LE METRO A KINSHASA : peut-on y croire ? -Tribune

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Aujourd'hui, l'espace est accordé à Yann Mpaka Waku, assistant à l'université de Kinshasa et géologue d'exploration chez Barrick

Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, est une vaste agglomération dont l’évolution de l’infrastructure de transport ne suit pas celle de la densité de la population. Cette ville a une superficie de 9.965 km2, soit 0.42% de la superficie du pays et une population estimée à environ 10.000.000 d’habitants. La marginalité, la vétusté du matériel et l’inadaptation du réseau ferré de même que l’incapacité de la voirie malgré les diverses propositions de solution ne sont pas de taille à résoudre l’épineux problème de transport et d’enclavement qui sévit dans la ville.

Ainsi,  beaucoup d’études ont été faites parmi lesquelles celles menées en 1977 et 1978 par le Bureau d’Etudes et d’Aménagements Urbain (BEAU) et le Secrétariat des Missions d’Urbanisme et d’Habitat (SMUH, France) sous la conduite du Département des Travaux Publics et Aménagement du Territoire (Ministère) pour résoudre définitivement le problème de transport à Kinshasa. Le rapport de synthèse de ces études propose l’organisation d’un système de transport fondé sur base des principaux critères suivants :

·      Un système collectif guidé en site proposé et intégral et à bon niveau de service (N’djili-centre ville, 40 minutes soit 20.000 voyageurs/heure/sens) ;

·      Un système de transport à grande capacité et à effet structurant (c’est-à-dire pouvant engendrer une évolution du tissu urbain au cours de temps par concentration des emplois).

Quant au choix de la technologie, les études sont orientées vers le métro léger. Techniquement le métro léger est intermédiaire entre le métro et le tramway. Il se différencie de ce dernier par les véhicules qui sont en fait identiques à ceux d’un métro, mais avec prise de courant par pantographe.

Pour les tracés de ligne de métro, deux conceptions sont possibles : dans le premier cas, on suit dans la mesure du possible le tracé des rues existantes, ce qui permet d’établir des lignes près du sol et le plus souvent hors de l’eau et si les rues ne sont pas rectilignes et qu’il est nécessaire d’évacuer la population, l’expropriation peut être trop couteuse. On est alors obligé dans ce cas d’établir le tunnel à une certaine profondeur.

On peut toutefois, comme dans des capitales importantes, superposer plusieurs réseaux de métropolitain et les ouvrages d’assainissement. Le tracé proposé comporte deux parties distinctes :

-       Une première partie d’orientation Nord-Sud reliant la zone de Grand Marché à Ngiri-Ngiri, en traversant le centre-ville.

-       Une seconde partie d’orientation Est-Ouest traverse successivement les quartiers de Bumbu, Makala, Ngaba, Matete, franchissant la voie ferrée et la vallée de la N’djili puis desservant N’djili.

Selon l’esquisse géologique provisoire du sous-sol de Kinshasa (EGOROFF, 1955), le sol et sous-sol de Kinshasa ont été étudié pour voir dans quelle mesure les différentes formations peuvent servir de site à un tel système de transport. L’échelle stratigraphique de Kinshasa se présente de bas en haut comme suit : socle schisto-greseux d’âge protérozoïque ; grès marneux ; grès tendre ; grès polymorphes ; sables grossiers, graveleux ; sables kaolineux ; limons ; sables de la Lemba ; les alluvions du fleuve et des rivières.

De ce fait, le grès d’Inkisi, du point de vue géotechnique est de loin la meilleure formation pour recueillir un métropolitain tant profond que superficiel. Au cas où on prendrait l’option d’un tunnel profond, le grès d’Inkisi serait un excellent terrain où l’exécution se fera avec emplois systématique d’explosifs. Mais toute fois, il faut relever le fait que l’altération a gagné de larges espaces de ce toit, d’où à de tels endroits, il faut aller encore une dizaine de mètre de plus en profondeur. Hormis l’altération, des possibles fractures ne sont pas exclues suite à des probables phénomènes de plissement.

Le grès tendre sain ferait aussi un bon site s’il présentait une puissance conséquente, facile à travailler. Les terrains sablonneux de la plaine dans l’ensemble sont très mauvais pour en faire un site de tunnel profond. Les sables kaolineux et les terrains argileux seront les plus mauvais car ils présentent d’après certains calculs, des pressions supérieures à celle des autres formations.

Les sables de la colline constituent géotechniquement des terrains moyens. Pour le tunnel superficiel, ces mêmes sables de la colline constituent un bon site.

L’option du tunnel profond tout comme celle du tunnel superficiel peuvent présenter un tracé traversant les formations géologiques aquifères. Ainsi, il a été proposé pour ce genre de terrains de dispositifs de drainage et d’exhaure, aussi quelques méthodes de traitement.

Certes, les kinois ne verront pas si tôt un système de transports intégrés des bus, métros ou trains urbains pour la ville car ce type de projet doit se faire sur base d’une vision claire urbaine, une volonté politique qui induit l’accompagnement citoyen, donc il ne s’agit pas d’un problème de technologie mais un problème de volonté politique et de bonne gestion urbaine de la ville. Ils existent déjà différents travaux scientifiques au niveau du département des Géosciences de l’Université de Kinshasa, lesquels pourront servir de base pour un projet de métro à Kinshasa. Cette ville est la capitale d’un grand pays, ne l’oublions pas!

References :

·      Transport urbain, rapport des synthèses des études/SMUH et BEAU, 1980

·      Erick LUKULUNGA, 1999, contribution à l’étude géologique et géotechnique de tracés de métro dans la ville de Kinshasa,

·      EGOROFF, 1955, Esquisse géologique provisoire du sous-sol de Kinshasa,