Félix Tshisekedi a, dans son message à la nation, à l’occasion de la commémoration du 59eanniversaire de l’indépendance du pays, revenu sur les principales réformes qu’il compte piloter pour son quinquennat.
Chers Compatriotes,
Ce 30 juin 2019, la République Démocratique du Congo va commémorer le 59ème anniversaire de son indépendance.
Dans de circonstances normales, nous nous serions réjouis tous ensemble en évoquant notamment les hauts faits des femmes et des hommes qui se sont sacrifiés pour que notre pays puisse accéder à la souveraineté nationale et internationale.
Tout en ayant une pensée pour ceux des pionniers de l’indépendance qui nous ont quittés et ceux qui sont encore en vie, les Congolaises et les Congolais ne peuvent que se rendre à l’évidence : cinq mois après mon accession à la Magistrature Suprême, je ne peux nier que notre pays fait encore face à des défis majeurs. Ils sont énormes certes, mais pas insurmontables.
La problématique de l’insécurité récurrente dans certaines parties du territoire national, principalement dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Tanganyika, du Kasaï et du Kasaï Central est très préoccupante. Je fais du rétablissement de la paix sur l’ensemble du territoire, ma priorité car il y va de la survie de centaines de milliers de compatriotes, de la stabilité des institutions établies, de la relance économique et du climat de paix avec tous nos voisins.
En attendant la mise en place imminente du Gouvernement de la République, je n’ai pas croisé les bras. Après la passation de pouvoir, je me suis rendu à Lubumbashi pour prendre des mesures à même d’endiguer le banditisme qui faisait rage dans cette ville et mettre fin aux tracasseries existant au poste frontalier.
Je me suis ensuite rendu dans la province du Nord Kivu, plus précisément à Goma et Béni pour faire l’état des lieux de l’insécurité grandissante et de la persistance de l’épidémie à virus Ebola.
J’ai terminé ce premier périple à l’intérieur du pays par la ville de Kisangani. Partout où je suis passé, je me suis rendu compte que nos compatriotes vivent dans la peur du lendemain à cause de l’insécurité. Et en ce qui concerne Béni et Butembo, comme si cela ne suffisait pas, le drame humanitaire que constitue cette épidémie à virus Ebola est venu s’ajouter à ce tableau déjà très sombre.
Les derniers cas de résurgence d’insécurité en Ituri m’affectent profondément car ils constituent un grand recul en matière de pacification. C’est ainsi que je viens d’ordonner à nos forces armées de mener des opérations de grande envergure dans les territoires de Djugu et Mahagi.
Ces opérations vont s’étendre à Minembwe, dans le Sud-Kivu, pour mettre définitivement fin aux aventures de tous les hors la loi qui endeuillent nos populations et sèment la désolation dans cette partie du pays. Nous saluons les nombreuses redditions des groupes armés observées depuis notre accession à la Magistrature Suprême.
Le Gouvernement en concertation avec la MONUSCO est en train d’étudier le cadre adéquat pour leur prise en charge en vue de leur réinsertion dans la société. Nous lançons un vibrant appel aux groupes armés encore actifs à déposer les armes pour bénéficier des avantages de ce nouveau cadre de Démobilisation, Désarmement et Réinsertion (D.D.R).
L’insécurité est aussi et surtout le fait des groupes armés étrangers. Un plan de leur éradication totale est en train d’être discuté avec la MONUSCO et les pays voisins concernés.
Chers compatriotes,
En signe de solidarité avec nos compatriotes de Beni, Bunia, Mahagi, Djugu, Butembo, des villes environnantes et des autres contrées du pays, touchées par l’insécurité, j’ai décidé de commémorer ce 30 juin dans la province de l’Ituri.
Ma présence dans cette province s’explique par un souci de compassion envers des milliers de familles congolaises endeuillées.
Chers compatriotes,
Mon propos d’aujourd’hui ne constitue pas un bilan à mi-parcours du Chef de l’État. Cependant, il est de bon ton, après cinq mois à la tête du pays, que je vous dise ce qui revient à l’actif de mon administration.
S’agissant du social, j’ai entrepris dans le domaine de la santé, de mettre en œuvre des mesures qui produiront des effets bénéfiques à l’ensemble de la population, à court terme.
Ces mesures sont mises en place de manière progressive. Il en est ainsi de la gratuité des soins médicaux au profit de nos hommes de troupes, ce qui constitue un prélude à la couverture maladie universelle que j’ai annoncée et à laquelle plusieurs partenaires extérieurs ont adhéré, promettant leur accompagnement.
Pour renforcer la lutte contre le virus Ebola, j’ai créé un comité de coordination nationale placé directement sous la tutelle de la Présidence, qui réunit, outre le ministère de la santé, des experts congolais dont la renommée en la matière est reconnue au-delà de nos frontières.
Je ne ménagerai aucun effort pour enrayer ce fléau. C’est pourquoi, aux actions du Gouvernement, j’ai décidé d’associer les leaders politiques locaux et ceux de la société civile. Car ce combat nous concerne tous.
La problématique de l’eau et de l’électricité à Kinshasa et dans l’arrière-pays se doit d’être définitivement résolue.
A Kinshasa, la capitale, certains travaux d’aménagement de modules de traitement d’eau sont à terme et d’autres, en cours de finition. C’est le cas, pour ne citer que ces exemples, de la station de Lemba Imbu, tout comme la reprise en alimentation d’eau au Camp militaire de Kitona, dans la province du Kongo Central, après plusieurs décennies de pénurie.
Dans le domaine des infrastructures, les travaux en cours, sur l’étendue du territoire national, en particulier des routes et ponts d’intérêt général, démontrent ma détermination à favoriser l’intégration nationale et les échanges entre les provinces.
Dans les centres urbains, la ville de Kinshasa a donné le ton avec la construction des travaux d’aménagement, notamment des sauts-de mouton en vue de débarrasser la capitale de ses interminables embouteillages.
En ce qui concerne la réhabilitation des routes, plusieurs ouvrages sont en voie d’être achevés à Kinshasa et dans les provinces, comme j’ai pu m’en rendre compte personnellement lors de ma visite dans la Tshopo où j’ai inauguré deux ponts d’intérêt national.
Des travaux de grande envergure ont été confiés à l’Office des routes dans toutes les 26 provinces. Et à l’Office des voiries et drainage (OVD) en ce qui concerne Kinshasa et les principales villes du pays.
S’agissant des travaux en province, ils concernent la réhabilitation et la réouverture des routes d’intérêt général mais aussi la remise en état des ouvrages de franchissement, c’est-à-dire ponts et bacs. Nous construisons ces routes et ces ouvrages de franchissement pour une meilleure circulation des biens et des personnes sur l’ensemble du territoire national, ce qui va induire une véritable intégration nationale sur le plan économique.
Les produits vivriers seront ainsi facilement acheminés des milieux ruraux où ils sont produits vers les grands centres urbains.
Les échanges entre les différentes provinces selon leurs spécificités et spécialités vont entraîner l’embellie de notre économie aujourd’hui fortement extravertie.
Mon objectif à terme est d’assurer l’autosuffisance alimentaire à toutes les Congolaises et à tous les Congolais. Il est en effet incompréhensible que la République Démocratique du Congo, dotée d’innombrables ressources naturelles tels que des terres arables, des fleuves et rivières poissonneux, des pâturages puisse importer la quasi-totalité des biens de première nécessité.
Le même élan sera poursuivi pour certaines mesures préconisées, concernant notamment la baisse des prix des denrées alimentaires.
Pour ce qui est des volets politiques et des Droits de l’homme, je me réjouis avec l’ensemble des Congolais que notre pays ait connu sa première alternance pacifique et historique, à l’issue des élections du 30 décembre 2018.
Le mérite revient en premier lieu au peuple congolais qui est allé accomplir son devoir civique dans la paix.
Ensuite, l’attitude affichée par mon prédécesseur à propos de l’alternance pacifique a été très déterminante pour le maintien de la paix et de la stabilité dans notre pays. Enfin, le rôle joué par les acteurs nationaux et internationaux impliqués dans le processus électoral a été tout aussi primordial.
Concernant les libertés publiques, je ne vous cacherai pas ma satisfaction d’avoir permis la concrétisation de la décrispation politique telle que stipulée dans l’Accord de la Saint-Sylvestre.
Les exilés politiques sont de retour, les réunions et manifestations politiques se tiennent sans aucune entrave. Je tiens à vous rassurer sur ce chapitre que les choses iront de mieux en mieux dans le strict respect des lois de la République et de l’établissement d’un Etat de droit.
Nous n’avons plus de cachots privés dans notre pays, nos pénitenciers se vident de leurs prisonniers politiques et d’opinion : plus de 700 prisonniers ont pu être relaxés, comme vous avez pu vous en rendre compte avec la libération, notamment de certains cas dits emblématiques.
Et pour respecter les standards dans le milieu carcéral, j’ai décidé de l’assainissement des prisons qui sont devenues de véritables mouroirs et de l’augmentation de leur capacité d’accueil.
C’est dans ce cadre que les travaux entamés au niveau du Centre pénitentiaire de rééducation de Kinshasa (CPRK), communément appelé «Prison de Makala», constituent la première étape.
Si toutes les manifestations politiques qui se sont tenues jusqu’à ce jour n’ont connu aucun mort, aucune arrestation dans les rangs des manifestants, il est cependant déplorable de constater que ce sont des éléments de la police nationale qui se retrouvent agressés ou grièvement blessés.
C’est le cas de la dernière manifestation, qui s’est tenue le 23 juin dernier à Kinshasa. Je me suis rendu au chevet des victimes d’actes de vandalisme commis par des inciviques, des manifestants mal encadrés qui n’ont pas hésité à s’attaquer aux ouvrages publics, aux paisibles citoyens et à leurs biens.
Ceci doit prendre fin et la loi doit s’appliquer dans toute sa rigueur, car je refuse que certains leaders mal intentionnés puissent confondre démocratie et anarchie.
Pour renforcer la protection des droits humains, j’ai créé récemment un organisme chargé de lutter contre la traite de l’être humain. Toujours sous ce chapitre, il n’est pas vain de signaler que toutes les tendances politiques ont désormais accès aux médias officiels notamment la Radio Télévision Nationale Congolaise (RTNC).
Mes chers compatriotes,
Cinq mois après mon avènement au pouvoir, je ne peux produire de miracle, c’est pourquoi, je fais appel au patriotisme de tout un chacun pour les nombreuses réformes à réaliser en vue de répondre aux besoins multiples et variés de la population.
Si nous adhérons tous à la vision selon laquelle tout doit être fait et revenir d’abord au peuple, celui-ci a aussi sa part de responsabilité, particulièrement dans le changement des mentalités.
Dès lors, je vous exhorte tous à regarder dans la même direction. Notre pays ne pourrait qu’en retirer le plus grand bien. De nouvelles opportunités s’offriront aux Congolais.
À la faveur de l’amélioration en cours du climat des affaires, la diversification de notre économie attirera de nouveaux investisseurs. Des emplois seront créés au profit des chômeurs et surtout de nos jeunes.
Chers compatriotes,
Enfin, s’agissant de la Diplomatie et de la Coopération régionale, dès ma prise de fonction, j’ai procédé à la réouverture de la Maison Schengen pour normaliser nos relations avec l’Union Européenne qui est un partenaire traditionnel de notre pays.
J’ai organisé un premier déjeuner diplomatique, j’ai décidé d’échanger régulièrement avec tous les ambassadeurs accrédités dans mon pays. C’est dans ce cadre que j’ai reçu au mois de février dernier tous les ambassadeurs pour partager avec eux ma vision en politique étrangère.
Dans ce même cadre, j’ai tenu à mettre en place des « déjeuners diplomatiques » dont le premier s’est tenu avec les ambassadeurs de l’Union Européenne et du Canada. Cet exercice va se poursuivre avec les ambassadeurs des autres pays.
Dans ce domaine, ma politique sera celle de l’ouverture au monde dans un partenariat gagnant-gagnant.
Quant à la coopération régionale, la position géographique de mon pays, situé au carrefour de plusieurs organisations sous régionales, lui confère un rôle majeur dans l’intégration africaine préconisée par tous les Chefs d’Etat regroupés au sein de l’Union africaine.
L’intégration africaine étant l’objectif ultime, j’ai entamé des voyages au niveau de la région pour partager cette idée avec mes pairs. Cette démarche consiste à réaliser d’abord l’intégration au niveau de chaque sous-région, avant sa consolidation au niveau continental.
C’est dans ce cadre que mes visites m’ont déjà permis d’échanger avec les Chefs d’Etat de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi, de la Tanzanie, de la Zambie, de l’Angola et du Congo en ce qui concerne nos voisins.
A cette liste s’ajoutent mes fructueuses rencontres avec les Chefs d’Etat du Kenya, de la Namibie, d’Afrique du Sud, du Gabon et de la Guinée-équatoriale.
Avec les uns et les autres nous avons conclu que nous n’atteindrons pas cet objectif d’intégration africaine et du développement de notre continent, si nous ne menons pas un combat farouche contre l’insécurité et les différents conflits qui déstabilisent l’Afrique.
Ceci n’est possible que par la construction d’infrastructures transnationales : les routes, les chemins de fer, les voies aériennes, les voies fluviales et maritimes et par l’élimination des barrières douanières.
Toujours sur ce chapitre de la diplomatie, je voudrais aussi souligner mon dernier passage à Washington où j’ai eu des discussions avec la Directrice générale du Fonds Monétaire International. Ces discussions ont débouché sur une mission de cette institution à Kinshasa au titre de l’article 4. Le rapport de cette mission augure la reprise des programmes avec le FMI, qui est une bonne chose pour l’économie de mon pays.
Avec la Banque Africaine du Développement, je voudrais remercier ici le Président de cette institution, mon frère Akinwumi Adesina. Au cours de nos échanges, il a clairement indiqué sa satisfaction concernant l’assainissement du cadre macroéconomique et a également promis le soutien de son institution aux différents projets de mon pays.
Je voudrais aussi dire qu’au niveau de la Banque Mondiale, je viens de recevoir à Lubumbashi, le vice-président de cette institution financière internationale avec qui nous avons partagé des vues communes sur la reprise de leurs programmes en RDC.
Chers compatriotes,
Après avoir dressé ce constat à mi-parcours dans les domaines étayés, je vous annonce ma détermination à engager le Gouvernement à répondre aux attentes de la population par des réformes nécessaires au développement de notre pays.
Ainsi la promotion des droits de la femme est un critère qui rentre en compte pour ce faire. C’est pourquoi, je demanderai au Parlement de réfléchir sur un système de quota aussi bien dans les assemblées électives que dans l’administration, à réserver d’emblée aux femmes afin de renforcer leur participation active dans la société.
De la même manière, je prendrais des mesures pour lutter contre le chômage des jeunes.
Des mesures incitatives seront prises en faveur des entreprises qui vont employer des jeunes. Un fonds de garantie sera créé pour leur permettre d’accéder aux crédits bancaires tout en bénéficiant d’un accompagnement dans la gestion de leurs projets.
J’envisage également une profonde restructuration du Service National et le renforcement du rôle de l’INPP (Institut National de Préparation Professionnelle) pour prendre en charge les jeunes désœuvrés et favoriser leur réinsertion dans la société.
Chers compatriotes,
La lutte contre la corruption et en faveur de la bonne administration de la justice sont des gages de bonne gouvernance. Sans une justice équitable, il est inutile de parler d’État de droit. « La Justice élève une nation », dit-on !
Cette parole biblique doit nous inspirer dans notre quête d’une justice juste qui serait rendue par des juges intègres.
Je prends l’engagement et réitère, en tant que Magistrat Suprême, mon vœu de nommer des hommes et des femmes intègres afin qu’ils redorent le blason terni de notre justice.
Une autre grande réforme devra viser le système électoral dans la mesure où celui qui est en vigueur a montré ses limites, plus précisément en ce qui concerne le mode de désignation des sénateurs et des gouverneurs.
Chers compatriotes,
Au moment où nous déplorons l’insécurité dans les 6 provinces précitées, voilà qu’un autre drame vient durement assombrir cette journée anniversaire de l’indépendance avec l’effondrement d’une mine à Kolwezi, qui a causé plusieurs morts parmi nos concitoyens.
Après avoir ordonné une assistance aux familles éplorées, je leur présente mes condoléances les plus attristées. Je viens de diligenter une enquête pour établir les responsabilités dans ce drame.
Chers compatriotes,
Ce 30 juin est le premier que je célèbre avec vous en tant que Chef de l’Etat. Je l’ai voulu moins fastueux et plus dans la méditation et la prière.
Ce qui nous permet à tous de faire l’état des lieux afin de mieux nous projeter dans l’avenir. Un avenir que je veux radieux et prospère pour tous les Congolais.
Que vive la République Démocratique du Congo.
Que Dieu bénisse notre pays et son peuple.
Je vous remercie