Jean-Jacques Lumumba:«la résistance aux antivaleurs doit être accentuée"

Jean Jacques Lumumba, ancien banquier congolais à l'origine de l'affaire " BGFI Bank" et petit-neveu de Patrice Emery Lumumba,  appelle les congolais à "lutter contre la nouvelle dictature" qui a vu le jour en RDC, contre une justice à double vitesse mise à contribution  pour traquer les opposants et ceux qui pensent autrement et insouciante des millions qui s’envolent et qui disparaissent au détriment d'une population dans la misère.

Quatre mois après ses révélations sur les irrégularités de la BGFI Bank et plusieurs de ses clients souvent proches du pouvoir, des dirigeants de la CENI ou encore la FEC, Jean-Jacques Lumumba, dans une interview accordée à ACTUALITE.CD, monte au créneau pour développer l'actualité sociopolitique de l'heure.

<strong>Pourquoi ce long silence après des révélations qui ont accroché les médias tant nationaux qu’internationaux ?</strong>

<em>Je tiens à préciser que comme tout congolais n’ayant pas des fonctions politiques, je me suis laissé le temps d’observer très attentivement les dernières évolutions socio-économico-politiques de l’heure, mais une fois de plus je me rends compte que nous (Congolais) sommes en train de répéter les mêmes erreurs et planter le décor d’un nouveau déchirement du pays. On observe une classe politique inconstante de quelques bords que ce soit et un peuple meurtri que ne sait pas quand est ce qu’il jouira réellement des ressources naturelles que le bon Dieu nous a donné.</em>

<strong>Qu’en est-il à ce jour de vos relations avec votre ancien employeur ?</strong>

<em>Je n’ai aucune relation professionnelle avec mon ancien employeur, d’autant plus que j’ai démissionné depuis le 13 octobre 2016 pour faute lourde de ce dernier et je ne me considère plus comme faisant partie de la philosophie de trafic d’influence, de menace et de prédation. C’est une occasion pour moi aujourd’hui d’affirmer mon indépendance d’esprit et ma volonté à travailler pour l’instauration d’une vraie démocratie et d’une émergence socio-économique réelle dans mon pays, parce que ma place se trouve au Congo et non loin de mon pays. Je continue à croire au développement de mon pays et surtout à l’assainissement de sa classe politique. Tel est le rôle que devra jouer le peuple lors des prochaines échéances électorales que nous voulons crédibles et transparentes, avec l’aide de tous nos partenaires internationaux.</em>

<strong>De quel camp politique appartenez-vous aujourd’hui, de l’opposition?</strong>

<em>Jean-Jacques Lumumba n’est ni de l’opposition encore moins membre d’un quelconque regroupement politique. Je suis dans le monde de la Finance dans ma profession quotidienne où je continue à faire valoir mes compétences. Je crois fermement que la reconstruction du Congo passera par la mise en œuvre d’un vrai programme de développement tant à l’échelle nationale que locale dans les secteurs de l’administration publique, de l’éducation nationale, de l’agriculture, du commerce intérieur et extérieur, des transports, de la sécurité et de la défense nationale, etc. sans oublier les mines. La gestion de la chose publique doit dépasser le stade des slogans et du culte de la personnalité. Pendant près de soixante ans , les dirigeants politiques ont été adulés et érigés en sauveurs alors que le pays ne sort pas du marasme économique et la misère s’incruste comme mode de vie. Nous devons passer au stade du respect des textes et des institutions, gage de la stabilité de la nation congolaise pour les prochaines années. Pour ne pas paraphraser l’ancien président américain Barack Obama, je dirai que le Congo a besoin des institutions fortes et d’un système politique et économique pérrein que des regroupements politiques à l’état actuel qui ne sont à mon humble avis que des machines de fabrication des dictateurs. Je me battrai pour que dans mon pays le pouvoir soit redonné au peuple.</em>

<strong>À vous entendre parler, vous êtes un politicien en devenir ?</strong>

<em>Je dirai non, parce que je suis de ceux qui pensent qu’on est pas obligé de faire la politique pour servir son pays. En ayant dit non à un système de prédation devenu une pratique courante dans mon pays, il ne m’a pas fallu me rallier à un parti politique. Je continuerai à servir les autres dans les compétences qui sont les miennes, ce que je fais bien jusque là je pense. C’est ici pour moi l’occasion de faire appel à la jeunesse africaine en général et congolaise en particulier, en leur disant que nous pouvons agir et nous comporter autrement. Si nous ne nous battons pas pour le changement des mentalités et pratiques dans notre continent à l’instar de ce que fait les mouvements citoyens comme la "Lucha", "Filimbi", "Y en a marre" que j’encourage fortement ou si nous ne prenons pas la détermination des personnalités comme le Docteur Mukwege qui brave la peur de la mort pour sauver des vies humaines, nous n’allons pas entrer dans l’histoire et cette génération de jeunes qui désirent ardemment le changement disparaitra sans avoir accompli les vœux des pères des libertés africaines.</em>

<strong>Que pensez vous de la dernière communication de la CENCO, des réactions des acteurs politiques ainsi que des différents ballets diplomatiques observés actuellement en RDC?</strong>

<em>Je commencerai d’abord par présenter mes sincères condoléances au Secrétaire Général de l’UDPS ainsi qu’à sa famille biologique qui a connu un événement tragique le samedi 22 Avril, l’occasion pour moi de souligner la nécessité de faire la lumière sur cette triste nouvelle.</em>
<em>Force est de constater que les intérêts du peuple sont bafoués, les scandales financiers n’ont fait que se succéder et éclater de jour en jour. Le Congo n’a pas de problème de texte, mais c’est un réel problème d’hommes qui se battent pour leurs intérêts en piétinant les libertés individuelles et le droit du peuple à s’épanouir. Nous avons l’impression d’assister à une bataille rangée où les intérêts des camps politiques priment sur tout. Ceux qui sont sensés protéger la population sèment la terreur dans le pays avec les tueries à l’est du pays, les massacres au Kasaï  qui viennent de provoquer l’une des plus grandes crises humanitaires avec le déplacement en masse de plus d’un million de déplacés (selon OCHA). Une nomination au forceps du Premier ministre et des prises de position contradictoires des hommes politiques. Je salue le travail des prêtres qui malheureusement ont été butés à la mauvaise volonté des politiques. Comme je ne cesserai de le dire, c’est au peuple de se libérer car la solution ne viendra ni de la Communauté internationale ou encore moins des dirigeants politiques qui, en dépit de la situation économique et politique catastrophique et sans un plan de développement crédible, cherchent à se cramponner au pouvoir et continuer l’enrichissement personnel d’une poignée d’individus au détriment de la majorité de la population.</em>

<strong>Quel message lancez-vous pendant cette période de crise?</strong>

<em>Je lance un message de vigilance tous azimuts car les choses sont beaucoup plus graves que les gens ne peuvent l’imaginer. La résistance aux antivaleurs doit être accentuée. Aux congolais de se battre pour lutter contre la nouvelle dictature qui a vu le jour. Celle d’un pays où la justice n’est mise à contribution que pour traquer les opposants et ceux qui pensent autrement et non de faire la lumière sur les millions qui s’envolent et qui disparaissent en dépit de la misère grandissante. Aux Congolais de lutter pour l’instauration d’un État de droit avec un programme d’alternance de relance et développement économique crédible par des institutions fortes assises sur le respect des textes et non des hommes « pseudo divins et d’une intelligence quasi parfaite ». Aux Congolais de dire non à une pseudo démocratie d’individus se réunissant pour décider de nos vies parce que détournant les forces de sécurité et de défense du peuple à leur guise. </em>
<em>Que Dieu protège le Congo de Lumumba et Kimbangu (deux de mes grands parents morts pour la liberté), de KimpaVita, de Mpolo, Okito, de tous ceux qui ont versés leur sang dans cette longue lutte pour la liberté ainsi que de tous les prisonniers d’opinions et politiques privés de liberté. Que vive le Peuple qui souffre encore aujourd’hui et qui se libérera du joug des prédateurs et de ses agresseurs.</em>

Interview réalisée par <strong>Tchèques Bukasa</strong>