Entre tradition et aspirations à l'égalité: les jeunes congolais s'expriment sur l'héritage des filles aînées en RDC

Photo/ Actualité.cd
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En République Démocratique du Congo, la question de l'héritage est souvent au cœur des débats, particulièrement lorsqu'il s'agit des filles aînées. Si les témoignages de ces dernières ont souvent été mis en avant, le desk femme est allé à la rencontre des garçons, souvent désignés comme les principaux bénéficiaires des successions.


Les entretiens réalisés ce lundi 19 août auprès de jeunes hommes vivant à Kinshasa révèlent une perception nuancée sur la question de l'héritage des filles aînées. Si certains se montrent plus ouverts à l'idée d'une égalité entre les enfants en matière de succession, d’autres adhèrent encore aux traditions ancestrales qui privilégient les fils.

"Chez nous, c'est le fils aîné qui hérite", confie Jean-Paul, 25 ans, originaire du Katanga. "C'est comme ça depuis toujours et je ne vois pas pourquoi ça changerait".

Ben Kalombo, 26 ans, originaire de Kabeya Kamwanga, est souvent soumis à une pression sociale importante pour perpétuer les traditions familiales. Les amis, les proches et parfois même les parents l'invitent à défendre ses droits de fils aîné.
"Mes oncles m'ont toujours répété que l'héritage était réservé aux hommes. C'est un peu compliqué de remettre en question ce qu'ils m'ont appris."

Patrick Bishisha, 28 ans, originaire du Sud Kivu, semble ouvert au changement. Influencé par les médias, l'école et les échanges internationaux, il est de plus en plus sensibilisé aux questions d'égalité entre les hommes et les femmes.
"Je pense qu'il est injuste que les filles soient privées de leur part d'héritage. Elles ont autant de droits que nous. C'est une question de justice. On doit revoir ces anciennes pratiques", estime-t-il. "Ma sœur aînée a toujours été là pour moi, elle mérite d'être reconnue et d'avoir sa part de l'héritage. Les choses doivent évoluer. Il serait injuste de priver une sœur aînée de son droit à l'héritage, surtout si elle a contribué au bien-être de la famille."

"Je suis partagé", avoue Hervé, 25 ans. "D'un côté, je pense que ma sœur devrait avoir les mêmes droits que moi, mais de l'autre, j'ai peur de ce que diront les autres. Ce qui est le plus dur dans ce combat c’est d'aller à l'encontre de la volonté des parents. Ils ont leurs propres valeurs et leurs propres conceptions de l'héritage."

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Ces jeunes semblent également prêts à jouer un rôle moteur dans l'évolution des mentalités. "Nous avons le pouvoir de changer les choses", affirme Patrick Bishisha. "En discutant avec nos parents, nos frères et sœurs, nous pouvons contribuer à construire une société plus juste et plus équitable."

Si les mentalités évoluent, Rodrigue Ngandu, 30 ans et originaire du grand Kasaï relève de son côté, nombreux obstacles qui subsistent :

- La peur du changement : certains craignent que l'égalité en matière d'héritage ne fragilise les familles
- ⁠Le manque de dialogue : les discussions sur l'héritage sont souvent taboues au sein des familles 
- ⁠Les inégalités économiques : les garçons ont souvent plus de facilités à accéder à l'éducation et à l'emploi, ce qui renforce leur position.

Les témoignages recueillis auprès des jeunes hommes révèlent une complexité des perceptions autour de la question de l'héritage. Si les traditions restent encore ancrées, une nouvelle génération ouverte aux idées d'égalité émerge. Il reste cependant un long chemin à parcourir pour que les filles aînées puissent pleinement jouir de leurs droits en matière de succession.


Nancy Clémence Tshimueneka