« L’enseignement est un métier noble mais, dans mon pays, c’est le plus ingrat » (Munyangeyo Aristide)

Madame Munyangeyo Aristide. Enseignante

Horaires chargés, poudre blanche, allergies, gestion de la famille… Madame Munyangeyo Aristide, a passé au total 54 ans dans l’enseignement primaire dans l’Est de la République démocratique du Congo.

Du Sud-Kivu au Nord-Kivu, elle dit avoir manié la craie sans relâche en forgeant les cadres du pays. Affaiblie, l’enseignante est aujourd’hui à la retraite, les mains vides : « Je n’ai plus de force pour travailler et je n’ai rien reçu comme indemnité… je suis déçue » s’exclame-t-elle !

Rude dans le visage, Madame Munyangeyo Aristide est née en 1945 à Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu. Après l’obtention de son  certificat à l’école primaire Remera, elle est allée faire ses trois années d’études secondaires à l’école ménagère pédagogique de Bukavu, au Sud-Kivu. En 1963, elle a été embauchée comme enseignante dans une école des sœurs chrétiennes, à Bagira. Ce qui a marqué le début d’une vie sans repos : « Je devrais me lever trop tôt pour les travaux ménagers avant d’aller à l’école et me coucher trop tard en train de préparer mes leçons… et pendant le jour, il fallait s’époumoner en inculquant le savoir aux enfants », se souvient-elle.

Quelques années plus tôt, Madame Munyangeyo a été appelée à enseigner dans beaucoup d’autres écoles primaires à l’intérieur de la province du Nord-Kivu. De Goma à Sake (Masisi) en passant par  Bwatsinge (Lubero), Kisharu (Rutshuru) jusqu’à Kiwanja où elle a été mise à la retraite en 2017.

Veuve et mère de famille, l’enseignante avoue avoir travaillé dans des conditions extrêmement difficiles pour offrir l’éducation aux enfants. « J’étais comme un soldat, on m’envoyait même dans des zones dangereuses et j’étais toujours prête», renseigne Madame Munyangeyo, se félicitant tout de même d’avoir gagné la bataille car ayant donné de son savoir à des milliers de Congolais.  

Tristement célèbre  

Affectueusement appelée "maman éducatrice" par les enfants, Madame Munyangeyo ne garde qu’un seul bon souvenir de sa carrière d’enseignante, l’honneur : « Je vais bientôt mourir de faim malgré ces honneurs » s’écrie-t-elle, la main collée sur le menton.

Curieusement, l’enseignante dit avoir réussi à se construire une petite maison après 30 ans de service : « elle m’a coûtée près de 1000$ cette maison construite en 1993, et voilà elle est déjà flétrie alors que je ne saurai plus la réhabiliter » indique-t-elle, soucieuse. Elle montre du doigt la maison en dur qu’elle envie, et cette maison appartient à l’un de ses voisins agriculteurs : « Je regrette d’avoir passé mon temps à enseigner des gens qui ne se rappellent pas de moi… il y a pourtant des hauts cadres et fonctionnaires du pays qui sont passés par mes mains »

Agée de 74 ans aujourd’hui, madame Munyangeyo Aristide souffre de fatigue et, petit à petit, elle est en train de perdre certaines fonctions sensorielles de son corps. « Je ne vois plus bien et j’entends difficilement… J’ai aussi une douleur intense qui me perce le dos à chaque instant », révèle cette enseignante ayant été mise à la retraite, alors qu’elle donnait encore cours à l’école primaire Kiwanja, dans le territoire de Rutshuru.

Joseph Tsongo