Réouverture de l'aéroport de Goma : pour l'AFC/M23, il s’agit d’un lobbying des humanitaires auprès de la France dans l'objectif de se faire une santé financière derrière la population

Aérogare de l'aéroport de Goma/Ph ACTUALITE.CD
Aérogare de l'aéroport de Goma/Ph ACTUALITE.CD

La rébellion de l’AFC/M23 maintient son refus concernant toute tentative de réouverture de l’aéroport international de Goma, dans la province du Nord-Kivu, comme proposé lors de la récente conférence humanitaire organisée par la France. Lors d’un échange avec la presse, dans le cadre de la restitution des activités relatives à la signature de l’Accord-cadre avec le régime de Kinshasa à Doha, le mouvement appuyé par le Rwanda a accusé certaines organisations humanitaires d’être à l’origine de cette démarche. Selon eux, ces acteurs chercheraient à profiter financièrement de la situation des populations de l’Est de la RDC.

Yannick Tshisola, membre de la délégation de l’AFC/M23 aux discussions et directeur de cabinet du coordonnateur politique du mouvement Corneille Nangaa, affirme que la situation humanitaire dans les zones sous leur contrôle n’est plus alarmante. Il soutient que les camps de déplacés autour de Goma n’existent plus et que les populations seraient retournées dans leurs villages grâce, selon lui, à la gouvernance mise en place par l’AFC/M23 depuis la prise de contrôle de la ville.

"En date du 28 octobre 2025 le coordonnateur politique de l'AFC/M23 a adressé une lettre au ministre français de l'Europe et des Affaires Étrangères en prévision de la Conférence humanitaire de Paris, dans cette lettre le coordonnateur politique a parlé de cette question de la réouverture de l'aéroport de Goma soit disant pour des raisons humanitaires. Déjà, je voudrais vous dire que ce lobbying est fait sur cette question de l'aéroport de Goma, est un lobbying qui est fait par les humanitaires qui gagnaient sur le dos de la population, aujourd'hui que les camps qui étaient autour de la ville de Goma ont disparu et que tout le monde est retourné dans les villages, ces gens n'ont plus de business à faire et je voudrais vous dire aussi que nous sommes à la fin de l'année, ils doivent parler de la situation alarmante dans cette zone pour recevoir des financements l'année prochaine. C'est ça même le lobbying de ces humanitaires qui sont allés agiter le gouvernement français en ce qui concerne la situation humanitaire dans cette zone", a déclaré Yannick Tshisola, cadre de l'AFC/M23 devant la presse jeudi 20 novembre 2025 à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu.

Pour cet ancien cadre du PPRD devenu membre influent de l’AFC/M23, les situations les plus préoccupantes se trouveraient dans d’autres régions du pays, des zones qui, affirme-t-il, n’attirent pourtant pas l’attention des humanitaires.

"Vous n'avez qu'à regarder le paysage de ce pays, à Kwamouth, nous sommes à la porte de la capitale Kinshasa, des communautés locales s'entregorgent, ça se fait à la porte de Kinshasa, c'est une situation humanitaire qu'on ne fait pas allusion, à Beni c'est chaque jour qu'on tue, en Ituri n'en parlons pas, pas plus tard il y a une semaine dans la province de Lualaba, nous avons vu une centaine de congolais périr dans les mines y compris des enfants, c'est une situation humanitaire préoccupante mais on en parle pas pouquoi ? Parce-que le business c'est la situation humanitaire dans cette zone et nous nous sommes venus pour normaliser la situation de nos compatriotes, ils ne voient pas les choses de cette manière là", a fait remarquer Yannick Tshisola, cadre de l'AFC/M23.

Il accuse par ailleurs le régime de Kinshasa d’être responsable de la fermeture de l’aéroport international de Goma, évoquant deux raisons principales, sans toutefois entrer dans les détails dans cette intervention.

"S'agissant de l'aéroport de Goma, cette question est de deux ordres : le premier point c'est sur le plan sécuritaire mais aussi c'est politique. Comment nous en sommes arrivés là ? La coalition FARDC, FDLR, Wazalendo, Burundi et consorts ils ont pris l'habitude lorsqu'ils perdent sur le terrain militaire de saboter les infrastructures, ils l'ont fait dernièrement avec Twangiza, ils l'ont fait aussi avec l'aéroport de Goma, avant de partir ils ont detrui la tour de contrôle, la piste d'atterrissage, ils ont laissé des mines anti personnelles dans cet aéroport, bref ils l'ont saboté", a déploré Yannick Tshisola.

Et de poursuivre :

"Et aussi le gouvernement de Kinshasa a publié un Notam (NDLR :NOTAM (OACI et FAA : Notice to Airmen :un avis déposé auprès d’une autorité aéronautique afin d’alerter les pilotes d’aéronefs des dangers potentiels le long d’une route de vol ou à un endroit susceptible d’affecter le vol) ce sont là les actes qu'ils ont posé et donc ils sont responsables de la destruction de cette infrastructure mais nous en tant que autorité de faite sur cet espace nous ne pouvons pas ouvrir cet aéroport n'importe comment, celà doit être un processus".

L’AFC/M23 justifie également sa position par ce qu’elle considère comme un non-respect des engagements par le gouvernement congolais, notamment concernant la non-libération des prisonniers et les violations répétées du cessez-le-feu.

"Sur le plan sécuritaire, le Secrétaire permanent a relevé qu'ils continuent à nous attaquer, ils violent le cessez-le-feu, ils envahissent l'espace aérien avec des drones et nous nous avons la responsabilité de protéger la population, nous ne pouvons pas accepter que celà se fasse comme ça alors qu'en réalité, ils veulent utiliser ce rêve, un fantasme, ils veulent l'aéroport de Goma pour essayer de tenter une opération aéroportuaire, nous disons que l'ouverture de l'aéroport de Goma n'est pas dissociable à toutes les mesures de rétablissement de confiance, jusque-là nous avons libéré des prisonniers, plus de 2000 ou 3000 détenus ceux qui étaient à la MONUSCO, les mercenaires, et Kinshasa n'a libéré personne", a dénoncé ce cadre de l'AFC/M23.

Pour le président français Emmanuel Macron, la réouverture humanitaire de l’aéroport de Goma constituerait un signal concret, attendu par les populations du Nord-Kivu. Lors du sommet de Paris, il a dit compter sur l’appui des États-Unis et du Qatar, tous deux engagés dans la médiation, pour assurer la mise en œuvre rapide de cette initiative.

"C’est un signal concret, attendu et nécessaire pour les populations. Je sais combien mes amis en charge de la médiation qatarie et les États-Unis d’Amérique tiennent à veiller au bon déroulement de cette réouverture et à ce que toutes les conditions puissent l’accompagner. Je sais que les prochains jours seront actifs sur ces sujets", a déclaré Emmanuel Macron.

Depuis l’occupation de la ville de Goma fin janvier 2025 par l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda, l’aéroport international de Goma, comme celui de Kavumu à Bukavu (Sud-Kivu), n’est plus opérationnel. Malgré plusieurs appels insistants à leur réouverture pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, aucune avancée concrète n’avait été enregistrée jusqu’ici.

Face à cette impasse qui continue de retarder l’assistance humanitaire, de nombreux observateurs estiment qu’il est désormais temps pour les médiateurs le Qatar et les États-Unis d’intervenir de manière plus décisive afin de lever les blocages persistants entre Kinshasa et l’AFC/M23.

Clément MUAMBA