Alors que la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC devient de plus en plus alarmante, un collectif des artistes graffeurs a levé sa voix pour crier au scandale à travers une fresque murale érigée dans la commune Limete. Du jeudi 6 au samedi 8 février dernier, il a fallu trois jours à ces artistes pour faire de cette commune de la capitale congolaise, l’écosystème d’une expression à la fois artistique et patriotique forte et révolutionnaire. Ce projet, porté par le collectif Moyindo Tag Nation, vise à rendre hommage à la population de cette partie de la RDC meurtrie depuis maintenant trois décennies, et apporter leur soutien aux Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC).
La fresque, qui se dresse vers la 17e rue Limete, a été réalisée par une équipe de graffeurs engagés, comprenant Tata Nizzoo Kobo, Jonathan Mbomba, Enua Mata, Baby Bokombe, Mohamed Lisongo, Dorcas Poba, Perse Mbiya, Priscille Panzu et Paulcine Makiese. L'œuvre se distingue par sa représentation symbolique de militaires commando des FARDC en action, protégeant des civils, ainsi qu'un portrait du général Mamadou Ndala, figure emblématique de la résistance militaire congolaise face au M23, tué le jeudi 2 janvier 2014 dans une embuscade ; et des messages poignants tels que : « Toz’Art Elongo na FARDC » ou encore la patrie ou la mort.
Une initiative de solidarité
La création de cette fresque s'inscrit dans un contexte de mobilisation nationale, lancée par le ministère des Arts et de la Culture. En parallèle, une campagne de dons de sang a été orchestrée pour soutenir les Congolais blessés lors des affrontements militaires dans l'Est du pays. Ce mouvement a également vu la réalisation par quelques artistes de plusieurs autres fresques murales à travers plusieurs pays d'Afrique, dont le groupe RBS CREW au Sénégal, Manoss Guignan au Burkina Faso, Afi Kodjo et Da Vinci au Bénin, le ToGo Street art et le Bankslave au Kenya, témoignant d'une solidarité continentale face à la crise en RDC.
La Ministre de la Culture, Arts et Patrimoine, Yolande Elebe Ma Ndembo a visité le site le dernier jour de la création, soulignant l'importance de l'art comme vecteur de sensibilisation et d'unité nationale. « Cette fresque n'est pas seulement une œuvre d'art ; elle est un cri du cœur, une manière de rappeler à la communauté internationale la souffrance de notre peuple ».
La région de l'Est de la RDC est depuis des années le théâtre de violences récurrentes. Les conflits armés menés par des groupes rebelles ont entraîné des pertes innombrables en vies humaines et des déplacements massifs des populations, le principal groupe armé, le M23, étant soutenu parmi le Rwanda. Les FARDC, appuyées par les Wazalendo sont engagées dans une lutte constante pour rétablir la paix et la sécurité dans cette partie riche en minerais, mais les défis restent immenses.
Une touche artistique pour redonner espoir
Les artistes graffeurs de Moyindo Tag Nation ont exprimé leur désir de contribuer à cette lutte à travers leur art. « Le street art est une discipline militante. Avec cette fresque, nous voulons apporter notre soutien à notre armée et sensibiliser l'opinion sur la réalité que vivent nos concitoyens », a déclaré Tata Nizoo l'un des artistes.
La fresque « Toz’art Elongo na FARDC » s'inscrit ainsi dans une démarche de réaffirmation de l'identité nationale et de solidarité envers les victimes des conflits. Alors que la RDC traverse une période tumultueuse, cette œuvre est un symbole d'espoir et de résilience, rappelant que l'art peut être un puissant moyen de dialogue et de mobilisation.
James M. Mutuba