La ministre congolaise du Genre, de la Famille et de l’Enfant, a lors d'une matinée organisée le 09 juillet 2024 à Kinshasa, annoncé son intention de relancer le débat sur la question de la dot au sein du parlement, des églises, des organisations de la société civile et auprès du grand public, en vue de lui redonner son caractère symbolique.
Les opinions divergent. Pour certains, la dot représente un symbole d'alliance et de reconnaissance de la valeur de la femme. D'autres la perçoivent comme un frein au mariage pour les jeunes hommes issus de milieux défavorisés, son coût exorbitant pouvant retarder, voire empêcher l'union des couples.
Thérèse Mujinga, mère de 8 enfants dont 5 filles, craint qu'une réglementation de la dot n'induise les couples en erreur et ne porte malédiction dans leurs foyers. Elle estime que chaque famille est libre de fixer la dot de ses filles comme bon lui semble.
"Le montant de la dot varie selon les régions, les ethnies et les conditions socio-économiques des familles. La question de sa fixation revient ainsi à chaque famille, en fonction de ses propres réalités et aspirations. Je redoute que sa réglementation ne crée de la frustration au sein des familles et n'aboutisse à des mariages sans bénédiction parentale. Ce serait très malheureux", s'offusque-t-elle.
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De son côté, Steve Bwema, licencié en droit, déplore le fait que la dot puisse exposer les femmes à des situations de vulnérabilité. Il plaide pour une prise de conscience des familles.
"Les filles ne sont pas des marchandises. Le coût exorbitant de la dot peut constituer un frein majeur à l'union des couples, retardant, voire empêchant, la réalisation de leur projet de vie commune. Cette pratique expose également les femmes à des situations de vulnérabilité, les plaçant en position de dépendance et d'infériorité. Il est crucial que les familles prennent conscience que la valeur des filles ne saurait se résumer à une somme d'argent ou à une liste de biens matériels. Même dans les temps anciens, la dot revêtait une dimension symbolique et signifiait l'engagement du futur époux envers sa future épouse et sa famille."
Hortance Yeko, étudiante en économie, a quant à elle vu son mariage l'année dernière annulé à cause d'une dot jugée exorbitante.
" La question de la dot mérite une attention particulière car elle entrave gravement le bonheur et l'épanouissement des femmes et des couples. Cette pratique coutumière, censée symboliser l'union et le respect mutuel, se transforme souvent en un obstacle insurmontable, brisant des rêves et des projets de vie. L'année dernière, mon mariage a été annulé à cause d'une dot jugée exorbitante par la famille de mon fiancé. La liste remise lors de sa présentation était démesurée, et malgré mes tentatives de dialogue, ma voix n'a pas été entendue. Aujourd'hui, cet homme s'est marié ailleurs, laissant derrière lui une immense amertume et une profonde frustration ", confie la jeune fille.
Jonas Bokete, père de cinq enfants dont deux filles, redoute que ce débat ne fragilise les liens familiaux et n'expose les jeunes femmes à des dérives.
"La dot représente une tradition importante qui contribue à préserver les valeurs culturelles et à garantir la stabilité du couple. Je crains qu'une réglementation trop stricte ne banalise le mariage et n'encourage les jeunes femmes à adopter une attitude moins sérieuse envers leur engagement. Une quelconque réglementation de la dot pourrait amener les femmes à remettre en question leur devoir de soumission et de fidélité envers leur époux" a-t-il dit.
Pour sa part, Cathy Mena, licenciée en lettres, critique la dot telle qu'elle est perçue aujourd'hui: source de pression et d'injustice.
"Nous, les femmes, aspirons à des mariages fondés sur l'amour, le respect mutuel et la liberté de choix. Cependant, la réalité nous confronte souvent à des contraintes financières excessives qui entravent nos aspirations. La pression sociale peut nous pousser à rechercher des hommes aisés, susceptibles de répondre aux attentes de nos familles et de notre entourage. Cette quête peut nous amener à négliger des hommes qui nous aiment sincèrement, mais dont les moyens financiers ne correspondent pas aux standards attendus. Nous nous retrouvons tiraillées entre nos aspirations et les contraintes sociétales, entre l'amour véritable et les pressions extérieures".
Rose Tite, mère de 3 garçons, voit elle dans la relance de ce débat, une étape positive vers une évolution constructive de la pratique.
"En tenant compte des aspirations des jeunes générations et en trouvant un juste équilibre entre tradition et modernité, il est possible de faire de la dot un symbole positif d'alliance et de respect mutuel, plutôt qu'un obstacle au mariage et à l'émancipation des femmes."
Le débat sur la dot en République démocratique du Congo est complexe et soulève des questions importantes. La relance par la ministre du Genre ouvre la voie à une réflexion approfondie et inclusive pour faire évoluer cette pratique coutumière vers un modèle plus juste et respectueux des droits des femmes.
Nancy Clémence Tshimueneka