À Kinshasa, plus de 70 % des chantiers de réhabilitation routière demeurent inachevés, alors que la Mettelsat annonce l’arrivée de la saison des pluies début octobre. Dans une ville où les femmes assurent l’essentiel du commerce de rue, de la logistique familiale et des déplacements scolaires, chaque détour devient un fardeau. Elles racontent comment ces travaux interminables grignotent leurs revenus, leur santé et leur sécurité.
« Je pars avant le lever du soleil et je reviens souvent après 22 h », confie Marie, vendeuse de légumes au grand marché Zando. « Je quitte Mont-Ngafula vers 5h pour espérer arriver avant 8h. Si je pars plus tard, je perds deux à trois heures dans les embouteillages et je paie les taxis-motos deux fois plus cher. Mes enfants me voient à peine, je n’ai plus le temps de les aider à faire leurs devoirs. »
À Lemba, Clarisse Mole, vendeuse de fruits, traverse chaque jour un terrain de graviers pour rejoindre l’arrêt de bus : « Je marche près d’une heure, chargée de sacs de provisions. Mes genoux me brûlent, mon dos me fait mal. Quand la pluie viendra, ce sera de la boue glissante. Je crains de tomber avec mon bébé au dos. »
Pour Suzanne Pitowotsho, qui vend du poisson fumé, les retards coûtent cher : « Les trajets sont déjà si longs avec ces travaux qui n’en finissent pas que certains poissons se gâtent en chemin. Avec la pluie, ce sera pire. Je jette chaque semaine des marchandises. C’est de l’argent qui s’envole. »
Employée de bureau à Gombe, Chantal Mutoto fait ses comptes : « Le transport me coûtait 10 000 FC par jour, maintenant c’est 20 000 à 25 000. C’est presque la moitié de mon salaire que je dépense chaque semaine. Je réduis la nourriture, je reporte les soins de santé. Je ne sais pas comment je paierai les frais scolaires des enfants. »
À l’Université Pédagogique Nationale, Esther Badibantou voit son avenir compromis : « On ferme des routes sans prévenir. Les chauffeurs changent d’itinéraire et multiplient les détours. J’arrive souvent en retard, parfois je rate des examens. Je travaille dur pour mon diplôme, mais les routes peuvent tout gâcher. »
Ces récits dépassent la simple inquiétude : ils décrivent une érosion du quotidien. Fatigue chronique, pertes de revenus, impossibilité de concilier travail, études et vie familiale sont déjà une réalité. La saison des pluies, attendue début octobre, pourrait transformer les chantiers en bourbiers, couper des quartiers entiers du centre-ville et faire flamber encore le coût des transports.
Appel à des mesures d’urgence
Face à cette réalité, l’ONG "Les Femmes de Valeur" réclame des déviations sûres, l’achèvement prioritaire des axes empruntés par les transports en commun et une communication transparente sur les fermetures. « Kinshasa ne peut plus attendre. Il reste à peine deux semaines avant la saison des pluies. Si les travaux ne sont pas accélérés et sécurisés, la pluie viendra sceller une double peine : des routes impraticables et des femmes épuisées, privées de temps, de revenus et parfois même de leur avenir », alerte Benie Kebo, chargée de communication de la structure.
Nancy Clémence Tshimueneka