Fin décembre 2020, le Groupe d’experts des Nations Unies sur la République Démocratique du Congo (RDC) a publié son rapport à mi-parcours sur l’évolution de la situation sécuritaire en RDC. Dans ce document d’environ 200 pages, y compris des éléments de preuve, le Groupe décrit l’évolution des conflits essentiellement au Nord et Sud-Kivu ainsi qu’en Ituri, dans l’Est de la RDC. C’est sa description des faits dans l’Ituri qui fait réagir le professeur Chober Agenonga, enseignant à l'Université de Kisangani et expert en sécurité et sociologie militaire. Dans un entretien avec ACTUALITE.CD, ce spécialiste en politologie des groupes armés évoque cinq raisons qui le poussent à qualifier la description faite sur les pages entre 14 et 18 du rapport d’un travail «très évasif et partiel».
- Ce rapport est basé sur des témoignages, des archives, sans recourir à la technique d'observation directe désengagée grâce à laquelle ils devraient obtenir les données empiriques fiables dans les entités touchées par les affres de ces violences où des maisons entières sont parties en fumée, des centres et villages sont vidés de leurs habitants, des civils massacrés, leurs biens pillés, des enfants enrôlés au sein des milices et utilisés comme boucliers humains, des femmes violées et même réduites en esclaves sexuelles ;
- Ce rapport a complètement ignoré l'activisme des milices armées qui sèment terreur et désolation dans le territoire de Mambasa dont certaines sont impliquées dans l'exploitation illégale des minerais et le braconnage armé. De plus, aucune mention n'a été faite des incursions récurrentes des forces ougandaises et sud-soudanaises dans les territoires d'Aru et Mahagi. Dans la chefferie Kakwa par exemple à Aru, les incursions des hommes armés venant du Soudan du Sud ont entraîné des effets corrosifs sur le plan sécuritaire ;
- Dans ce rapport, il n'y a aucune cartographie des milices armées qui opèrent à Djugu, leurs motivations, leurs alliance/antagonisme ainsi que les liens avec la secte CODECO, ce qui permettrait aux Nations Unies et au gouvernement congolais d'envisager des solutions efficaces et durables, notamment à travers le processus DDR-RRC qui sera enclenché dans les jours qui viennent ;
- Dans le territoire d'Irumu, la problématique sécuritaire a beaucoup été abordée sous le prisme des tensions intercommunautaires liées à la présence des migrants Banyabwisha et Bakonzo à telle enseigne que le FADC, une coalition formée par le FPIC et le Bon temple de Tuwo qui a mis à feu et à sang le territoire d'Irumu a même échappé au contrôle de ces experts ;
- Ce groupe d’experts n’a pas clarifié les sources de ravitaillement internes et externes des milices actives en Ituri en armes, munitions, moyens de communication et uniformes des FARDC, ce qui permettrait aux Nations Unies d'imposer des sanctions ciblées contre les personnes qui y sont impliquées et de démanteler le réseau ramifié derrière ces milices.
Eu égard à ce qui précède, il serait de notoriété publique que ce qui paraît encore comme un draft de rapport soit étoffé avec des éléments empiriques et que la méthodologie soit améliorée. Il en va à la fois de l'honneur de ces chercheurs qui ont l'obligation de fournir une prestation satisfaisante en échange de leurs honoraires, mais aussi de l'intérêt des Nations dont l'objectif ultra-prioritaire demeure la paix et la sécurité internationales par lesquelles les Ituriens sont en train de jurer.
Propos recueillis par Claude Sengenya