Enquête de l’ONU: M23, FARDC et wazalendo accusés des graves violations au Nord et Sud-Kivu notamment lors de la bataille de Goma, note un rapport préliminaire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU

Les rebelles du M23 à Goma
Les rebelles du M23 à Goma

La situation sécuritaire et humanitaire dans l'Est de la République Démocratique du Congo est encore plus grave et alarmante. Toutes les parties au conflit au Nord et au Sud-Kivu ont commis des violations des droits de l'homme et des atteintes au droit international humanitaire. Telle est la conclusion préliminaire de la mission d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies il y a quatre mois. La mission était axée sur la période écoulée depuis janvier 2025.

En attendant la présentation du rapport général prévu au mois de septembre prochain, Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a, en marge de la 59ème session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève, profité pour faire le point sur la situation en République Démocratique du Congo dont une grande partie orientale est sous occupation de la rébellion de l’AFC/M23 soutenue par le Rwanda.

"Jusqu’à présent, l’enquête et l’analyse menées par la mission révèlent un mépris total apparent pour la protection des civils pendant et après les opérations militaires. Le M23, soutenu par le Rwanda, a utilisé des armes lourdes lors de son offensive sur Goma en janvier, frappant des quartiers densément peuplés et des camps de personnes déplacées. Alors que les forces armées de la RDC se retiraient, il y a eu un effondrement total apparent du commandement, du contrôle et de la police militaire, tandis que les soldats de la RDC et les membres des milices wazalendo soutenues par la RDC tuaient, violaient et pillaient", a déclaré lundi 16 juin 2025 Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme.

Selon le chef des droits de l’homme de l’ONU, son bureau enquête sur d’autres violations présumées du droit international humanitaire, dont beaucoup pourraient constituer des crimes de guerre.

"Après avoir pris le contrôle de villes et de villages, le M23 a procédé à des arrestations arbitraires de policiers et de nombreux autres civils, dont des enfants. Les combattants du M23 ont également capturé des soldats congolais et en ont forcé certains à rejoindre le M23. Des témoins ont déclaré à mon équipe que les personnes capturées étaient ​​et sont toujours détenues dans des conditions inhumaines dans des camps militaires, notamment à Rumangabo, et dans des lieux de détention informels. Nombre d'entre elles ont été enrôlées de force dans les rangs du M23", a fait savoir le Haut-Commissaire aux droits de l’homme.

Et de poursuivre :

"Des membres du M23 ont procédé à des exécutions sommaires et extrajudiciaires, en violation flagrante du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire, et constituant probablement des crimes de guerre. La mission enquête également sur des allégations d'exécutions sommaires commises par des membres des forces armées de la RDC et des milices Wazalendo.Le M23 a eu recours à la torture et à d’autres mauvais traitements pour imposer l’ordre, forcer les gens à travailler, réprimer la dissidence et extraire des informations"

La Mission a également reçu des informations selon lesquelles les milices Wazalendo ont procédé à des arrestations et des enlèvements arbitraires de personnes pour leur extorquer de l’argent et ont procédé à des châtiments sommaires dans les zones sous leur contrôle.

"La Mission enquête également sur les allégations d’arrestations arbitraires et de disparitions forcées de partisans présumés du M23 par les services de renseignement militaire des forces armées de la RDC. La Mission d’établissement des faits a reçu des informations faisant état d’un recours horrible à la violence sexuelle par toutes les parties au conflit au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, comme moyen de représailles contre les communautés, les proches des opposants présumés et les personnes d’autres groupes ethniques", a indiqué le chef des droits de l’homme de l’ONU.

Et d'ajouter :

"Près de 40 % des victimes de violences sexuelles et sexistes sont des enfants. L'UNICEF estime que durant la phase la plus intense du conflit, un enfant était violé toutes les 30 minutes. Les victimes et les survivants n’ont souvent pas accès aux traitements et aux kits de prophylaxie post-exposition, en raison de la destruction généralisée des installations médicales par les parties au conflit et des coupes budgétaires des donateurs internationaux dans le financement humanitaire. Mon bureau enquête sur des informations selon lesquelles le M23 et diverses milices Wazalendo recruteraient des adolescents pour les utiliser dans des conflits armés".

Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté vendredi 7 février dernier par consensus, une résolution ordonnant la création d’une mission d’établissement des faits et d’une commission d’enquête indépendante sur les graves violations des droits de l’homme commises dans l’est de la République démocratique du Congo.

Cette décision, prise à l'issue de la 37ᵉ session extraordinaire du Conseil, fait suite à l’escalade des violences dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. La résolution exige que le Mouvement du 23 mars (M23) mette fin immédiatement à toutes ses actions hostiles et se retire des zones qu’il occupe actuellement. Elle appelle également la Force de défense rwandaise à cesser tout soutien au M23 et à se retirer « instamment » du territoire congolais.

Le Conseil a demandé au Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme de mettre en place sans délai une mission d’établissement des faits, qui devra produire un rapport sur les événements survenus entre janvier 2022 et la date de présentation de son rapport complet. En complément, une commission d’enquête indépendante, composée de trois experts en droit international des droits de l’homme et en droit humanitaire, sera constituée pour poursuivre les travaux de cette mission.

Clément MUAMBA