Dans le territoire de Rutshuru (Nord-Kivu), essentiellement agro-pastoral, les pluies sont de plus en plus rares et la chaleur s’accentue surtout dans l’agglomération de Kiwanja et ses environs. En effet, les pluies sont attendues dans cette région depuis février dernier. Les conséquences du changement climatique se font sentir sur les activités agricoles. Les paysans ne savent pas à quel saint se vouer. Ainsi, en cas de moindre goutte des pluies, on doit célébrer.
Mercredi 3 avril, les nuages sont pleins, il est 10h à Kiwanja et des gouttelettes des pluies commencent à tomber. Sursautant comme une folle, madame Kahindo Déborah exécute quelques pas de danse au milieu de sa parcelle : « Enfin, Dieu nous a envoyé la pluie tant attendue…ceci annonce le semis », exalte cette agricultrice qui est inquiétée par la prolongation de la saison sèche.
Cette femme paysanne dit avoir gaspillée jusqu’à ce jour, au total 225$ dans un champ d’environ 1 hectare : « Le premier labour et le second m’ont coûté 180$, la semence et la main d’œuvre 45$, mis à part mon énergie…mais hélas, la sécheresse a empêché la germination », s’indigne-t-elle.
Comme elle, beaucoup d’autres agriculteurs souffrent de l’absence prolongée des pluies dans le territoire de Rutshuru. Et lorsqu’il semble pleuvoir, c’est l’allégresse, même si les précipitations sont d’une courte durée.
Selon Olivier Munyanga, ingénieur agronome du groupement de Bukoma, dans le territoire de Rutshuru, les pluies devraient intervenir normalement depuis mi-février pour permettre aux agriculteurs de semer et d’entretenir leurs cultures jusque vers la première quinzaine du mois d’avril : « Malheureusement, on n'observe que la sécheresse depuis le début de l’année 2019, et même les petites pluies de courte durée sont intervenues de façon intempestive », explique-t-il.
L’agronome Olivier, inquiet, indique que l’eau est pourtant la principale ressource dont la culture a besoin pour bien évoluer : « Avec cette sécheresse, même les mauvaises herbes sont en train de faner et, donc, cette saison culturale est presque morte, car la germination est impossible… Je crains déjà la disette pour une population essentiellement agro-pastorale et prochainement la situation risquera d’être catastrophique », prévient-il, dénonçant les effets du dérèglement climatique.
Casse-tête pour les agriculteurs
Face à cette sécheresse, les agriculteurs dans ce territoire environnant le parc des Virunga sont désemparés. Certains ont abandonné leurs champs en attendant les pluies, mais d’autres paysans encore plus courageux, ont par contre semé à deux ou trois reprises, sans succès : « J’avais cultivé deux hectares de champ où j’ai planté du maïs en février… Curieusement, les graines n’ont poussé qu'au mois de mars, je suis allé semer le haricot dans le même champ mais ça ne va toujours pas », explique l’agriculteur Kitutu, assurément déçu.
Et pour Kambale Lwalegha, assistant social et analyste économique, la production agricole va diminuer sensiblement et le prix des produits agricoles va galoper comme cela s’observe déjà sur le marché local : « Actuellement, un sac de maïs soit 120 kg se vend à 35$ au lieu de 15$, il y a quelques temps », fait-il observer, craignant à son tour la faim, l’insécurité alimentaire et la pauvreté extrême.
De son côté, Michael Batakunda, expert en environnement, parle d’un fait paradoxal. « Lorsque les agriculteurs attendent les pluies, elle ne vient pas et lorsqu’ils ont besoin d’un peu de sécheresse il pleut abondamment », fait-il savoir estimant que les activités humaines y sont pour quelque chose : « C’est parmi les conséquences de la déforestation et de l’émission de gaz à effet de serre dans la nature », fait savoir l’expert, qui préconise la restauration de la flore dans le paysage et, si possible, la pratique de l’agriculture contre-saison grâce à l’irrigation, malheureusement coûteuse.
Et finalement, l’ingénieur agronome Olivier Munyanga appuie la pratique des méthodes culturales s’appuyant sur l’adaptation aux effets du changement climatique comme l’agriculture de conservation et l’agroforesterie. Bien plus, il invite ainsi l’Etat congolais à amoindrir le coût de vie de ces paysans notamment en réduisant les taxes sur les produits agricoles et en rendant disponible la semence d’autres intrants agricoles.
Joseph Tsongo