Après des années de tensions et de violences dans l'Est de la République Démocratique du Congo, l'administration Trump a réussi à arracher un futur accord de paix entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda en conflit. En attendant la signature par les ministres des Affaires étrangères de la RDC et du Rwanda le 27 juin prochain, les experts gouvernementaux de deux pays ont paraphé mercredi 18 juin à Washington, le texte sous la médiation américaine. Ce qui ne cesse de susciter des réactions dans l'environnement sociopolitique congolais.
Si cette démarche est saluée par certains acteurs, d'autres se montrent toujours sceptiques par rapport à sa mise en œuvre sur terrain. Pour sa part, le Prix Nobel de la paix, Denis Mukwege qui salue toutes les initiatives en cours visant à une paix juste et durable, note que ce futur accord sera issu d’un processus « opaque et non inclusif » qui va avantager le pays le Rwanda.
« Nous réitérons notre circonspection face à des efforts de médiation qui éludent la reconnaissance de l'agression de la RDC par le Rwanda et un processus caractérisé par son caractère opaque et non inclusif, qui laisse à penser qu'il est à l'avantage de l'agresseur non sanctionné, qui verra ainsi ses crimes du passé et du présent blanchis en "coopération économique". Dans l'état actuel, l'accord en genèse reviendrait à accorder une prime à l'agression, à légitimer le pillage des ressources naturelles congolaises et à contraindre la victime à aliéner son patrimoine national en sacrifiant la justice en vue de garantir une paix précaire et fragile », a écrit Dénis Mukwege.
De plus, a-t-il fait remarquer, la déclaration conjointe fait l'économie des prescrits de la résolution 2773 adoptée le 20 février par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Selon Dr Mukwege, en tant que source du droit international, cette résolution s'impose à tous les États et exige un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel; le retrait immédiat des Forces de défense rwandaises du territoire de la RDC et la fin de leur soutien au M23, sans conditions préalables; ainsi que le démantèlement des administrations parallèles illégales établies dans les zones occupées.
« Nous exprimons par conséquent des réserves sur les négociations en cours et lançons un appel à la transparence et à l'inclusivité, en ayant recours une participation significative des femmes et des jeunes. En outre, le conflit en cours, qui s'inscrit dans la continuité de trente ans de guerres d'agression et de la commission d'une pléthore de crimes internationaux, ne pourra se résoudre sans placer la lutte contre l'impunité et le recours à tous les mécanismes de la justice transitionnelle au cœur des efforts de pacification », a-t-il dit.
Et de déplorer :
« Envisager une intégration économique et une cogestion des ressources naturelles avec un État agresseur à la base du pillage systématique des ressources minières et de millions de morts sans parler de justice et de réparations est inconcevable pour la population congolaise en général et les communautés martyres de l'Est du Congo en particulier. La justice est non négociable et les richesses du sous-sol congolais ne peuvent être bradées de manière opaque dans le cadre d'une logique extractiviste néocoloniale ».
À en croire le docteur Dénis Mukwege, la paix ne peut se réduire à faire taire les armes, à obtenir un armistice et à faire du business car pour être juste et durable, elle ne peut faire l'économie de la justice, du respect des droits humains et du droit international.
« Il est donc crucial de recourir à la justice transitionnelle pour prévenir la répétition des conflits et des violations graves des droits humains et du droit international humanitaire et instaurer une paix durable en RDC. La justice, la vérité et des réparations constituent des préconditions à la réconciliation et à la cohabitation pacifique au sein des pays des Grands Lacs africains. Aucun accord ne doit passer sous silence les massacres à grande échelle qu'a subi la population civile congolaise, les viols commis sur des centaines de milliers de femmes, et les déplacements forcés de millions de personnes », a-t-il interpellé.
Les équipes techniques de la République démocratique du Congo et de la République du Rwanda ont paraphé le texte de l'accord de paix, en présence de la sous-secrétaire américaine aux affaires politiques, Allison Hooker, en préparation de la signature ministérielle de l'accord de paix le 27 juin 2025, en présence du secrétaire d'État américain, Marco Rubio.
S'appuyant sur la Déclaration de principes signée le 25 avril 2025, l'Accord a été élaboré au cours de trois jours de dialogue constructif portant sur les intérêts politiques, sécuritaires et économiques. Il comprend des dispositions sur le respect de l'intégrité territoriale et l'interdiction des hostilités ; le désengagement, le désarmement et l'intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques ; la mise en place d'un Mécanisme conjoint de coordination de la sécurité intégrant le CONOPS du 31 octobre 2024 ; la facilitation du retour des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays, ainsi que l'accès humanitaire ; et un cadre d'intégration économique régionale.
Dans le cadre de la coordination continue entre les efforts de facilitation des États-Unis d'Amérique et de l'État du Qatar, ce dernier a participé à ces discussions afin d'assurer la complémentarité et l'harmonisation des initiatives des deux pays visant le dialogue et la paix dans la région. La RDC et le Rwanda ont exprimé leur gratitude pour les précieuses contributions et les efforts conjoints des États-Unis et du Qatar, en tant que partenaires, pour promouvoir une résolution pacifique.
Clément MUAMBA