Stanis Bujakera a finalement quitté la prison centrale de Makala tard dans la soirée de ce mardi 19 mars. Ce, alors qu'il lui a été signifié un appel du ministère public tombé en début de la soirée pendant qu'il rangeait ses effets afin de quitter la maison carcérale.
Plus de six mois après son incarcération, le journaliste Stanis Bujakera peut à nouveau exercer son travail en toute liberté et indépendance. Sa libération intervient après le verdict du TGI de Kinshasa/Gombe le condamnant à six (6) mois de servitude pénale. Une durée peine couverte par le temps déjà passé en détention préventive à la prison centrale de Makala, soit depuis le 14 septembre 2023.
« Les juges ont déclaré établies toutes les infractions à charge de notre client (…). Ils ont retenu la seule peine la plus sévère, c’est la peine de 6 mois, plus le paiement d’une amende d’1 million de francs congolais », expliquait Jean-Marie Kabengela, un de ses avocats.
Pas satisfait de cette décision, les avocats ont, dans la foulée, annoncé leur intention d’interjeter appel afin d’obtenir l’acquittement pur et simple de notre confrère. «Tous les moyens de défense qui ont été déposés n’ont pas été bien adjugés par les juges », soutient Maître Jean-Marie Kabengela.
Un dossier monté dans la précipitation
Stanis Bujakera avait été arrêté le 8 septembre 2023 sur la base d'un avis de recherche émis par le parquet du TGI, à la demande de l'Agence nationale des renseignements (ANR). Toutefois, aucune enquête préalable ni convocation n'avaient été réalisées avant cette date, selon les informations disponibles dans le dossier.
Le parquet n’a fait des demandes d’expertises techniques internes à la police qu’après son arrestation et elles ne sont venues que confirmer a posteriori, de manière sommaire et dans des termes similaires les affirmations de l’accusation.
À l’origine de cette arrestation, la diffusion d’une note confidentielle de l’ANR par le magazine français Jeune Afrique mettant en cause les renseignements militaires dans l’assassinat de Cherubin Okende, ancien ministre devenu opposant et porte-parole du parti de l’ancien gouverneur du Katanga, Moise Katumbi, rival de Felix Tshisekedi à la dernière présidentielle.
Notre confrère a alors été accusé de falsification et contrefaçon pour lesquelles il est condamné pour six mois de prison et faux en écriture, également six mois de prison, assorti des circonstances atténuantes. Lors de la dernière audience, le 8 mars dernier, le ministère public avait requis une peine de 20 ans de servitude pénale principale pour la sommation de toutes ces infractions. Pour sa part, la défense, avait plaidé pour son acquittement pur et simple, soutenant que le dossier est vide de preuves matérielles. Ce, après que l’expert désigné par le tribunal pour la contre-expertise “n’a pas trouvé de trace de la circulation de ce document ”.
La vraie-fausse note de l’ANR
Le gouvernement congolais, l’ANR et les Renseignements militaires ont qualifié de faux cette note sans jamais apporter au tribunal, ni même à l’expert de l’accusation un quelconque élément de comparaison pour l’affirmer.
La défense de Stanis Bujakera a demandé, dès la première audience, à ce que le sceau de l’ANR, le vrai comme le faux, soit ajouté au dossier tout comme le spécimen authentique de la signature de l’auteur présumé de la note. Ni l’expert de l’accusation, ni le signataire présumé du document n’ont été invités par le tribunal à témoigner.
L’ONG Reporters sans frontières dit avoir mené une contre-enquête et assure que le document est vrai. De même que l’avocat belge de la famille de Chérubin Okende qui a porté plainte en Belgique contre le chef des renseignements militaires congolais.
Les “analyses numériques”
Le parquet affirme que Stanis Bujakera était le premier diffuseur de la note de l’ANR et qu’il l’a reçue d’un compte Telegram @mg sur lesquels il est incapable de fournir une quelconque information. Dans le même temps, il assure que Stanis Bujakera a fabriqué le document.
Le procureur et son expert assurent avoir établi que Stanis Bujakera était le premier diffuseur du document sur base de l’analyse des métadonnées d’une photo d’un document partagé via Whatsapp et Telegram. Les deux sociétés ont affirmé à la presse que c’était techniquement impossible avec leur plateforme.
Le parquet assure aussi l’avoir identifié à travers son adresse IP. Mais cette adresse appartient à une société espagnole Bullhost, qui dit l’utiliser pour un serveur interne.
Ces informations fournies par ces grandes sociétés à la presse ont été confirmées par certains parmi les meilleurs experts mondiaux.
Japhet Toko