Fermeture du Centre Culturel Aw’art : Espoir, innovation, proximité ; une amertume partagée par les artistes

Foto
Centre culturel Aw'art

Le centre culturel Aw’art, situé à Bandalungwa, Kinshasa, a été un espace emblématique de créativité et de proximité durant ses six années d’existence. Offrant un cadre pour les spectacles en plein air, des salles de réunion, un studio de répétition et bien d'autres installations, il a permis à l’art congolais de prospérer sous diverses formes, de la musique à la littérature en passant par la peinture et le slam.

Cependant, Aw’art s’est vu contraint de fermer ses portes depuis le 8 janvier dernier pour des raisons de moyens financiers principalement, une page de l’histoire qui se tourne mais dont les artistes qui ont fait des activités là se souviennent, non sans regrets.

“J’ai été consterné. Mais quelle grande perte pour la culture congolaise. Quelle grande perte pour tous les artistes congolais ! C’est triste ce qui arrive à ce grand centre culturel qui a enfanté tant d’artistes et de passionnés. Et nous, culturels, nous devons nous battre pour que de telles choses n’arrivent plus”, a souligné à ACTUALITE.CD, l’écrivain Christian Gombo.

Mettre la clef sous la porte était devenu inéluctable au vu de la surcharge sur les épaules du centre avec l’inflation générale dans le pays. Le loyer mensuel ayant augmenté jusqu’à 1 500 USD. Pour les activités, le paiement des personnels, et bien des programmes connexes, le centre était censé débourser jusqu’à 3 000 USD le mois. Un montant inatteignable certains mois.

“C’était devenu très difficile, on a fait ça sans financement, sans rien, on s’est battu. Là, nous sommes à bout, le loyer coûte trop cher, les tracasseries des agents de l’Etat, on arrive plus à se prendre en charge”, regrette Fred Kabeya, cofondateur du centre culturel Aw’art.

Un modèle économique a été mis en place pour subvenir aux besoins d’Aw’art mais c’était avec un loyer plus bas, une fois bondi les calculs ont été chamboulés demandant une aide extérieure qui n’est pas toujours venue.

“Quand les jeunes congolais essaient de faire quelque choses dans ce sens, sans aide ou soutien de l’Etat, c’est compliqué. Ça fait 8 ans qu’on fait de notre mieux pour que le secteur culturel soit bien, un espace à la manière kinoise mais là, nous sommes obligés de fermer”, ajoute Fred Kabeya.

L’histoire se termine pour le moment malgré un personnel professionnel et passionné, témoigne Jamil Lusala, artiste peintre et photographe qui a pris part à une master class dès la première année d’existence du centre Aw’art. Il regrette aussi la proximité de ce lieu avec le public par rapport à d’autres.

« C’est très choquant parce que nous artistes, ici, n’avons pas toujours de lieu de culture ou institutions plus proche de nous comme Aw’art. Même quand on fait des ateliers ou des activités, le public est plus proche de nous que dans les institutions telles que l’Institut Français. Nous pensons à l’avenir et ça ne rassure pas, ça me fait très mal. Au lieu d’en avoir plus dans différentes communes de la ville, un lieu de culture ferme », constate Jamil Lusala.

Christian Gombo a fait fonctionner le bureau de “Ecrivains du Congo Asbl” au centre culturel Aw’art pendant plus de deux ans. Profitant pour participer à des présentations des livres, organiser plusieurs événements tels que le concert de mots ou le Café Littéraire de Missy. Pour lui, la passion et les moments chaleureux avec le personnel et les amoureux de la littérature sont inoubliables.

“Des gardiens aux administrateurs, Awart c’était la maison et aujourd’hui un pan entier de notre culture est dans la rue”, affirme Gombo.

Et d’ajouter : 

“Pas seulement à ceux qui ont les moyens mais à nous tous cela reste un fardeau. Une lourde responsabilité qui sonne comme un échec collectif majeur et nous devons nous battre ensemble pour restaurer Awart et faire perdurer ce genre d’initiative”.

Aw’art voulait s’attaquer au problème de la démocratisation et la décentralisation de l’art à Kinshasa qui ne se concentre parfois qu’à Gombe. Dès ambassadeurs et plusieurs autres personnalités sont passées voir des spectacles et des activités culturelles à Bandal grace à ce centre culturel. Parmi les plus mémorables, la ministre de la coopération belge est passée à ce lieu culturel.

Tout a été fait dans la mesure du possible pour accompagner les jeunes, avec la production de plus d’une centaine de spectacles, des prestations. Une dizaine d’artistes ont reçu des accompagnements particuliers dont Céline Banza qui a fini Prix RFI Découvertes en 2019. Malgré ces efforts, le dernier événement aura été le concert en hommage à Rey Lema le 29 novembre 2024.

« Il y a 8 ans, il n’y avait pas de réels studios de répétition à Kinshasa. Un vrai problème. Des artistes louaient des instruments pour aller dans des bars et faire des répétitions. Mais nous avons pu mettre à la disposition des artistes ce lieu de répétition. C’était un mouvement que nous avons créé et cela a pris de l’ampleur. Je suis fier de ça », a ajouté Fred Kabeya.

Par ailleurs, les fondateurs sont ouverts à l’idée de faire rebondir ce centre afin de luidonner une nouvelle vie. SI l’Etat, les partenaires ou les mécènes se pointent pour relever cet espace, il revivra en un autre avec la même vision avec plus d’innovation. Cedric Isengoma, Alain Tshovo et Fred Kabeya, ces confandeurs d’Aw’art ont été reçus par la ministre de la culture, des arts et du patrimoine en novembre dernier. Quelques promesses et ils attendent toujours, a confié Fred Kabeya. 

Ils ont demandé à la ministre de peser de son poids pour que les espaces culturels soient exonérés des taxes avant d’examiner comment les soutenir financièrement pour pas que cette situation de fermeture se répète avec les autres.

Kuzamba Mbuangu