Le 24 janvier marque la Journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante, une occasion de célébrer la richesse et la diversité des patrimoines culturels africains et afro-descendants. À Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo, le Desk Femme d'Actualité.cd a rencontré ce mercredi 22 janvier, des femmes qui jouent un rôle dans la préservation des traditions et des savoir-faire locaux. Ces femmes sont des actrices dans la transmission orale des histoires, ainsi que dans la valorisation de l’artisanat et des modes vestimentaires traditionnels.
Dans la commune de Maluku, Madeleine Mungonzi, 54 ans, nous ouvre la porte de sa maison. Ancienne institutrice devenue conteuse, c'est une figure de la transmission orale au sein de sa communauté. Pour elle, transmettre les histoires et légendes des ancêtres est un acte sacré. « Les jeunes ne savent plus écouter. Ils sont noyés dans les écrans. Pourtant, nos contes sont essentiels pour comprendre notre histoire et nos valeurs », explique-t-elle.
Madeleine raconte des récits de royaumes disparus, des batailles historiques et des proverbes ancestraux qui façonnent encore aujourd’hui la société congolaise. « Ma mission est de faire comprendre aux jeunes que nos racines sont précieuses et que sans elles, nous ne saurions où aller », conclut-elle.
À quelques mètres de chez Madeleine, Martine Mohozi, 43 ans, est une des artisanes talentueuses de Kinshasa. Elle crée des tenues en wax aux motifs géométriques inspirés de l’iconographie traditionnelle congolaise. Chaque création (robes, jupes et accessoires) est réalisée avec soin et dans le respect des traditions. Pour elle, l’artisanat dépasse le simple cadre de la subsistance économique : « L’artisanat est notre identité. Chaque motif, chaque couleur a une signification particulière. C’est une forme de résistance à la mondialisation qui efface souvent nos spécificités culturelles. »
Elle est également engagée dans la transmission de ce savoir-faire aux jeunes générations : « Il est primordial de former les jeunes, sinon ce savoir se perdra », souligne-t-elle. En intégrant ces pratiques dans le quotidien des jeunes, Martine veut contribuer à maintenir vivant ce patrimoine précieux, qu’est la culture congolaise à travers l’artisanat.
Les coiffures traditionnelles occupent également une place centrale dans la culture congolaise. Princesse Nkamba, une coiffeuse spécialisée dans les tresses traditionnelles explique : « Chaque coiffure raconte une histoire. Elle peut marquer un rite de passage, une occasion spéciale ou simplement exprimer l’appartenance à une communauté. » Cependant, elle constate un changement dans les habitudes des jeunes générations. « Beaucoup préfèrent aujourd’hui des coiffures inspirées des styles occidentaux, moins chargés culturellement. » Pourtant, elle reste optimiste : « Je pense que les jeunes commencent à comprendre l’importance de nos traditions capillaires, et je me bats pour leur faire redécouvrir ces trésors. »
Princesse Nkamba œuvre donc chaque jour à rappeler aux jeunes l’importance de ces gestes culturels, qu'elle considère comme un moyen puissant de maintenir un lien avec les racines africaines.
À 56 ans, Anastasie Kabanga est une cuisinière réputée, mais sa passion pour la gastronomie congolaise va bien au-delà de la simple préparation de repas. Pour elle, la cuisine congolaise est un véritable acte culturel qu'il faut préserver. Dans sa cuisine, elle nous montre comment préparer des plats traditionnels tels que le moambe (sauce à base de cacahuètes et de viande), le kwanga (pâte de manioc) et le fumbwa.
« La cuisine est une histoire de famille. Mes enfants, mes petites-filles, doivent apprendre à cuisiner ces plats pour ne pas les perdre. C’est notre héritage, un témoignage vivant de notre culture », affirme Anastasie. Elle organise également des ateliers culinaires pour les jeunes, espérant raviver leur intérêt pour ces plats ancestraux et les transmettre aux générations futures.
Les témoignages de ces femmes montrent que la Journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante est bien plus qu’une simple commémoration. Elle représente un acte de résistance face à l’homogénéisation culturelle et un engagement fort à garder vivantes les pratiques, les histoires et les savoir-faire qui façonnent l’identité africaine.
Toutefois, un défi majeur demeure : comment faire perdurer ces traditions dans un monde globalisé, où les influences extérieures sont omniprésentes ?
« Les femmes à Kinshasa sont les gardiennes de ces cultures, mais il leur faut aussi s’adapter, transmettre et réinventer pour que ces héritages traversent les générations », conclut Anastasie Kabanga.
Nancy Clémence Tshimueneka