La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a invalidé pour le compte des élections présidentielles et législatives du 23 décembre prochain, des candidatures qui ne remplissent pas les conditions requises par la loi électorale dans son article 10. Si les unes ont été frappées pour la double nationalité, d’autres c’est au sujet de la condamnation qui a taché leur casier judiciaire. Professeur de droit à l’Université de Kinshasa, pénaliste au barreau de la Gombe, Maitre José-Marie Tasoki Manzele a fait le point sur la thématique de la condamnation qui a privé plusieurs candidats de prendre part aux élections.
Quand est-ce qu’une condamnation peut entraver un citoyen de postuler ou d’être retenu comme candidat ?
Tout a été fait de manière ostensible. On a violé le droit de manière ostensible au vu et au su de tout le monde. En parlant de la condamnation, l’article 10 de la loi électorale, dans son point 3, donne les cas qui peuvent donner lieu à l’invalidation ou à l’inéligibilité. La loi dit que le candidat qui est condamné de manière exécutoire pour viol, détournement, corruption, crime contre l’humanité, génocide, crime de guerre. Ce candidat ne peut pas se présenter pour une quelconque élection. Prenons le cas Bemba, condamné en première instance pour subornation des témoins par la Cour pénale internationale (CPI). L’une des pièces du dossier le dit clairement : c’est l’extrait du casier judiciaire qui est délivré par le Procureur général de la République, soit le premier magistrat qui s’occupe des affaires judiciaires. Il dit que Bemba a été condamné pour subornation des témoins en première instance. La seule pièce qui atteste qu’il y a existence d’une condamnation c’est l’extrait du casier judiciaire et cet extrait le dit clairement. On comprend que Bemba ne mérite pas d’être invalidé, car la loi parle de la condamnation irrévocable pour viol, corruption et autres, nulle part la loi dans son article 10 a parlé de la subornation des témoins comme une infraction donnant lieu à l’inéligibilité. Mais, la CENI affirme que la subornation des témoins c’est de la corruption. Et mêmes les juges, les juristes, les professeurs de droit qui étaient dans la composition à la cour constitutionnelle n’ont pas compris que la subornation des témoins n’était pas l’équivalent de la corruption et ils n’ont pas non plus compris que la condamnation irrévocable est différente d’une condamnation en première instance, différente d’une condamnation définitive.
Affirmez-vous donc qu’il y a des types de condamnation qui peuvent entraver quelqu’un d’être candidat?
Absolument, c’est même identifié par la loi électorale. La loi les a même énumérés de manière limitative. On ne peut pas invalider un candidat, même s’il a commis une infraction dès lors que cette infraction n’a pas été citée dans l’article 10 de la loi électorale. Si on condamne Bemba pour subornation des témoins, pourquoi on devrait l’invalider aussi longtemps que la loi ne parle pas dans l’article 10 de cette infraction. C’est être en dehors de la loi électorale, c’est l’argument à donner.
Et puisque vous parlez de Bemba, par rapport à l’article 168 de la Constitution, qu’adviendrait-il s’il arriverait à être acquitté par la CPI le 17 septembre ?
Posez plutôt cette question à la Cour constitutionnelle , c’est à elle de statuer sur ça, mais c’est qui est regrettable dans tout ça est que la Cour n’est pas obligée d’attendre la décision de la CPI , on n’a pas besoin d’une autre explication, alors qu’il y a tout dans le dossier . Le casier judiciaire qui dit qu’il a été condamné en première instance pour subornation des témoins. Ça veut dire que même dans l’hypothèse absurde de confusion entre subornation des témoins et corruption, le fait de dire qu’il a été condamné en première instance suffit pour ne pas invalider la candidature, pas besoin d’attendre la CPI pour statuer sur ça.
Affirmez-vous que c’est une inéligibilité illégale ?
Oui, tout est illégal, tout est inconstitutionnel, tout est politique dans ce qui a été fait. Le juge qui est censé statuer sur les candidatures commence à juger les juges de la CPI, comme-ci il en avait le pouvoir et lorsque la CENI se met à interpréter les motivations de la CPI en mettant à l’écart les dispositifs, qui parlent de la subornation des témoins. Tout ça pour écarter Bemba parce que c’est la candidature qui dérange.
Propos recueillis par Yannick KAMA