Lutte contre la corruption en RDC : IDLO s’inquiète de la non application de « la législation pertinente » des marchés publics étouffée par des pratiques de corruption

Des panelistes lors du forum multisectoriel sur les risques de corruption  dans  la gouvernance des finances publiques et des marchés publics, vendredi 27 Juin 2025, à Kinshasa.
Des panelistes lors du forum multisectoriel sur les risques de corruption dans la gouvernance des finances publiques et des marchés publics, vendredi 27 Juin 2025, à Kinshasa.

En collaboration avec l’Agence de Prévention de Lutte contre la Corruption (APLC) avec l’appui technique du PNUD, I’Organisation Internationale de Droit du Développement (OIDD), connue sous son sigle anglais IDLO a organisé, vendredi à Kinshasa, un forum multisectoriel sur « le renforcement des initiatives parlementaires face aux risques de corruption dans la gouvernance des finances publiques et des marchés publics », qui est revenu notamment sur les effets néfastes de ce fléau sur la vie des populations.

Ouvrant ces échanges, Nick Elebe, représentant de IDLO en RDC a exprimé son regret de voir la corruption entraver l’application effective de la législation pourtant pertinente de passations des marchés publics ainsi que celle relative aux finances publiques, entraînant des conséquences désastreuses en RDC.

« Selon la Banque mondiale, près de 42% des enfants de moins de 5 ans souffrent d'un retard de croissance ou de malnutrition chronique. 28 millions de personnes font face à l'insécurité alimentaire aiguë, dont 4,5 millions sont des enfants qui souffrent de malnutrition adhérée. Ces réalités, loin d'être abstraites, trouvent souvent leurs origines dans la mauvaise gouvernance, La bonne tenue des marchés publics, malgré une législation pertinente, souffre souvent d'un père, un père fermenté par la corruption », a-t-il déclaré.

De poursuivre : « Kofi Annan, ancien secrétaire général de l'ONU, disait, je cite, « La corruption est un cancer » C'est un cancer qui sape les institutions démocratiques, ralentit le développement économique et contribue à l'instabilité gouvernementale. Ces mots résonnent, et résonnent douloureusement dans notre réalité quotidienne. En effet, certains chiffres nous choquent et nous interpellent particulièrement. Plus de 60% de Congolais vivent sous le seuil de la pauvreté ».

Présentant la corruption comme l’un des principaux obstacles aux efforts de bonne gouvernance et du cycle de passation des marchés publics en RDC, le Coordonnateur de l’Agence de Prévention de Lutte contre la Corruption (APLC), Michel Victor Lessay, a épinglé les indicateurs négatifs qui en résultent, dont la faible reddition des comptes, le détournement des fonds publics ainsi que la manipulation des marchés publics et la non application des règles financières.

« La corruption reste l'un des principaux obstacles aux efforts de bonne gouvernance des finances publiques et du cycle de passation des marchés publics dans notre pays. Le risque de corruption dans nos 10 secteurs est un désagrément très élevé et représente un enjeu majeur pour la stabilité et le développement du pays. On observe couramment des indicateurs ci-après, la faible reddition des comptes, le détournement des fonds publics et les défauts des sanctions crédites, la manipulation des marchés publics et la non-application des règles financières, l'implication des acteurs politiques et administratifs dans le processus d'acquisition et de passation des marchés publics, la faible et le sous-financement des institutions chargées de la gestion et du contrôle des finances publiques… », a-t-il fait savoir.

Rappel de la société civile sur les textes existants et son appel pour la protection des activistes

Dans ces échanges enrichissants, la société civile, elle aussi, a eu voix au chapitre à travers le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL), par le truchement de son coordonnateur Valery Madianga. Ce dernier, connu pour ses enquêtes qui mettent en lumière la mégestion des deniers publics, a rappelé les articles 163 et 164 du décret portant gouvernance budgétaire, lequel donne carte blanche à la société civile d’échanger avec les acteurs étatiques dans le cadre de partages des informations pour l’amélioration de l’efficacité de l’Etat. 

Dans son exposé, M. Valery a insisté sur le respect du cadre légal de la gestion des marchés publics, invitant la cellule de gestion des projets des marchés publics de faire correctement leur travail. S’agissant de la lutte contre la corruption, le numéro un du CREFDL a appelé à une grande sensibilisation citoyenne à la veille sur la gestion de l’Etat, mettant l’accent sur la répression afin non seulement de sanctionner les coupables mais aussi pour que les fonds détournés soient récupérés.

Digitalisation comme moyen de lutter contre la corruption

Le chef de projet au sein du PNUD, Jules Kabangu a présenté la digitalisation comme le rempart devant empêcher l’évolution de la corruption à la base de la misère des Congolais. A l’en croire, la digitalisation commence par l’informatisation, qui consiste à utiliser outil informatique ou numérique, l’instar de l’ordinateur. La deuxième étape est celle de la numérisation, qui est la transformation de tout ce qui est papier vers un format numérique, concluant que l’ensemble de ses deux étapes est désigné par la digitalisation.

En proposant la digitalisation, le PNUD entend juste limiter le contact physique entre des individus dans le processus de passation des marchés publics, lequel occasionne des actes de corruption. Il a par ailleurs démontré que le contact physique est à la fois une perte de temps et des ressources financières. Malgré leur déconnexion, Jules Kabangu a préconisé l’utilisation des logiciels officiels, dont le SIGMAP (pour les marchés publics), GIRAT (pour les impôts DGI), le SISEC ou CORDON (pour le suivi des cargaisons) …

A l’issue des débats, plusieurs recommandations ont été formulées dont :

- La publication en ligne tous les marchés publics et leurs bénéficiaires ;

- La numérisation totale des finances publiques avec traçabilité automatique de flux ;

- Le renforcement de l'ouverture des données budgétaires au public ;

- Le renforcer de suivi numérique des dépenses publiques en temps réel ;

- L’organisation d’une déclaration obligatoire du patrimoine pour tous les agents publics sans exception notamment ceux qui gèrent les fonds publics ;

- L'application et le respect des réformes engagées par le pays dans la gouvernance financière ;

- Le respect et le contrôle de la société civile en mettant fin aux multiples intimidations des acteurs étatiques ;

- Le vote d’une loi relative à l'accès à l'information ;

- Le vote d’une loi spéciale anticorruption ;

- Intégrer tous les logiciels dans une seule plateforme numérique, pour ne citer que celles-là.

Samyr LUKOMBO