Jean-Jacques Lumumba : « certaines autorités voient d’un bon œil mon retour au pays pour contribuer aux avancées et aux défis de la lutte contre la corruption »

Jean Jacques Lumumba
Jean Jacques Lumumba/Ph. Droit tiers

Le lanceur d’alerte Jean-Jacques Lumumba confirme son retour à Kinshasa, capitale de la RDC, pour ce mois de novembre après huit années passées en exil. À Actualité.cd, il revient sur la principale motivation de cette décision, dévoile le contexte dans lequel s'inscrit ce retour et se projette sur ses initiatives une fois de retour au pays. Interview 

Actualité.cd : Jean-Jacques Lumumba, ça va donc être votre premier retour au pays. Peut-on considérer que c'est la fin de votre exil ?
JJL : Bien évidemment, je reviens à Kinshasa après 8 ans dans le cadre d’une grande conférence sur la transparence et la lutte contre la corruption. C’est un retour au pays de mes ancêtres dans un contexte particulier.

Qu'est-ce qui vous a motivé à mettre fin à votre exil et à revenir dans votre pays d'origine, alors que vous aviez initialement fui pour plusieurs raisons, dont la sécurité ?
La situation politique et les acteurs sont différents par rapport à 2016. En sus, je n’ai jamais eu envie de quitter le Congo malgré les raisons sécuritaires difficiles à l’époque qui m’ont poussé à un départ précipité et à l’exil. Ce retour n’est certes pas sans danger, mais reste tout à fait naturel et je tiens à remercier l’implication de PPLAAF, du Congo N’est pas à vendre (CNPAV) et surtout de certaines autorités locales actuelles qui ont vu d’un bon œil mon retour au pays afin de contribuer aux avancées et aux défis de la lutte contre la corruption, comme le directeur de cabinet adjoint du chef de l’État André Wameso, l’Inspecteur Général des Finances Jules Alingete Key, ou le coordonnateur adjoint de l’agence pour la promotion de la lutte contre la corruption, Monsieur Francis Lusakueno, pour ne citer qu’eux.

Comment avez-vous préparé votre retour et quelles garanties avez-vous obtenues pour votre sécurité ?
Mon retour se prépare dans la plus grande sérénité et la sobriété, et toutes les mesures de sécurité ont été prises, mais ici ne sera pas l’occasion de les étaler. Le contexte qui me ramène à Kinshasa est une conférence internationale dont les détails seront dévoilés prochainement.

Comment votre décision de revenir a-t-elle été perçue par votre famille, vos amis et vos proches ?
Mes proches ont très peur de tout ce que les médias rapportent et des informations reçues sur le Congo, mais personnellement, je demeurerai toujours très attaché à mon Congo natal, autant que je resterai attaché à la France, qui est mon pays d’adoption aujourd’hui et celui de mes enfants. La situation sécuritaire et d’agression que vit le Congo dans sa partie orientale m’inquiète au plus haut point. La situation de la corruption endémique de la RDC demande l’implication de toutes ses filles et ses fils, car l’image de notre pays est sérieusement écorchée.

Peut-on considérer que les choses ont changé, alors même que d'autres s'exilent, estimant être en insécurité au pays ?
La situation de la RDC est une succession d’instabilités depuis 1960 et de plusieurs échecs, mais l’exil est souvent une décision particulière et déplorable pour l’image du pays. Le contexte politique et sécuritaire demeure très tendu, la guerre continue à mettre en mal plusieurs vies humaines.

Que comptez-vous faire au pays ? Reprendre le travail ou d'autres initiatives en vue ?
Je suis un citoyen libre qui pense continuer à aider le pays dans les compétences qui sont les miennes : la finance, l’économie, le conseil, jusqu’à tous les domaines de gouvernance, gestion des risques et conformité. J'espère que ma présence au Congo aidera la cause de la protection des lanceurs d’alerte et de toutes les personnes luttant contre la corruption à avancer, tel que promis par le président de la République dans son discours de rupture de coalition avec le camp de l’ancien président. Mon implication dans l’« ASBL Ma Banque, Un droit », qui défend les intérêts des usagers de banque injustement exclus de services bancaires au nom du dérisking, se poursuivra, car il est important que les relations économiques entre le continent africain et européen se passent sur des bases saines, prenant en compte des critères qui ne pénalisent aucune partie, chaque citoyen étant libre de choisir son lieu de résidence, dans le strict respect des normes internationales.

Propos recueillis par Stanys Bujakera