Arrestation de Ne Muanda Nsemi : HRW dresse un bilan de 33 morts lors de l'assaut final à Kinshasa

Photo ACTUALITE.CD.

L'organisation internationale de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a dressé un bilan lourd des manifestations qui ont précédé l'arrestation de Zacharie Badiengila dit Ne Muanda Nsemi et l'assaut final pour capturer ce dernier dans sa résidence de Kinshasa. Au moins 55 adeptes ont été tués entre le 13 et 23 avril, selon HRW.

Le gouvernement avait indiqué un bilan de 8 morts et 43 blessés lors de la neutralisation du chef du mouvement politico-religieux Bundu Dia Mayala (BDM). Cependant Human Rights Watch qui dit s’entretenir par téléphone avec plus de 50 personnes dont des victimes et des témoins d’abus, des membres du BDM, des membres de personnels hospitaliers, des responsables du gouvernement et des Nations Unies, des activistes des droits humains et des journalistes parle d'au moins 33 morts au cours de cette opération.

« Le 24 avril, alors que les négociations avaient échoué, la police a pris d’assaut la résidence, où plus de 200 partisans du BDM s’étaient rassemblés, pour y arrêter Nsemi. Des tirs nourris ont été entendus dans tout le quartier pendant l’opération de police. Le ministre de l'intérieur a affirmé, dans une déclaration aux médias, que lors de l’assaut du 24 avril, 8 personnes avaient été tuées et 43 autres blessées, dont 8 agents de police. Cependant, Human Rights Watch a établi qu’au moins 33 membres du BDM ont été tués », dit HRW dans une déclaration ce mardi 19 mai.

HWR fustige les interventions sanglantes des forces de l'ordre durant toutes les opérations dont celles qui ont causé des morts dans plusieurs entités au Kongo Central entre le 13 et le 15 avril mais aussi la plus meurtrière dans le territoire de Songololo où 15 adeptes ont été abattus le 22 avril, selon ses chiffres.  

« Les autorités congolaises se devaient de répondre aux messages du mouvement Bundu dia Kongo, qui incitaient à la haine ethnique mais le gouvernement a répondu en violant les normes internationales relatives à l’usage de la force, provoquant un bain de sang. Le 22 avril avant l’aube, la police a encerclé une maison à Songololo, où des dizaines de membres du BDK, dont des femmes et des enfants, s’étaient rassemblés pour préparer des manifestations. Vers 3h00 du matin, les policiers ont ouvert le feu sans discernement sur la maison, l’ont incendiée, puis ont abattu ou asséné de coups les personnes qui, prises de panique, se précipitaient dehors, en tuant au moins 15 et en blessant de nombreuses autres », note Human Rights Watch.

Par ailleurs, l'organisation appelle les autorités congolaises à établir les responsabilités dans ces violences en sanctionnant les auteurs pour envoyer un signal positif.

« Le gouvernement devrait faire toute la lumière sur ces violentes opérations policières et faire rendre des comptes aux auteurs d’exactions, quel que soit leur grade. C’est le seul moyen pour les autorités de signaler de manière claire que les abus et l’usage excessif de la force ne seront pas tolérés », affirme RW.

Près de 200 membres du BDM, dont des enfants, ont été brièvement placés en garde à vue, avant d’être transportés en bus vers leurs villes et villages au Kongo Central. Quarante-sept autres sont actuellement en prison sous les chefs d’accusations de « participation à un mouvement insurrectionnel, rébellion, détention illégale d’armes de guerre et incitation à la haine tribale ». Ne Muanda Nsemi est détenu au Centre Neuro-Psycho-Pathologique de Kinshasa (CNPP), les médecins ayant prononcé le 30 avril un diagnostic de trouble mental « sur fond de stress à répétition », rapporte HRW.

Ne Muanda Nsemi est poursuivi pour « rébellion, atteinte à la sûreté de l'État et incitation à la haine tribale ». Arrêté en 2017 pour les mêmes griefs, l'ancien député national s'était évadé de la prison de Makala quelques mois après. Il a réapparu aux locaux du conseil national de soutien de l'accord avant de se rendre à la justice pour ensuite bénéficier d'une liberté. Depuis lors, il était visible dans des vidéos réclamant ses émoluments de deux ans et la réfection de sa résidence détruite selon lui lors de sa première arrestation. Il s'est récemment autoproclamé président de la « République Fédérale du Kongo » pendant que ses adeptes menaient des opérations de la chasse aux non-originaires au Kongo Central.

Fonseca Mansianga