Il a été constaté que plusieurs notions de procédure pénale sont généralement utilisées en dehors de leur sens originel. Cet usage abusif est à la base de plusieurs confusions. Les journalistes n’en sont pas épargnés. C’est ainsi que nous allons ici revenir sur les explications de certaines notions de procédure pénale les plus usitées.
Mandat d’arrêt provisoire :
Le mandat d’arrêt provisoire est organisé par l’article 28 du Code de procédure pénale. Il est décerné par l’officier du ministère public contre la personne qui a commis l’infraction lorsqu’il y a soit des indices sérieux de culpabilité, crainte de fuite ou encore identité douteuse. Précisons que la condition sur l’existence d’indices sérieux de culpabilité peut à elle seule conduire à un mandat d’arrêt provisoire, sans qu’il soit nécessaire de tenir compte des autres. Mais il doit s’agir d’une infraction punissable d’au moins 6 mois de servitude pénale. Cependant, lorsqu’il s’agit d’une infraction dont la peine est en deçà de 6 mois de servitude pénale mais supérieure à 7 jours, il faut en plus de cette condition qu’il y ait soit crainte de fuite soit l’identité douteuse.
Le mandat d’arrêt provisoire a une validité de cinq jours, qui sont augmentés du temps strictement nécessaire pour effectuer le voyage et ne peut être décerné qu’après avoir préalablement interrogé l’inculpé. A cet effet, le magistrat du parquet est tenu, à l’expiration de ce délai, de conduire l’inculpé devant le juge compétent pour statuer sur la détention préventive, car c’est le juge qui est le garant des libertés individuelles (Pour plus des détails, lire José-Marie TASOKI MANZELE, Procédure pénale congolaise, Paris, Harmattan, 2016, pp. 183-184).
Mandat d’amener :
Le mandat d’amener est organisé par l’article 15 du Code de procédure pénale et est également l’œuvre de l’officier du ministère public. Ce mandat est généralement décerné lorsque l’auteur présumé de l’infraction n’a pas répondu au mandat de comparution (qui n’est qu’une invitation). Cependant, il peut également être décerné indépendamment d’un mandat de comparution, lorsque l'auteur présumé d'une infraction n'est pas présent, ou lorsqu’il existe contre lui des indices graves de culpabilité et que l'infraction est punissable de deux mois de servitude pénale au moins. Il est valable pour trois mois et est renouvelable. La personne qui est l'objet d'un mandat d'amener doit être conduite, dans le plus bref délai, devant l'officier du ministère public qui a décerné le mandat. Le mandat d’amener n’est pas une mesure de détention avant jugement. C’est juste une mesure de contrainte qui permet la comparution de l’auteur présumé de l’infraction devant l’officier du ministère public.
Avis de recherche :
L’avis de recherche est une mesure qui permet, notamment à l’officier du ministère public, de rechercher l’auteur présumé d’une infraction (et même un condamné) qui s’est volatilisé dans la nature. Cet avis de recherche est toujours accompagné d’un mandat d’amener de manière à permettre sa comparution devant l’officier du ministère public, et même son arrestation selon le cas. Il doit être rendu public pour permettre à tout celui qui dispose des informations sur le lieu où se trouverait la personne recherchée de les donner soit à l’officier du ministère public, soit aux agents de l’ordre chargé de son exécution.
Garde à vue :
La garde à vue est l’une des variantes de la détention avant jugement. Elle est donc une mesure restrictive de liberté opérée par l’officier de police judiciaire. Elle est organisée par l’article 72 de l’ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions d’officiers et agents de police judiciaire près les juridictions de droit commun et ne peut dépasser quarante-huit heures (et non deux jours). Les conditions pour garder à vue sont les mêmes que celles exigées pour le mandat d’arrêt provisoire.
La garde à vue doit être constatée par un procès-verbal qui indique l’heure du début et de la fin ainsi que les circonstances qui l’ont justifiée. A l’expiration du délai de quarante-huit heures (et non deux jours), l’officier de police judiciaire est tenu soit de libérer le suspect, soit de le conduire devant l’officier du ministère public (Pour plus des détails, lire José-Marie TASOKI MANZELE, Procédure pénale congolaise, Paris, Harmattan, 2016, pp. 181-183).
Résidence surveillée :
La résidence surveillée est une détention préventive des bénéficiaires du privilège de juridiction. En effet, lorsque les personnes qui, au regard de leurs statut et fonction, bénéficient du privilège de juridiction, leur détention préventive est remplacée par l’assignation à résidence surveillée. Celle-ci est différente du placement dans une maison d’arrêt, si bien que la transformation de l’assignation à résidence surveillée en placement dans une maison d’arrêt peut s’apparenter à une détention illégale (Pour plus des détails, lire José-Marie TASOKI MANZELE, Procédure pénale congolaise, Paris, Harmattan, 2016, p. 188).
L’assignation à résidence surveillée est donc une mesure restrictive de liberté qui ne peut être prononcée que par le juge. Pour les justiciables de la Cour de cassation, ceux visés à l’article 153 de la Constitution, cette mesure est prise par le juge de la Cour de cassation lorsque les conditions exigées pour le mandat d’arrêt provisoire sont réunies. Pour ceux de la Cour constitutionnelle, c’est-à-dire le Président de la République et le Premier ministre, c’est le juge de la Cour constitutionnelle qui statue.
Malheureusement, la loi est restée muette sur les justiciables de la Cour d’Appel. Ce qui revient à dire que leur détention préventive n’est pas remplacée par l’assignation à résidence surveillée. Elle obéit aux règles ordinaires de procédure pénale.
Citation directe :
La citation directe est un mode de saisine d’un tribunal. Elle est l’œuvre du greffier ou d’huissier mais à la requête de la partie lésée (victime de l’infraction) conformément à l’article 54 du Code de procédure pénale. Elle permet à la victime de l’infraction de porter directement son affaire devant le juge qui est appelé à examiner le bien-fondé de ses prétentions. La citation directe doit être formulée à l’encontre d’une personne dont on connaît l’identité, en ce compris l’adresse, car il n’existe pas de citation directe contre inconnu comme il existe une plainte contre inconnu (Pour plus des détails, lire José-Marie TASOKI MANZELE, Procédure pénale congolaise, Paris, Harmattan, 2016, p. 255).
Bien que la citation directe soit faite à la requête de la victime, l’action publique demeure l’œuvre de l’officier du Ministère public qui est obligé d’exercer l’action pénale. Car, la citation directe a pour objet la réparation des préjudices que la victime a subis à la suite de la commission de l’infraction. La victime, qui se constitue partie civile à l’occasion de cette citation, a donc la charge de démonter l’existence de la faute commise par le prévenu, le dommage qu’il subi et le lien causal entre la faute et le dommage. A défaut de démontrer la pertinence de son action civile, la victime risque d’être condamnée à des dommages-intérêts pour procès téméraire et vexatoire sur base des articles 258 et 259 du Code civil Livre III. Il appartient donc à la partie « prévenu » d’en faire la demande, au moyen d’une action reconventionnelle.
Citation à prévenu :
Tout comme la citation directe, la citation à prévenu est également un mode de saisine du tribunal. Elle est aussi l’œuvre du greffier ou d’huissier mais à la seule différence qu’elle est faite à la requête du Ministère public. Cela suppose que l’affaire a connu une instruction au parquet et que l’officier du Ministère public est convaincu de l’existence d’une infraction. Cette citation est exigée par la loi dans certaines hypothèses notamment lorsque les poursuites sont intentées contre un privilège de juridiction, lorsque les poursuites sont subordonnées par une plainte préalable de la victime (en matière d’adultère, grivèlerie, infractions commises à l’étranger, infractions aux droits d’auteurs, outrages aux membres de l’assemblée nationale, du gouvernement et des dépositaires de l’autorité ou de la force publiques) [Pour plus des détails, lire José-Marie TASOKI MANZELE, Procédure pénale congolaise, Paris, Harmattan, 2016, p. 254].
Maître Espoir MASAMANKI IZIRI
Chef de Travaux (Faculté de Droit/Université de Kinshasa)
Doctorant en droit