Futur Accord Kinshasa-Kigali: Sceptique face au schéma américain, Dénis Mukwege soutient plutôt une approche multilatérale tenant compte de la dimension largement régionale de la crise

Dr Denis Mukwege/Ph ACTUALITE.CD

Les équipes techniques de la République démocratique du Congo et du Rwanda ont paraphé mercredi 18 juin 2025 le texte de l'accord de paix, en présence de la sous-secrétaire américaine aux affaires politiques, Allison Hooker. C’est en préparation de la signature ministérielle de l'accord de paix le 27 juin 2025, en présence du secrétaire d'État américain, Marco Rubio.

En réaction, le Prix Nobel de la Paix, Dénis Mukwege s'est montré critique et sceptique par la démarche entreprise par l'administration Trump dans la résolution de la crise dans la région des Grands-lacs. Dans une analyse rendue publique jeudi 19 juin 2025, le prix Sakharov 2014 et le prix Nobel de la paix 2018 rappelle que la crise sécuritaire actuelle nécessite une approche multilatérale qui nécessite la prise en compte d’autres pays de la sous région dont l’Ouganda et le Burundi. Il insiste également sur la nécessité d’un calendrier pour le retrait des troupes rwandaises conformément à la résolution 2773 de l'ONU.

« Nous sommes également réservés face à l'approche bilatérale privilégiée par la diplomatie américaine face à une crise dont la dimension est largement régionale, avec la présence de diverses armées étrangères, dont celles de l'Ouganda et du Burundi, et entretenue par des intérêts géostratégiques qui touchent au fonctionnement de l'économie mondiale. La conclusion d'un accord bilatéral n'aura donc pas vocation à consolider une paix durable. Ainsi, nous exhortons les acteurs impliqués à privilégier une approche multilatérale, et à assortir les appels au cessez-le-feu et au retrait des forces d'occupation d'un calendrier ferme et de sanctions fortes et coordonnées en cas de non-respect persistant de la résolution 2773 du Conseil de sécurité », a rappelé le Docteur Dénis Mukwege.

Mukwege rappelle l’importance de revitaliser l'accord cadre d'Addis-Abeba en vue d'aboutir à l'organisation de la conférence internationale sur la paix en RDC. Pour lui, la paix dans la région des Grands Lacs est possible, si et seulement si les efforts en cours sont animés par la volonté politique et la bonne foi de toutes les parties impliquées.

« Nous appelons à nouveau tous ceux qui œuvrent à promouvoir davantage de paix, de stabilité et de prospérité en RDC et dans la région des Grands Lacs, y compris à Washington, à revitaliser l'Accord Cadre de 2013 pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région et à organiser une conférence internationale de haut niveau, avec la facilitation des institutions et des pays garants. Le chemin de la paix dans la région des Grands Lacs est possible, si et seulement si les efforts en cours sont animés par la volonté politique des dirigeants de la région et par la bonne foi de toutes les parties impliquées dans la recherche d'une sortie de crise durable, qui ne pourra pas faire l'économie de la justice », a-t-il ajouté.

Il sied de signaler que le Qatar, engagé dans une démarche parallèle de facilitation avec les États-Unis, a pris part aux discussions afin d’assurer une coordination harmonieuse entre les deux initiatives diplomatiques. La RDC et le Rwanda ont salué « les contributions précieuses » et « les efforts conjoints » des États-Unis et du Qatar dans la recherche d’une solution pacifique. Selon la médiation, un sommet des chefs d’État est prévu à Washington pour consolider les avancées vers la paix, la stabilité et la prospérité économique dans la région des Grands Lacs.

Sur terrain, les affrontements se poursuivent entre les forces armées de la RDC et Wazalendo contre la rébellion de l'AFC/M23 soutenue par le Rwanda. Ces affrontements se généralisent en violation d'un engagement du cessez-le-feu qui a été décrété pour l'aboutissement des différents processus de paix en RDC. Kinshasa et l’AFC/M23 sont en pourparlers de paix à Doha (Qatar). En avril dernier à Doha, les représentants du gouvernement congolais et ceux de l'AFC/M23 avait pourtant réaffirmé « leur engagement en faveur d'une cessation immédiate des hostilités, le rejet catégorique de tout discours de haine et d'intimidation », en appelant « toutes les communautés à respecter ces engagements ».

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Clément MUAMBA