Dans une interview accordée ce samedi 15 septembre à ACTUALITE.CD, Sam Bokolombe, professeur d'université et chargé de la vulgarisation du programme de Moïse Katumbi, s'inscrit en faux contre la thèse de souverainisme développée par le gouvernement pour financer seul le processus électoral. Pour le président du partir politique ADURE, l'organisation des élections ne doit pas être une affaire de politique intérieure des États.
Quelle évaluation faites-vous du processus électoral en cours?
C'est un processus qui est actuellement, le moins qu'on puisse dire, opaque.
Pourquoi dites vous cela?
Parce que ça dépend du bon vouloir du pouvoir avec sa cellule des stratégies électorales appelée CENI.
Sur le plan technique, comment expliquer vos propos?
On sait voir comment les choses évoluent. Le pouvoir veut nous imposer un fichier électoral infecté à 30% selon l'OIF. Il y a 30 ℅ d'électeurs qui n'ont pas d'empreintes digitales, et le pouvoir aussi nous impose la machine à voter que nulle disposition légale ne prévoit en droit positif congolais.
Selon la Ceni, la machine à voter est la réponse à une des recommandations de l'accord de la Saint Sylvestre sur le coût des élections...
Oui, mais nous n'en voulons pas. Puisque c'est une machine qui est appelée à catalyser la fraude, en plus c'est une machine qui pose d'énormes problèmes.
Sur base de quels éléments techniques croyez-vous à la fraude avec la machine à voter?
Qui ne connait pas comment sont gérés les bulletins restants après le vote ? On remplissait avec le nom de candidat pour qui on n'était favorable. Mais aujourd'hui avec un simple clic, en une minute on peut remplir 300 bulletins restants, donc ça accélère la fraude.
Sans machine à voter, en 2006 et 2011, l'opposition a toujours décriée la fraude...
Si la proportion de la fraude était de deux ou de trois, avec la machine à voter, elle sera de 10 ou de 20.
Et c'est quoi la solution à cette crise de confiance sur les outils de vote?
La solution, c'est une bonne surveillance du scrutin en interne et en externe avec les bulletins papiers. C'est ce que veut le calendrier électoral qui prévoit l'impression des bulletins. Nulle part on parle de machine à voter.
Mais pour la Ceni, s'il faut accéder à cette exigence, il faudra reporter les élections...
C'est ça le piège. Le calendrier électoral ne parle pas de la machine à voter. Il prévoit l'impression des bulletins. Donc, on peut recourir à ces bulletins papiers sans impacter négativement le délai du 23 décembre 2018.
Votre avis est politique, mais la Ceni tient un avis technique...
Cet organe technique, c'est une cellule des stratégies électorales du pouvoir. La Ceni travaille en harmonie avec le pouvoir actuel.
Allez-vous participez aux élections ou pas?
Nous allons aux élections mais pas n'importe quelles élections. Elles doivent être inclusives,transparentes, sans machine à voter et sans fichier infecté.
Au cas contraire?
Les leaders de l'opposition se sont prononcés déjà. L'opposition prendra ses responsabilités.
Puis il y aura un matin et un soir?
Ce matin là peut être porteur d'événements, et un soir qui être porteur aussi d'événements.
Et le ciel ne tombera pas aussi dit le gouvernement...
Le ciel n'est jamais tombé aucune fois. Mais on a connu des fins assez tragiques de certains systèmes politiques sans que le ciel ne tombe.
Priorité financement exclusif des élections car un domaine de souveraineté dit le gouvernement, quelle est votre réaction?
Depuis quand ce régime fait cas de la souveraineté. C'est un souverainisme opportuniste et c'est le genre de souverainisme auquel les dictatures se réfèrent souvent comme par avant des méfaits qu'elles causent à leurs populations. La souveraineté ne signifie pas organiser n'importe quelles élections, la souveraineté ne signifie pas violer impunément les droits humains, la souveraineté ne signifie pas une mauvaise gestion. La souveraineté, c'est vouloir atteindre les aspirations légitimes du peuple souverain avec des moyens qu'on se choisit conformément au droit international. Lorsque je dis conformément au droit international, aujourd'hui il y a des paradigmes qui consacrent les relations internationales. Vous avez la légitimité démocratique par exemple, c'est à dire le peuple doit se choisir librement ses dirigeants, pas en fraude. Je ne sais s'il y a la liberté aujourd'hui. On ne peut parler liberté de choix dès lors qu’il y a restriction des libertés, dès lors qu'il y a des candidats qui sont arbitrairement et irrégulièrement exclus du processus, dès lors qu'il y en a qui sont emprisonnés. On ne peut parler de souveraineté dans ces conditions. La matière électorale n'est pas une matière de politique intérieure, puisque lorsque elle n'est pas bien gérée, elle déstabilise les institutions, et peut impacter négativement les voisins, l'ordre public international, des conflits résultent de l'organisation des élections désordonnées. Il faut intégrer tout cela et comprendre que les élections ne sont pas une affaire de politique intérieure des États aujourd'hui dans ce village mondial.
Interview réalisée par Stanys Bujakera Tshiamala