etat peut être en état de siège sans être en état de guerre et inversement. Toutefois, les conditions de la guerre moderne sont telles que lorsqu’elle survient, l’ensemble du territoire est généralement placé à la fois sous le régime de l’état de siège et de l’état de guerre.

Les effets de l’état de siège impliquent un transfert d’autorité et est caractérisé par l'accroissement du contenu des pouvoirs ordinaires de police, par la possibilité d'un dessaisissement des autorités civiles par les autorités militaires et par l'élargissement de la compétence des tribunaux militaires. Concrètement la direction supérieure et la responsabilité de la défense intérieure sont transférées à l’autorité militaire. Les pouvoirs dont l’autorité civile est revêtue pour le maintien de l’ordre public et de la police passent entièrement à l’autorité militaire. Les autorités civiles continuent cependant à exercer les pouvoirs dont l’autorité militaire ne les dessaisit pas, et, en pratique, les autorités militaires répugnent souvent à se substituer aux autorités civiles et préfèrent collaborer avec elles au maintien de l’ordre public.

L’état de siège est donc un régime restrictif des libertés publiques pouvant être appliqué sur tout ou partie du territoire. La suspension ou la restriction des libertés publiques peut concerner : la liberté individuelle (circulation, manifestation) ; les droits des étrangers ; le droit de propriété ; la liberté de réunion ; le droit de grève ; la liberté d’aller et venir ; l’inviolabilité des domiciles et les perquisitions ; le droit de propriété ; la liberté du commerce et de l’industrie, la liberté d’expression et de communication, la mobilisation nationale, le remplacement des tribunaux civils par les tribunaux militaires ; surveillance accrue de la population...

L’ordonnance du Chef de l’Etat a détaillé les modalités d’application de cet état de siège.

Professeur Dr Eddy Mwanzo idin’Aminye