Il y a quinze ans, depuis les assassinats de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana à Kinshasa, deux défenseurs des droits de l'homme. Lors d’une commémoration ce 2 juin à la paroisse Notre Dame de Fatima, l’ONG Voix des Sans Voix (VSV) ainsi que les familles des activistes estiment que la justice est loin d'être faite et plaident pour l’organisation d’un nouveau procès dans cette affaire qui incrimine les hauts gradés des Forces de défense et de sécurité de la RDC.
“La quinzième commémoration de l'assassinat de deux (2) défenseurs des droits de l'homme qui a lieu en présence de la veuve et des enfants de Fidèle BAZANA EDADI est un autre signal fort que les parties civiles au procès restent déterminées à aller jusqu'au bout pour que justice soit totalement rendue aux disparus et à travers eux, c'est un renouvellement pour nous tous de notre engagement à lutter contre les crimes touchant les défenseurs des droits humains en RDCongo", a déclaré dans son mot de circonstance Rostin Manketa, secrétaire exécutif de l’ONG VSV
Et de poursuivre :
“C'est donc dans le cadre de cette lutte effective contre l'impunité en général et celle des crimes contre les défenseurs des droits humains en particulier que la Voix des Sans Voix pour les Droits de L'Homme (VSV) ainsi que tous les défenseurs des droits humains en RDCongo et à travers le monde demeurent en attente d'un nouveau procès, celui du Général d'armée John NUMBI BANZA TAMBO et consorts pour qu'ils répondent tous de leurs actes; de la révocation des Forces Armées de la RDC du Général d'armée John NUMBI BANZA TAMBO; d'un autre procès du Colonel Daniel MUKALAY pour détention d'une quantité importante d'armes lors de son arrestation en 2010”
Prenant parole à leur tour, les avocats de la défense Maître Élie Mbikayi et Peter Ngomo sont revenus sur les raisons qui nécessitent l'ouverture d'un nouveau procès contre ces deux haut gradés des FARDC. Ils demandent également le maintien en détention du colonel Daniel Mukalayi, condamné à 15 ans de prison dans cette affaire. Il est considéré comme un témoin clé, notamment parce qu’il est le seul à pouvoir indiquer avec précision le lieu d’inhumation de Fidèle Bazana mais aussi qu' il a été détenteur de plusieurs armes avant son arrestation.
Occasion pour eux, d'interpeller l'auditorat général à ouvrir un nouveau procès de peur que Mukalayi qui est en voie d'épuiser sa peine, soit une fois de plus maintenu pour être jugé pour ces faits restés pendant plusieurs années.
“Le dossier est encore pendant et pour ces faits-là, Mukalayi risque encore 20 ans de prison. Dans les jours à venir, Mukalayi doit quitter la prison. Tout ce que nous pouvons faire c'est d'écrire à l'auditeur général pour qu'il puisse le mettre sous mandat d'arrêt provisoire (MAP). Par rapport à ces faits, il n'a jamais été jugé. À la question de savoir qui lui avait donné tout ce lot d'armes, il répondra sans ambages que c'est le Général John Numbi. Vous vous souviendrez encore lorsqu'on était entré chez John Numbi, le lot d'armes qu'on avait trouvé et vous vous souviendrez encore une fois lors de la comparution du Général Kabulo le chargé de la logistique de la Police, il avait dit certes il gère des dépôts d'armes de la police mais je vous informe que le général John Numbi a son propre dépôt d'armes”, a ajouté Maître Peter Ngomo Milambo.
La libération de Daniel Mukalayi, une menace pour les avocats
Pour Maître Peter Ngomo Milambo, Daniel Mukalayi n'a jamais quitté la police et quitter la prison sans être poursuivi représente une menace contre les avocats.
“Aujourd'hui, nous devons faire la pression sur l'auditorat général qu'on instruise sur le dossier Mukalayi, Mukalayi n'a pas quitté la police. Si on le libère, il va rentrer dans la police, Dieu seul sait s'il va nous chercher mais croyez-moi nous serons dans l'insécurité. Il y a urgence de tout faire pour que l'auditorat général ouvre ce dossier là qu'il soit entendu, détenu et qu'il ne quitte pas la prison parce que s'il sortait de la prison il peut s'enfuir et il sera difficile de le retrouver comme son chef John Numbi”, a indiqué cet avocat de la partie civile.
Par ailleurs, Maître Peter Ngomo Milambo a rappelé la nécessité de régler le cas du Général John Numbi pour permettre à la justice de faire son travail. Il a rappelé qu'une correspondance a été adressée au Chef de l'État mais jusque-là classée sans suite.
“Il faut trouver une solution pour John Numbi sinon le procès va rester comme ça et ceux qui sont en détention vont le demeurer. Ils sont dans un même dossier, ils ne vont pas sortir de la prison tant qu'il n'y aura pas un procès. Même par contumace on peut le juger à son absence”.
Rappelons-le, Floribert Chebeya avait été convoqué le 1er juin 2010 à l'Inspection générale de la police à Kinshasa pour rencontrer son responsable, le Général John Numbi, selon plusieurs témoignages. Son corps avait été retrouvé le lendemain dans sa voiture, les poignets portant des traces de menottes à Mitendi, périphérie ouest de Kinshasa. Celui de son chauffeur Fidèle Bazana n'a jamais été retrouvé. La justice a rendu des arrêts mais pour les familles des victimes, les vrais commanditaires de leur assassinat sont toujours libres.
Clément MUAMBA