Récit : témoignage de Hergil Ilunga wa Ilunga, membre du commando qui a exécuté Floribert Chebeya et fidèle Bazana

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Thierry Michel, le cinéaste auteur du film « L’affaire Chebeya, un crime d’Etat » a réalisé deux longues interviews détaillée de deux policiers fugitifs qui reconnaissent avoir participé au crime et en donnent les détails. Ils expliquent aussi comment la général Numbi a exfiltré de Kinshasa, et pour certains de RDC, les principaux acteurs de ces crimes afin de les soustraire à la justice.

ACTUALITE.CD a visionné les deux vidéos et vous propose ce texte.

Témoignage

Je me présente, je suis l'adjudant Hergil Ilunga wa Ilunga. Je suis un élément du bataillon Simba. Je travaillais comme chauffeur du Colonel Mukalay en tant que commandant de la sécurité.

Le 1er juin, on m'a dit qu' il y a une mission qu'on doit effectuer aujourd'hui. On m'a dit de venir à l'inspection générale de la police. Nous étions là. Nous étions au nombre de sept.

Le major kenga Kenga, Bruno Soti, Jacques Mugabo, Doudou Ilunga, Saddam et Alain Longwa Kayeye. Nous étions au nombre de sept.

Christian Ngoy Kenga Kenga. Il était le commandant  du bataillon Simba. Nous nous sommes des éléments du bataillon Simba. Ils nous a dit "il y a une mission qu'on doit effectuer ici." C'est un ordre de la hiérarchie. A l'époque, la hiérarchie c'était qui ? C'était le général John Numbi. Et à part le général John Numbi,c'était le président de le République

Vers 17h, disons 16h50, on a vu un véhicule Mazda, de couleur grise, si je ne me trompe pas. Parce qu'il y a longtemps. Il y avait deux visiteurs. Il y avait le chauffeur et le patron. On ne connaissait même pas Chebeya. Dès le départ, il nous disaient que ce monsieur, il a un problèmes avec le général et le président de la République. Comme s'il y avait des ordres donnés par les généraux.

Vers 19h, 18h50 et quelques minutes, le major Christian est sorti du bureau. Il a appelé Jacques Mugabo. On m'a dit de démarrer le véhicule. J'ai mis le véhicule en marche. Et on a commencé avec Bazana. Toujours dans l'inspection générale de la police.

On a pris le mec en question et on l'a mis dans le véhicule, là. On l'a menotté, On lui a mis vraiment le sachet, on lui a mis le sachet. On a commencé à le scotcher. On a commencé à le tuer, à l'étouffer toujours dans mon véhicule. Je voyais.

Lorsqu'on a terminé Bazana dans mon véhicule, on a amené Chebeya dans son véhicule. On lui a mis les menottes. Moi je suis resté avec le corps de Bazana dans mon véhicule. Avec Saddam. Jacques Mugabo il est parti de l'autre coté pour aller aussi exterminer, étouffer, éliminer Chebeya

Chebeya à été étouffé à quel endroit et à quel moment?

Toujours dans l'inspection générale de la police. Dans la Jeep de la police canine.

A cette époque, qui était l'inspecteur général de la police congolaise ?

C'était le général John Numbi.

CAMOUFLAGE DU DOUBLE MEUTRE

On a appelé Alain Longwa Kayeye. On lui a donné 20 dollars pour aller acheter du carburant. On est partis vers Mitendi

Alors comment cela s’est passés ?

On est parti dans la concession du colonet Djajija.  A l'époque il était colonel. On est partis là. On a trouvé un militaire des forces armées. Il avait déjà préparé une tombe là. Il avait déjà creusé une tombe là.

On est venus là, toujours avec Christian Ngoy Kenga Kenga. Toute l'équipe. Toute l'équipe en marche. On a déposé Bazana. Après on a fait descendre le corps de Chebeya pour mettre dans sa voiture, Alain Kayeye conduisait. On a mis le corps dans la voiture. Nous sommes partis maintenant pour aller abandonner ça tout près du cimetière de Mbenseke. Jacques avait acheté des préservatifs Prudence et du Viagra.Pour faire comme s’ il était avec une femme. Dans son véhicule, comme s'il avait fait l'amour.

Vous avez voulu faire croire que c’était un crime sexuel ?

Oui, comme s'il était avec une femme. Après on a abandonné le véhicule là, Alain  a abandonné ce véhicule là et après on est partis directement chez le colonel Mukalay pour aller déposer la Jeep 

que je conduisais.

Après on a terminé vers 22h ou 23h. On est partis chez Kenga Kenga

o√π on a passé une nuit. Le matin, je suis rentré à la maison. On nous a appelés pour qu'on revienne. On est partis de chez Kenga Kenga et après on nous a amenés chez le général Général John Numbi.

EXFILTRATION DES AUTEURS DU CRIME

Le 3 ou le 4 juin, le général a appelé son chauffeur, il nous a amenés à l'aéroport avec sa Jeep d'escorte du général John Numbi.

Il nous a amenés à l'aéroport où on a trouvé un cargot Transair. C'était au moins 2h du matin. On est arrivés à Lubumbashi, on nous a pris au pied de l'avion. On a retrouvé les officiers qui travaillent chez le général.On nous a arraché les téléphones. On nous a tous arraché les téléphones pour qu'on ne puisse pas avoir de contact avec nos amis de Kinshasa. Lorsqu'on est arrivés à Lubumbashi, nous étions partis tous avec  Christian Ngoy à la ferme du général John Numbi.

C'est là où nous étions, nous tous,  4 personnes. Christian Ngoy Kenga Kenga, Jacques Mugabo, Hergil Ilunga et Saddam.

On a passé tout ce temps-là, dans sa ferme. Ici plus ou moins six mois.

Oui, presque six mois. Nous étions toujours à la ferme.

Nous étions toujours des otages, contrôlés, surveillés.

LES AUTEURS DU DOUBLE MEURTRE SONT SOUSTRAITS À LA JUSTICE PENDANT 10 ANS

On a appelé le colonel Félicien, de la police des mines.

On lui a donné l'ordre de nous emmener à la police des mines

toujours dans la brousse, là où il ne passe même pas de véhicules.

Nous étions dispersés partout, pendant presque 10 ans, impayés

Vous n’étiez pas payé ?

Rien, rien, même pas un franc.

Vous avez vécu de l’aide des mineurs

Oui, nous vivions toujours dans la mine, dans les carrières. C'est comme ça que nous survivions. Nous étions toujours contrôlés, surveillés partout là où nous étions.

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Le général a dit qu'il fallait qu'on se retrouve tous à la ferme. Moi j'ai refusé, je m'y suis opposé. J'ai dit que je ne voulais pas retourner à la ferme maintenant.

Le général Numbi ?

Oui, le général John Numbi, oui. Il nous a appelés nous tous. Le général nous a appelé mais je lui ai  dit que je ne voulais pas y aller.

Moi je veux alerter  la communauté internationale. Je suis fatigué.

A la ferme, il y a des militaires qui travaillent avec eux, ses gardes du corps.  Il y a tout une équipe qui travaille chez lui. Ils sont là.

Parmi ces gardes du corps, il y avait  quelqu'un qui nous a prévenus:

" Non, ne venez pas ici. Comme vous êtes impliqués  dans l'affaire Chebeya, on va vous tuer. Je leur ai dit que moi je suis fatigué.

J'ai fui. Lorsque j'ai fui, je suis parti. Non. Ce jour-là où il nous a appelés, c'est  là que nous avons refusé.

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