Gouvernement : impérieuse nécessité de créer un ministère de l’Administration publique, bonne gouvernance et intégrité (Tribune)

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Tribune de l'avocat du Professeur St. AUGUSTIN MWENDAMBALI, Directeur Général de l'Observatoire de Surveillance de la Corruption et de l'Ethique Professionnelle, en sigle OSCEP, Coordonnateur du Comité de Suivi de la Tripartite anticorruption, RDC-RSA, UNODC et Membre du Comité Executif de l'Association des Autorités Anticorruption d'Afrique, en sigle AAACA.

  1. La nomenclature du futur Gouvernement devra absolument refléter la vision du Chef de l’Etat.
  2. Le bien-être du « Peuple d’abord » passe inéluctablement par la lutte incontournable contre les pratiques de corruption.
  3. L’obsession et la hargne avec lesquelles le Président TSHISEKEDI s’attaque aux Anti-valeurs, notamment la corruption et le tribalisme, plaide, indubitablement, pour une mutation du  Ministère  de la Fonction Publique vers le Ministère de l’Administration Publique, Bonne Gouvernance et Intégrité.
  4. Le Big Ministère, en question, aura pour tâche essentielle d’élaborer la loi portant moralisation de la vie publique.
  5. L’élaboration du Code d’éthique institutionnelle, telle que préconisée par le Président de la République, n’aurait plus ses raisons d’être, car il en existe déjà un, libellé : Code de Conduite de l’Agent Public de l’Etat, opposable à toutes les institutions du pays.
  • Les innombrables richesses que regorge la RDC (minérales, agricoles, etc.) contrastent, énormément, avec le degré de paupérisme qu’a atteint son peuple, vivant en deçà du seuil de pauvreté des pays les plus démunis de la planète.
  • Ce paupérisme absolu que rien ne saurait justifier est, pensent certains, lié à une malédiction atavique et, pour d’autres encore, à la nonchalance et à l’absentéisme notoire de la classe dirigeante congolaise, incapable de prendre le destin de son pays en mains, à l’instar d’autres nations du monde qui ont vu leur destin s’améliorer grâce au sérieux et à la détermination de sa classe dirigeante de conjurer le destin et d’interroger les limites de l’inconnu et de l’impossible.
  • Il est curieux de constater que, soixante ans après son accession à l’indépendance, la RDC présente à la face du monde, le visage d’un pays chaotique, où rien ne marche et où aucun espoir de vie ne peut être permis.
  • Pourtant, pays d’Afrique, doté d’un grand nombre d’intellectuels universitaires et de savants de notoriété mondiale (Prof. MALU WA KALENGA…) une fois aux affaires, ces intellectuels ont du mal à faire des exploits de grandeur nature là où ils sont appelés à œuvrer, préférant la facilite à la complexité. Partout où ils ont excellé, ils l’ont fait à des fins personnelles, familiales et claniques.
  • De gauche ou de droite qu’ils soient, les intellectuels congolais devaient d’abord défendre l’honneur et la dignité de leur pays, penser à l’intérêt de la collectivité, et de la communauté ; bref, au bonheur du « peuple d’abord », considéré comme le Souverain primaire, avant de penser à toute approche individualiste et mercantiliste.
  • Cette analyse critique est confirmée par un des Présidents de la RDC qui se plaignait de n’avoir pas trouvé, parmi ses collaborateurs, même 15 personnes, susceptibles de l’accompagner dans la réalisation des tâches grandioses de la nation.
  • Cette inadéquation entre l’intelligence de l’élite congolaise et sa capacité à s’adapter et à transformer son environnement, par rapport aux nouvelles exigences que lui impose la nature dans la quête du bien-être social de son peuple, a conduit les dirigeants congolais à la culture de gain facile, d’absentéisme et de manque d’initiatives anticipatives. C’est cette morosité qui a conduit à l’échec des deux réformes successives de l’Administration Publique Congolaise.
  • A cet effet, nous avons salué, à un moment donné, le changement de la dénomination du Ministère de la Fonction Publique en Commission Permanente de l’Administration Publique « COPAP».
  •  Au lieu de s’interroger sur le fond et la forme qui devraient entraîner des changements substantiels attendus, l’élite congolaise s’est contentée d’une approche de façade, négligeant les fondamentaux desdites réformes pour revenir encore à la dénomination « Fonction Publique ».
  • Il va s’en dire que l’ancienne appellation laissée  par les colonisateurs, à savoir «  Fonction Publique »  n’a connu aucun regard critique eu égard aux nouvelles missions dévolues à cette institution Publique de l’Etat.
  • Si, par définition, la Fonction Publique a pour mission essentielle et régalienne de fournir les biens et services à la collectivité, elle est, de prime abord, la fontaine où le peuple vient s’abreuver pour répondre à ses besoins vitaux.
  • Bref, c’est la boîte aux lettres de l’Etat, qui permet à la population d’accéder aux besoins inhérents à l’amélioration de ses  conditions de vie. A ce titre, l’Administration apparaît comme une courroie de transmission, mieux, un canal de communication qui permet à la population d’être servie par l’Etat.
  •  Instrument au service du peuple, l’Administration Publique apparaît, ainsi, comme l’idée ayant inspiré et nourri la vision du Président Félix TSHISEKEDI quand il promet de restaurer un Etat de droit dans lequel le social du peuple devient la priorité des priorités.
  • Avec la promulgation du Décret-loi n° 017/2002 du 03 octobre 2002, portant Code de Conduite de l’Agent public de l’État, l’appellation « Fonction Publique » paraît être désuète et obsolète car renvoyant, de prime à bord, à la différence existant entre Fonction « Publique » et  Fonction « privée ».
  • Outre cela, l’actuelle dénomination ne met pas en exergue, les rapports existant entre les administrants et les administrés, lesquels rapports constituent le socle du fondement de l’Administration du 21ème siècle, qui met l’accent particulier sur l’importance cardinal que jouent les administrés dans ces rapports.
  • En substituant ainsi le concept fonctionnaire à celui d’Agent Public de l’Etat signifiant, d’une manière générique, toute personne qui exerce une activité pour le compte de l’Etat et ou rémunérée par le trésor public, ce Décret-loi confère au Ministère de la Fonction Publique  de nouvelles prérogatives. Loin de s’occuper seulement du fonctionnaire stricto sensu du terme, la Fonction Publique va, désormais, s’occuper non seulement du fonctionnaire mais également,  des 16 différentes catégories socioprofessionnelles communément appelées Agents Publics de l’Etat, disséminées à travers les institutions de la République et faisant partie de l’ensemble de l’Administration Publique.
  • Ainsi donc, à côté de sa gestion quotidienne des actes administratifs des agents admis sous statut, dotés d’un numéro matricule, et faisant carrière au sein de l’Administration Publique, le Ministère s’occupera désormais au sein de l’Administration Publique des 16 autres catégories socio professionnelles telles que définies à l’article 1 dudit Décret-loi.
  • Le cadre logique et stratégique d’intervention du Ministère de la Fonction Publique se fera au plan du respect des valeurs morales, éthiques, déontologiques et professionnelles de tous les Agents, quelle que soit l’origine de leur Administration respective. D’où l’impérieuse nécessité de reformuler la dénomination « Fonction Publique » en « Ministère de l’Administration Publique, Bonne Gouvernance et Intégrité ».
  • Un autre point de recoupement de la vision du Chef de l’Etat avec une des missions de l’Administration Publique, c’est la place de choix qui revient à l’usager des services publics de l’Etat.
  • Dans le concept « administration » fonctionne un paradigme définissant les rapports entre l’administrant et l’administré. Dans ces rapports, l’administré n’occupe pas la place d’un esclave. Par contre, il joue le rôle du maître c.à.d. de l’ayant-droit par rapport au serviteur qui est l’administrant. Ce paradigme renvoie à la vision du « peuple d’abord », c’est-à-dire travailler d’abord pour l’intérêt propre du peuple.
  • Ainsi, l’administration est une notion qui véhicule la dimension « service à rendre à ma collectivité » par rapport à la notion de la fonction publique que d’aucuns assimilent à la  fonction « poubelle ».
  •    A l’instar du Président de la République qui prône le « peuple d’abord », l’Administration véhicule les notions de proximité et de la priorité à accorder à l’usager de la Fonction Publique ; celui-ci doit être considéré comme le client roi à qui les administrants doivent réserver le service de qualité, la courtoisie et la célérité…sans aucune distinction, ni de race, ni de religion...
  • Dès lors que le Code d’éthique institutionnelle, connu sous la nomenclature juridique du Code de Conduite de l’Agent Public de l’Etat, devient un outil de gestion, d’encadrement et de surveillance, de valeurs, des principes, règles et normes devant régir le comportement, des agissements, des attitudes de l’ensemble des Agents publics de l’Etat, dans l’exercice de leur fonction, le Ministère de la Fonction Publique est investi de missions supplémentaires de moraliser la gestion  de la chose publique, de veiller aux  questions de bonne gouvernance et d’intégrité, de lutter contre les antivaleurs dans toutes les institutions étatiques de la République. Cette assertion est confirmée dans le dernier paragraphe de l’exposé de motif du Décret-loi précité, à savoir :

 « considérant la nécessité de doter la RDC d’un code de conduite susceptible de moraliser la gestion de la chose publique ;

« vu l’urgence, 

« décrète : …».

Eu égard à ces nouvelles prérogatives, le Ministère de la Fonction Publique devait cesser de fonctionner comme un lieu où travaille le personnel de l’Etat faisant carrière pour revêtir la robe d’une Administration de toute personne exerçant une activité publique pour le compte de l’Etat, même pour 2 heures de prestations.

  • Afin de renforcer les dispositions du Code de Conduite de l’Agent Public de l’Etat, il faudra envisager de promulguer une loi portant moralisation de la vie publique ; ceci va permettre une compréhension commune des antivaleurs considérées comme obstacles majeurs à la réalisation des missions régaliennes de l’Etat. Plus urgent et prioritaire est également, l’examen, par le Gouvernement, adoption par le Parlement, et promulgation par le Chef de l’Etat de la loi portant lutte contre la corruption. Sans cet instrument juridique, aucune victoire sur la corruption n’est possible.
  • Voilà un certain nombre de recommandations faites par l’Observatoire de Surveillance de la Corruption et de l’Ethique Professionnelle, en sigle « OSCEP », dans son rapport qu’il a adressé à la Présidence de la République, depuis un bout de temps.