Dans son rapport d’évaluation du mois de novembre 2025, le Baromètre des accords de paix en Afrique a émis une recommandation aux États-Unis d’Amérique afin d’accentuer la pression sur la RDC et le Rwanda pour les amener à honorer leurs engagements sécuritaires contenus dans l’accord de Washington. Signé en juin dernier, ledit accord sera bientôt entériné par Félix Tshisekedi et Paul Kagame, cependant les progrès sur le terrain restent fragiles et inégaux.
“Aux États-Unis : Continuer d’exercer une pression diplomatique sur les deux parties pour qu’elles respectent les délais convenus concernant la neutralisation des FDLR et la levée des mesures défensives rwandaises de la RDC ; fournir un appui technique et logistique au JOC (Comité de Surveillance Conjointe) et le JSCM (Mécanisme Conjoint de Coordination de la Sécurité)pour améliorer la coordination et la vérification ; et continuer à soutenir activement la médiation entre l’AFC/M23 et le gouvernement congolais afin de faire progresser le processus de Doha, tout en veillant à son alignement stratégique avec l’Accord de Washington”, indique le rapport consulté lundi.
Les deux structures ont été créées suite à l'accord de paix entre la RDC et le Rwanda pour superviser sa mise en œuvre. Leurs rôles incluent la gestion des tensions, le suivi des violations de l'accord, et la coordination des actions militaires, notamment la neutralisation des groupes armés comme les FDLR. Ces mécanismes sont soutenus par des pays tiers comme les États-Unis et le Qatar, qui participent à leurs réunions en tant qu'observateurs.
Au Gouvernement de la RDC, le Baromètre recommande d’accélérer, sans plus tarder, la mise en œuvre d’opérations coordonnées visant à neutraliser les FDLR, en étroite collaboration avec le JSCM, tout en garantissant une protection stricte et sans compromis des civils dans toutes les zones concernées ; opérationnaliser le mécanisme conjoint de vérification du cessez-le-feu, signé à Doha le 14 octobre 2025, lequel demeure un préalable indispensable à la mise en œuvre pleine et crédible de l’Accord de Washington ; et élaborer et mettre en œuvre un plan national de protection des civils, en collaboration avec la MONUSCO et les acteurs humanitaires ;
Au Gouvernement du Rwanda, de mettre en œuvre, sans plus tarder, le plan harmonisé de désengagement et de levée des mesures défensives, assorti d’objectifs mesurables et d’un mécanisme de vérification conjoint ; encourager l’AFC/M23 à renforcer la protection des populations civiles dans les territoires sous son contrôle ; et user de son influence sur l’AFC/M23 pour faciliter une assistance humanitaire sans entrave aux populations vulnérables (y compris la réouverture de l’aéroport de Goma) ;
• Au JOC et au JSCM : publier des rapports offrant un compte-rendu plus complet et détaillé de l’ensemble des violations observées, des retards, des cas de non-exécution des engagements convenus ainsi que des mesures correctives envisagées. Une telle approche contribuerait à renforcer la transparence et à accroître la confiance du public dans le processus de mise en œuvre, en substitution aux communiqués conjoints succincts actuellement diffusés;
• Au Qatar : Continuer à œuvrer en faveur d’une complémentarité renforcée entre les processus de Doha et de Washington ; soutenir le fonctionnement du mécanisme conjoint de vérification, tel que convenu le 14 octobre 2025 par le gouvernement congolais et l’AFC/M23 ; et encourager la publication de ses premières observations dès que possible ;
• Au Médiateur de l’Union Africaine : Continuer à veiller sur l’harmonisation des processus de Washington et de Doha en cohérence avec les efforts continentaux de paix dans la région des Grands Lacs notamment en maintenant la réunion de haut niveau prévue en janvier 2026 au Togo, destinée à renforcer la cohésion des processus de paix en RDC et dans l’ensemble de la région. En outre, plaider pour l’allocation d’un financement autonome au mécanisme continental de suivi, à travers l’adoption d’un budget dédié au sein de l’Union africaine, garantissant sa viabilité institutionnelle et opérationnelle.
Alors que sur le terrain les résultats restent peu visibles en matière de désescalade entre Kinshasa et Kigali, mais aussi entre Kinshasa et la rébellion de l’AFC/M23, le processus de médiation américaine semble, quant à lui, suivre son calendrier. Les différentes parties prenantes engagées dans le processus de Washington sous la facilitation des États-Unis d’Amérique respectent, pour l’instant, les échéances prévues.
Lors de la dernière réunion du mécanisme conjoint de coordination en matière de sécurité (MCCS), tenue les 19 et 20 novembre 2025 à Washington D.C en présence des représentants de la RDC, du Rwanda, des États-Unis, de l’État du Qatar, de la République du Togo (médiateur de l’Union africaine), ainsi que de la Commission de l’Union africaine, les participants ont évalué le niveau de mise en œuvre de l’accord de Washington, signé il y a près de quatre mois, soit le 27 juin 2025.
Selon le communiqué final, la RDC et le Rwanda se sont engagés à faire progresser l’ordre d’opérations (OPORD) afin de mettre en œuvre le concept d’opérations (CONOPS) du plan harmonisé pour la neutralisation des FDLR et le désengagement des forces/la levée des mesures défensives par le Rwanda. Les observateurs de la JSCM ont salué les efforts déployés par les Parties pour faciliter la poursuite de la démobilisation, du rapatriement et de la réintégration des membres des FDLR.
Au cours de la même réunion, les participants ont examiné les progrès accomplis dans la première phase de l'OPORD, notamment les mises à jour concernant le partage de renseignements et les opérations d'information menées par le RDC pour sensibiliser les communautés accessibles et inciter les membres des FDLR à déposer les armes. Les Parties ont engagé des discussions ouvertes afin d'examiner les difficultés persistantes et d'identifier les lacunes et les opportunités pour assurer le succès de la première phase. Les membres du JSCM ont également entamé des discussions sur la deuxième phase de l'OPORD, notamment les actions visant à neutraliser les FDLR et à lever les mesures défensives du Rwanda.
À la suite de la chute de Goma et Bukavu et de l’échec du processus de Luanda, l’accord de Washington et le processus de Doha constituent aujourd’hui les deux volets complémentaires des efforts diplomatiques visant à mettre fin aux conflits persistants dans l’Est de la RDC, en particulier ceux impliquant le Rwanda et les groupes armés tels que le M23.
Clément MUAMBA