RDC : « la pandémie Covid-19 ne doit pas nous faire oublier les massacres endémiques », interpelle Dr Mukwege

Photo ACTUALITE.CD.

Le docteur Denis Mukwege a interpellé les autorités congolaises face aux multiples tueries des civils qui se succèdent par les groupes armés dans l'Est de la RDC en général et particulièrement en province de l'Ituri.

Le prix nobel de la paix estime que la pandémie ne doit pas être considérée comme alibi pour ne pas s'occuper de la situation dramatique des populations entre autres de Djugu, Mahagi et Irumu en proie à l'insécurité.

« La crise du Covid-19 ne doit pas nous faire oublier les atrocités qui se poursuivent à l’Est de la RDC dans l’indifférence. Les massacres sur les populations civiles déjà traumatisées par plus de 20 ans de cycles de violences et de conflits se poursuivent comme de simples faits divers, et passent encore davantage sous silence dans le contexte de la crise sanitaire que nous traversons. Les massacres et les pillages se succèdent depuis le début de l’année et la population fait face à une vague de violence particulièrement odieuse et brutale : chaque jour, des civils innocents sont décapités, des femmes sont violées, des villages sont incendiés, entraînant des déplacements massifs de la population de cette province qui a déjà trop souffert de la guerre », dénonce le Docteur Denis Mukwege dans un communiqué ce mardi 19 mai.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés rapportait le 8 mai qu’au moins 274 civils ont été tués et plus de 200 000 personnes ont été forcées de fuir leur foyer durant ces trois derniers mois dans la province de l’Ituri.

Cependant, Denis Mukwege craint que « ces tueries largement attribuées à la milice CODECO risquent de provoquer la formation de nouvelles milices d’autodéfense et d’attiser encore les violences intercommunautaires si les forces de sécurité nationales et de la MONUSCO ne parviennent pas à stabiliser la situation ».

Le Dr Mukwege estime que « face au Covid-19, le gouvernement a montré qu’il peut faire preuve de volonté politique, et prendre les mesures de prévention qui s’imposent, et ainsi sauver des vies ».

Il insiste qu'il est temps à mettre fin à la violence et que l’instabilité et les massacres à répétition ne peuvent rester sans réponse. D'où il préconise la mise en application du rapport Mapping des Nations unies.

« Les solutions existent. Elles ont été listées dans les recommandations du Rapport Mapping du Haut-Commissariat des Nations Unies publié il y a 10 ans : établissement d’un tribunal international pénal pour la RDC et/ou de chambres spécialisées mixtes, mécanismes d’établissement de la vérité, programmes de réparation, et réforme profonde des secteurs de la sécurité et de la justice. Le temps est venu de déterrer le Rapport Mapping car les victimes d’aujourd’hui et d’hier ont droit à la justice, à la vérité, à des réparations et à des garanties de non renouvellement face à ces atrocités qui doivent tous nous interpeller et qui doivent susciter des actions fortes des autorités congolaises et de la communauté internationale », propose-t-il. 

Il a, par la même occasion, fustigé les invasions de la RDC par les troupes Rwandaises et Burundaises dans les plateaux de Minembwe (Sud-Kivu) et Zambiennes dans les provinces des Tanganyika et Haut-Katanga mais aussi les tueries persistantes à Beni (Nord-Kivu) par les milices Ougandais des ADF.

Les miliciens de CODECO actifs dans le territoire de Djugu depuis fin 2017 ont élargi leurs actions jusqu’au territoire de Mahagi. Des centaines de civils ont été tués depuis le début des violences et des villages entiers incendiés. Le Bureau de l’ONU aux droits de l’homme a qualifié de “crime de génocide” ces tueries dans cette partie du pays. Pour sa part, le gouvernement soupçonne une complicité entre les miliciens et certains rebelles ougandais. 

Fonseca MANSIANGA