Alors que Kinshasa et Washington négocient en parallèle de l'accord de paix un partenariat stratégique dans le domaine des minerais critiques avec comme objectif de garantir aux entreprises américaines un accès privilégié aux ressources minières stratégiques de la RDC, des voix ne cessent de se lever aux États-Unis d'Amérique pour exiger la transparence dans cette démarche voulue par les nouveaux dirigeants américains.
Dans une correspondance adressée au Président américain Donald Trump et au Secrétaire d'État américain Marco Rubio, Linda T. Sánchez (D-Californie), membre de haut rang du sous-comité des voies et moyens commerciaux, et 51 de ses collègues démocrates les exhortent à répondre aux graves préoccupations concernant les négociations secrètes de l'administration avec la République démocratique du Congo concernant un éventuel accord sur les minéraux critiques.
Ces parlementaires démocrates ont critiqué le manque de consultation du Congrès et de transparence dans le processus et ont souligné les rapports alarmants faisant état de violations des droits humains et de dégradations environnementales liées aux opérations minières en RDC. Ils ont également exprimé des inquiétudes quant à un conflit d'intérêts impliquant l'un des alliés politiques du président Trump, qui négocie les droits d'exploitation de la mine de coltan de Rubaya.
« Compte tenu de la gravité de ces enjeux, nous exhortons votre administration à mettre en place un processus transparent et participatif pour les négociations sur les minéraux critiques entre les États-Unis et la RDC. Ce processus doit permettre une contribution éclairée et un dialogue constructif avec le Congrès et toutes les parties prenantes, en particulier les communautés les plus touchées par l'exploitation minière et les conflits dans la région. Nous sommes également préoccupés par le conflit d'intérêts apparent dans les négociations entre cette administration et la RDC. Selon les médias, l'un de vos associés politiques, Gentry Beach, fait partie d'un consortium négociant les droits d'exploitation de la mine de coltan de Rubaya, une source notoire de minerais de conflit. Cette mine est au cœur du trafic de coltan de contrebande utilisé pour financer le conflit en RDC, l'une des guerres les plus longues et les plus meurtrières d'Afrique subsaharienne », ont-ils écrit dans leur correspondance consultée mardi 12 août 2025 par ACTUALITE.CD.
Selon eux, l'exploitation minière en RDC demeure l'une des industries les plus dangereuses et les plus abusives au monde, avec des violations constantes des droits humains, comme le travail des enfants, le travail forcé et la violation systématique des droits des travailleurs.
"Plus de 7,8 millions de personnes ont été déplacées de force, tandis qu'au moins 7 000 civils ont été tués et des milliers d'autres ont subi des violences sexuelles dans les zones liées aux opérations minières. Sur les quelque 350 000 mineurs de cobalt que compte le pays, 80 000 travaillent dans des conditions de travail forcé mettant leur vie en danger, sans protection ni alternative. On estime que 40 000 enfants, dont certains n'ont que sept ans, travaillent dans ces conditions difficiles. Les populations des régions minières de la RDC sont exposées à des produits chimiques nocifs, à la pollution et à une eau contaminée" ont-ils fait remarquer dans leur correspondance.
Et de poursuivre :
"Les produits chimiques toxiques présents à proximité des mines artisanales ont contaminé l'eau et les terres environnantes, réduisant la fertilité des sols, nuisant à la production agricole locale et impactant négativement le développement en RDC. La contamination des aliments, des terres et de l'eau causée par l'exploitation minière a eu des conséquences à long terme sur la santé publique, notamment une augmentation des taux de mortalité maternelle et infantile, des malformations congénitales chez les enfants, des cancers et des risques accrus d'infection. L'exploitation minière de minéraux critiques ne doit pas se faire au détriment de la population de la RDC, de ses terres et de ses perspectives de développement".
Avant la réception de la délégation congolaise à Washington, ces congressistes exigent avant tout un dialogue constructif avec le Congrès et toutes les parties prenantes.
"Compte tenu de la gravité de ces enjeux, nous exhortons votre administration à mettre en place un processus transparent et participatif pour les négociations sur les minéraux critiques entre les États-Unis et la RDC. Ce processus doit permettre une contribution éclairée et un dialogue constructif avec le Congrès et toutes les parties prenantes, en particulier les communautés les plus touchées par l'exploitation minière et les conflits dans la région. Avant toute visite à Washington, DC d’une délégation de représentants du gouvernement de la RDC, nous attendons avec impatience une réponse à cette lettre et un briefing pour informer les membres du Congrès de l’avancement d’un accord sur les minéraux critiques", ont-ils ajouté dans la correspondance.
En interne c'est-à-dire en République Démocratique du Congo, cette initiative est également critiquée par l'opposition. Pour les opposants au régime de Félix Tshisekedi, ce dernier devrait privilégier une coopération gagnant-gagnant plutôt que de brader les minerais du pays contre la sécurité. Les opposants accusent le régime de Tshisekedi de chercher la protection des Etats-Unis parce qu'il n'a pas su mettre en place une politique de défense capable d'assurer la défense et la protection de l'intégrité du territoire national.
Cette démarche est conforme à la nouvelle politique américaine visant principalement à traiter les pays africains comme des partenaires égaux en matière d'investissement et de commerce. Pour y arriver en République Démocratique du Congo, la diplomate américaine tient à contribuer au rétablissement de la paix dans l'Est de la RDC et au respect de l'intégrité territoriale de la RDC. Les États-Unis souhaitent inciter fortement toutes les parties prenantes de la région des Grands Lacs à collaborer harmonieusement et pacifiquement à des projets favorisant l'intégration économique régionale.
Clément MUAMBA